Des paléontologues ont découvert, dans le sud du Loir-et-Cher, des fossiles datant d'une époque où la région était sous un climat tropical. La découverte exceptionnelle et inattendue promet de permettre aux scientifiques d'en apprendre plus sur cette période très éloignée.
Des rhinocéros en pleine Sologne. Ce n'est pas de la science-fiction, c'est de la science tout court. Du moins, de la science du passé. Des paléontologues ont en effet récemment mis au jour des fossiles de plusieurs animaux préhistoriques, à près d'un mètre sous terre, dans le sud du Loir-et-Cher.
Les équipes du Mobe (le Muséum de la biodiversité et de l'environnement, à Orléans) sont prévenues le 11 octobre, et se déplacent pour inspecter les 60 mètres carrés de la zone. Et le temps presse : une semaine plus tard, doivent s'engager des travaux, dont la préparation a nécessité la réalisation de fouilles archéologiques préventives par l'Inrap. Aboutissant sur la découverte de ce gisement fossilifère.
Le "graal" des paléontologues découvert
Sur place, sont découverts des os (complets ou fragmentaires), des pattes, des morceaux de colonne vertébrale. Et des dents, le "graal des paléontologues", à en croire Laure Danilo, conservatrice et directrice du Mobe :
Les dents, c'est ce qu'on préfère, parce qu'elles sont très différentes d'une espèce à l'autre.
Laure Dalino, directrice du Mobe
Les dents permettent donc une meilleure identification de l'animal que l'on a sous le pinceau. Car, dans l'urgence, les identifications précises avec spécialistes n'ont pas encore pu être réalisées. D’après les premières constatations, les fossiles retrouvés appartiendraient à trois groupes. Un rhinocéros, donc, relativement petit (2 mètres, contre 4 mètres pour les représentants actuels), un petit ruminant (bovidé ou cervidé), et peut-être même un mastodonte, cousin des éléphants. Pour ce dernier cas, "c'est un élément de colonne vertébrale assez peu informatif, donc on reste prudents".
Sous les sunlights des tropiques
Reste que, oui, des rhinocéros et des éléphants se sont, un jour, tranquillement promenés en Centre-Val de Loire. Mais ça ne date pas d'hier. La couche géologique dans laquelle ont été retrouvés ces fossiles, les "sables de l'Orléanais", date de 16 à 20 millions d'années, pendant la période du Miocène. À titre de comparaison, l'être humain, Homo sapiens, n'apparaît qu'il y a 300 000 ans.
Il y a 16 millions d'années, le Centre-Val de Loire n'avait pas grand-chose à voir avec ses paysages actuels. Le climat est tropical, la flore est très différente. Forcément, la faune qui s'y développe n'a pas non plus le même visage qu'aujourd'hui.
Connus des paléontologues de la région, les "sables de l'Orléanais" sont réputés riches en fossiles localement, dans le nord de la zone concernée, mais pas dans le sud. Là où, pourtant, se trouve le récent gisement mis au jour dans le Loir-et-Cher.
Généralement, ces gisements fossilifères sont le résultat d'une conjonction bien précise de facteurs. Pendant le Miocène, l'actuel Centre-Val de Loire est une large plaine. Plutôt que de faire d'importants fleuves bien délimités, l'eau s'étale, part en méandres. Et érode fortement la couche de calcaire située sous elle, formant ravins, cavités et autres grottes. "Pendant les crues, ça peut créer de grands dépôts de sable, des animaux peuvent y être charriés et piégés", explique Laure Danilo.
Pile ce qu'il faut pour obtenir un gisement de fossiles : "une accumulation de cadavres et leur enfouissement rapide", pour les protéger des éléments ou des charognards par exemple. 16 millions d'années plus tard, les paléontologues peuvent mettre la main dessus.
Bientôt exposés au Mobe ?
Prochaines étapes, un nettoyage minutieux, et une "consolidation" pour les fossiles les plus abîmés. Des sédiments (sable, terre, substrat...) ont également été prélevés sur place, et seront tamisés, dans l'espoir d'y dénicher des "microfossiles" de tout petits mammifères. Les fossiles seront ensuite envoyés vers les spécialistes de leur famille, pour une identification la plus rapide possible. Objectif : rendre une note pour le rapport archéologique de l'Inrap, attendu en janvier.
Deuxième phase : présenter les fossiles au public, au Mobe, "avec des reconstitutions des espèces ou d'espèces proches", projette Laure Danilo. "L'objectif, c'est qu'ils ne finissent pas au fond d'un tiroir."
Finalement, une rallonge de 10 jours a été accordée aux paléontologues qui fouillent le site loir-et-chérien. Mais le temps presse toujours. La couche intéressante pour les scientifiques, épaisse de 20 à 40 centimètres selon l'endroit, est enfouie sous 70 à 80 centimètres. Qu'il faut totalement déblayer, sur les 60 mètres carrés de la zone.