Selon un rapport de l'Agence française anticorruption (AFA), la Fédération française d'équitation, dont le siège se trouve à Lamotte-Beuvron en Loir-et-Cher, n'aurait pas fait suffisamment d'efforts pour prévenir les conflits d'intérêts et les risques de corruption.
La Fédération française d'équitation (FFE) a-t-elle fait preuve de légèreté en attribuant des contrats à plusieurs dizaines de milliers d'euros ? C'est la question soulevée par un rapport confidentiel de l'Agence française anticorruption, dévoilé par le média spécialisé Les Surligneurs, et que France 3 a pu consulter. Dans la foulée, les Surligneurs ont publié le rapport sur Internet.
Ce document d'une centaine de pages étrille la FFE, dont les dispositifs permettant de détecter des "atteintes à la probité" seraient dysfonctionnels, voire inexistants. En "l'état actuel des modalités d'achat", jugent les auteurs, "la FFE ne respecte ni les dispositions du code de commerce ni celles du code de la commande publique en matière de mise en concurrence".
Rififi à la FFE
Plus concrètement, que reproche l'AFA à la Fédération ? En résumé, d'avoir accordé divers marchés, abondés d'argent public, sans respecter les règles en vigueur. Ainsi divers mécanismes sont qualifiés par le rapport de lacunaires, comme le contrôle de l'allocation des sommes réunies par un financement participatif en ligne, ou le choix de certains prestataires sans mise en concurrence. Par exemple, un prestataire assure la maintenance informatique depuis 20 ans.
Une autre page du rapport pointe une politique d'achat de prestations audiovisuelles auprès d'un ancien salarié de la FFE, l'actuel sélectionneur de l'équipe de dressage et directeur sportif aux JO de Paris, Jean Morel. Ainsi, selon ce document, des sociétés appartenant à ce même Jean Morel se sont vues attribuer diverses prestations, au moins depuis 2020.
Un marché estimé à 240 000 euros sur quatre ans
En effet, selon l'AFA, "il est constaté que lors de la saison sportive 2020-2021, le service communication est à l'origine d'un montant de commandes" estimé à 82 000 euros à une société présidée par Jean Morel, salarié de la Fédération de 2009 à fin 2021. Au même moment, l'ancien cavalier professionnel est président de deux autres sociétés, également fournisseurs de la FFE.
Entre 2018 et 2022, le chiffre d'affaires de ces trois sociétés "s'établit à 750 000€ dont 240 000€ pour la prestation de captation d'images du Grand national FFE pour les années 2020 et 2021". À une période donnée, le fournisseur de la Fédération est donc aussi un des salariés en charge du choix des fournisseurs et prestataires. Et par la suite, il reste rémunéré par la FFE sur vacations à hauteur de 50 000 euros via une de ses sociétés.
Cette situation, dans laquelle des contrats sont passés avec un fournisseur salarié de la Fédération dans le service en charge d’une partie du bon de commande, [...] expose fortement juridiquement et médiatiquement la FFE.
Agence française anticorruption
Faire appel à des sociétés appartenant à un salarié ou un ancien salarié ne constitue par une infraction. L'AFA alerte cependant sur la faiblesse des mécanismes internes de la FFE, qui selon elle risquent de déboucher sur des "conflits d'intérêts".
Contactée par France 3, la FFE n'a pas donné suite à nos sollicitations des 23 et 26 août 2024. En revanche, la Fédération a répondu aux Surligneurs avoir assuré "à l’AFA à la fin de la mission que nous mettrions en œuvre certaines de leurs recommandations, ce qui est progressivement le cas depuis le début de l’année 2024".
Pas intervenu "de près ou de loin" pour favoriser ses sociétés
Pour sa part, Jean Morel par le biais de son avocat Me Richard Rondoux, joint par France 3, conteste tout conflit d'intérêt et juge "diffamatoire" et "dénigrant" l'article des Surligneurs. "En aucun cas M. Morel n'est intervenu de près ou de loin pour favoriser ces sociétés", explique l'avocat, qui signale que les sociétés en question étaient en contrat avec la FFE avant même que leur président ne soit salarié de la Fédération. "Il convient en outre de noter que Monsieur Morel n’a jamais eu la copie de ce rapport de l’AFA et qu’il n’est plus salarié de la FFE depuis le 1er mars 2022."
Quant au choix de ces prestataires par la FFE, il serait simplement dû à un environnement où il existe peu de sociétés capables de répondre aux appels d'offres. "C'est une niche", indique l'avocat. "À un moment donné, il est légitime que la Fédération se retourne sur un prestataire qui perdure et qui est capable depuis quarante ans de répondre à la commande." La FFE aura donc, simplement, misé sur le bon cheval.