Loir-et-Cher : entre haines ouvertes et coups bas, l'élection du président du département est loin d'être simple

Malgré la victoire de ses candidats, l'Union pour le Loir-et-Cher apparaît plus fragile que jamais au lendemain du second tour des élections départementales. En coulisse, la guerre fait rage pour désigner le prochain président du conseil départemental.

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Ce jeudi 1er juillet, les conseillers départementaux du Loir-et-Cher devront élire un nouveau président pour remplacer Nicolas Perruchot, qui a pris la décision de quitter la vie politique. Mais le choix est loin d'être facile.

Même si les candidats du centre et de la droite ont fait main basse sur la plupart des cantons, l'équilibre redessiné en Loir-et-Cher au lendemain du second tour est précaire : sept cantons sur quinze sont officiellement alignés sur l'UPLC, quatre sont ancrés à gauche, dont deux avec "Le Loir-et-Cher autrement" et les quatre derniers ont vu gagner une droite et un centre non-alignés sur le groupe majoritaire. En coulisse, les discussions sont déjà amorcées entre les partisans de Philippe Gouet, conseiller départemental UDI de Vendôme et favori du président sortant Nicolas Perruchot, et ceux du député MoDem Stéphane Baudu, vainqueur à Blois-2. Pendant ce temps, les noms de certains outsiders continuent de circuler, comme ceux de Guillaume Peltier, Pascal Bioulac ou encore Monique Gibotteau.

En surface, une partie à deux joueurs

A la surface, la partie de poker se poursuit entre les deux favoris, qui abattent leurs cartes tout en affichant leur sérénité. Stéphane Baudu souhaite faire campagne sur le thème du "rassemblement" dans ce département où le centre et la droite tiennent historiquement le haut du pavé, mais où la gauche a su conserver quelques sièges, perdant Chambord mais gagnant Romorantin. "Nous sommes dans une situation très particulière", juge le député MoDem. "Les résultats ont démontré que le département est plutôt ancré au centre-droit, mais avec des couleurs un peu différentes, des nuances." De fait, historiquement le MoDem a eu tendance à voter de concert avec le groupe majoritaire, sans en faire partie. Face à une UPLC où le très droitier Guillaume Peltier prend de plus en plus de place, le député centriste espère monter, d'ici le 1er juillet, une coalition modérée capable d'entamer l'hégémonie de la majorité sortante.

Du côté de l'UPLC, Philippe Gouet, conseiller départemental de Vendôme, estime que son rival "ne pourra pas constituer un groupe majoritaire tout seul, sans conclure d'alliances qui seraient contre-nature", notamment avec la gauche. Adoubé par Nicolas Perruchot, ce professionnel de santé encore peu connu au-delà de sa circonscription peut compter dans son jeu sept cantons issus de la majorité sortante, représentant 14 conseillers sur 30. "Le groupe  UPLC actuel est totalement solidaire et très uni", affirme-t-il, se montrant "très confiant" sur son élection le 1er juillet.

Des fractures nord-sud, droite-centre et... droite-droite

"C'est une tambouille incroyable" commente pour sa part Philippe Sartori, conseiller départemental UPLC réélu le 27 juin, qui avoue préférer le "jeu républicain" aux tractations d'arrière-salle. Un temps pressenti comme futur président du conseil départemental, il nie toute ambition personnelle pour la présidence. "A ce stade, rajouter de la confusion à la confusion n'est vraiment pas nécessaire" estime-t-il, encourageant ses collègues à travailler désormais "pour le Loir-et-Cher et les Loir-et-Chériens". "Ma seule ambition, c'est qu'on réussisse et qu'on continue à aménager ce territoire."

Mais en coulisses, la situation politique du département, fracturé entre le nord et le sud, le centre et la droite, et au sein même du peuple droitier, est un véritable panier de crabes. "Le département a été pendant longtemps tenu par Maurice Leroy... et c'est toujours un peu le cas", lâche une source proche du groupe majoritaire. Président du conseil général puis départemental de 2004 à 2017, avant de laisser la main à Nicolas Perruchot, l'ancien ministre de la Ville de François Fillon a su, selon cet élu, diviser le Loir-et-Cher pour régner durablement.

D'un côté, il y a donc le nord du département, correspondant globalement à la circonscription parlementaire où Maurice Leroy siégeait comme député de 1997 à 2019. "Le nord a beaucoup bénéficié de la présidence de Leroy", poursuit cette source, affirmant que les cantons du Perche, de Vendôme ou encore de Montoire étaient "verrouillés" et "arrosés" par les fidèles de l'ancien ministre. De l'autre côté du département, dans le sud "historiquement 'rad-soc', à l'exception de la Sologne", l'ancien exécutif aurait cette fois entretenu soigneusement la division. Ce "sud" inclut les cantons de Saint-Aignan, tenu par Philippe Sartori toujours fidèle à l'UPLC, mais aussi de Montrichard, de Selles-sur-Cher, de Sologne et de Romorantin-Lanthenay, tous perdus par le groupe majoritaire.

Chambord vaut bien huit sièges

Et, de fait, les élections ont été mouvementées dans ce sud loir-et-chérien. Le 18 juin, à l'avant-veille du premier tour des départementales, Pascal Bioulac, maire de Lamotte-Beuvron en Sologne et président du groupe UPLC, a bruyamment claqué la porte du groupe majoritaire. Opposé depuis quelques temps déjà à la ligne dure de Guillaume Peltier, candidat à Chambord, l'élu solognot a franchi le Rubicon en soutenant à Montrichard l'ancienne collaboratrice de ce dernier, Élodie Péan, et Jacques Paoletti, alors que l'UPLC avait déjà officiellement investi Jean-Marie Janssens et Elisabeth Pennequin. La victoire écrasante de Pascal Bioulac en Sologne et du duo Paoletti-Péan à Montrichard le 27 juin a déjà ravi deux cantons à la majorité sortante, et le maire de Lamotte serait également susceptible de rejoindre la course à la présidence selon certains conseillers et anciens conseillers.

Du côté de Selles-sur-Cher, la vice-présidente sortante Christina Brown estime pour sa part avoir fait partie de conseillers officieusement "blacklistés" par la majorité, qui lui aurait préféré le duo LR d'Aurélien Bertrand et d'Anne-Laure Chevalier. Là encore, le canton de Selles a échappé à la majorité sortante, portant au pouvoir une droite encore non affiliée incarnée par Angélique Dubé et Christophe Thorin. Enfin, dans le canton de Romorantin, des sources concordantes indiquent que la nuit du 24 au 25 juin a vu la distribution d'une lettre, signée de Guillaume Peltier et Nicolas Perruchot, désavouant officiellement le vice-président sortant Louis de Redon et sa binôme Dominique Giraudet.

Ici aussi, le binôme de droite a été battu, laissant la place au duo divers-gauche Tania André et Bruno Harnois, désormais ardemment courtisés par l'UPLC. Contacté, Louis de Redon a déploré la manoeuvre, tout en refusant de commenter le résultat des départementales. En revanche, le groupe politique Ensemble pour Romo a partagé sur Facebook le dépôt de plainte effectué auprès de la gendarmerie par le binôme de droite pour "détournement de suffrage d'électeur par manoeuvre frauduleuse".

Mais le tableau est loin d'être entièrement sombre pour l'UPLC, qui a arraché de justesse le canton de Chambord, le plus peuplé du département, à la gauche qui le tenait depuis quarante-deux ans. Il faut dire que cela a coûté à la droite une campagne difficile, où les coups bas ont volé dru, que ce soit sur l'état de santé présumé de Gilles Clément, le candidat de gauche au second tour, ou sur son programme. "J'ai appris pendant cette campagne que Gilles Clément, qui va à la chasse tous les week-end, serait anti-chasse", ironise un ancien conseiller. Injoignable, le député LR Guillaume Peltier peut néanmoins se vanter d'être le personnage clivant de ces élections départementales, soudant autour de lui les survivants de l'UPLC, à l'image de Philippe Gouet. Malgré des positions qu'il "ne partage pas complétement" avec Guillaume Peltier, le président putatif du département estime néanmoins que ce dernier a "tout à fait sa place au sein de la majorité".

Un "troisième tour" sous tension le 1er juillet

Bref, tout n'est pas joué. A l'encontre du clan Leroy-Perruchot-Peltier, fragilisé par la perte de plusieurs cantons, un autre centre-droit a émergé, sur fond de tensions politiques, mais aussi interpersonnelles. Une droite dans laquelle certains, à Romorantin, Montrichard et ailleurs, voient la main du président de la communauté de communes du Val de Cher Controis et maire de Contres Jean-Luc Brault, et qui pourrait tout à fait envisager de s'allier avec Stéphane Baudu contre la "droite-Valeurs-Actuelles" incarnée par le vice-président de LR. Et ce d'autant que l'unité affichée de l'UPLC pourrait ne pas être aussi solide qu'elle en a l'air.

"Pour l'instant tout le monde reste muet", avance un élu autrefois proche du groupe majoritaire, "mais dans le secret de l'isoloir ça va être autre chose", certains conseillers voyant d'un mauvais oeil l'arrivée d'un président peu expérimenté, voire "sous tutelle" du "système UPLC". "Ils savaient que s'ils mettaient un Bioulac ou un Pillefer ils étaient niqués" achève cette source en parlant des barons de la droite. "Gouet, pour aller faire pipi il faut qu'il leur demande l'autorisation !"

"Cette tambouille ne fait qu'éloigner les gens du scrutin", regrette pour sa part Philippe Sartori, le conseiller départemental de Saint-Aignan. "Il serait temps que nous nous remettions en question, car cela jette le discrédit ceux qui travaillent pour le Loir-et-Cher et les Loir-et-Chériens."

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