CARTE. Grippe aviaire : la filière volaille confrontée à une reprise "exceptionnelle" de l'épidémie, le point en Centre-Val de Loire

Les cas de grippe aviaire se multiplient en France, à la fois aux frontières maritimes, mais aussi dans l'intérieur des terres. En Centre-Val de Loire, où plusieurs cas ont été détectés, plusieurs dizaines de milliers d'animaux ont déjà été abattus.

"C'est notre première installation avec mon frangin. On s'était lancé dans l'agriculture il y a trois ans." À Beauchamp-sur-Huillard, près de Montargis dans le Loiret, cet agriculteur, qui a tenu à rester anonyme, a perdu l'essentiel de son élevage. En tout, 7700 dindes abattues dans cette exploitation après la détection, le 25 octobre, d'un cas de grippe aviaire (ou influenza aviaire hautement pathogène, IAHP).

"Toutes mes bêtes sont parties", raconte-t-il. "Aujourd'hui on est dans le flou, on ne sait pas ce qu'on va faire, économiquement. C'est ça qui nous fait peur, parce qu'on a des nouvelles de personnes jusqu'à maintenant."

En deux mois, des dizaines de milliers d'oiseaux abattus

Cette détresse, il n'est pas le seul, ni le premier éleveur à la ressentir dans la région. Depuis le mois de mai 2022, des cas de grippes aviaires ont été observés en France, en Bretagne, dans le sud-ouest ou encore les Hauts-de-France. Selon le ministère de l'Agriculture, "ces constats sont réguliers sur les côtes de ces départements mais également parfois à l'intérieur des terres".

La situation est exceptionnelle (encore jamais rencontrée en France) de par son ampleur et la période où les détections ont cours.

Ministère de l'Agriculture

En région Centre-Val de Loire, plusieurs cas positifs ont été détectés depuis le début du mois de septembre. À chaque fois, des mesures draconiennes sont prises pour tenter d'éviter toute contagion. Si le cas d'IAHP est détecté dans un élevage, toutes les volailles sont tuées sur le champ, comme cela a été le cas à Céré-la-Ronde le 17 septembre, où 36 000 oiseaux avaient dû être abattus.

Ensuite, comme l'explique Arnaud Bontemps, directeur adjoint de la Direction départementale de l'emploi, du travail, des solidarités et de la protection des populations de l'Indre (DDETSPP), plusieurs étapes de sécurisation se mettent en place. D'abord, plusieurs désinfections et nettoyage se succèdent pendant plus d'une semaine au sein de l'élevage, et un vide sanitaire d'au moins 21 jours doit être respecté avant le retour d'animaux.

Dans un second temps, un système de zonage se met en place, qui permet d'imposer des règles différenciées à 3km (zone de protection), 5km (zone réglementée) et 10km à la rond (zone réglementée supplémentaire). Hors d'un élevage, par exemple dans le cas d'un oiseau sauvage retrouvé mort, comme à Neung-sur-Beuvron ou à Saint-Romain-sur-Cher, la préfecture déclare une "zone de contrôle temporaire" avec ses propres réglementations.

"Dès qu'il y a une mortalité anormale d'oiseaux, que ce soit en basse-cour, en élevage ou dans le milieu sauvage, il faut appeler les services vétérinaires", indique Arnaud Bontemps. Le dernier cas en date, à Rouvres-les-Bois, a nécessité l'abattage de 26 300 dindes.

Localement, les services de l'État confirment que la grippe aviaire de 2022 occasionne beaucoup plus de foyers que les précédentes. "La grippe aviaire, c'est comme la grippe tout court, c'est une maladie saisonnière", poursuit Arnaud Bontemps. Généralement elle montre des pics de présence lors du passage d'oiseaux migrateurs, en automne.

Mais l'année dernière, "le virus semble s'être beaucoup répandu dans la faune sauvage, y compris non migratrice". Et la forte concentration d'élevages dans certaines régions en fait également de véritables relais de la maladie. Le fait que le virus soit resté sur le territoire au cours de l'été explique l'existence de foyers précoces cette année, dès le mois de septembre.

Le virus n'a pas quitté le territoire à la fin de l'hiver 2021, ce qui fait que nous assistons à une forte concentration d'animaux malades sur toute la façade atlantique. C'est très inhabituel, carrément exceptionnel.

Arnaud Bontemps, directeur adjoint de la DDETSPP de l'Indre

En tout, 252 communes de la région ont vu tout ou partie de leur territoire subir des restrictions, rien que depuis le début du mois de septembre. Et la situation pourrait s'aggraver, car l'efficacité de ces mesures de "bio-sécurité", décidées par le ministère, est remise en cause.

"Les mesures actuelles n'enraient pas l'épidémie"

"Il y a une vraie crainte de l'endémie", c'est-à-dire que la maladie sévisse en permanence sur le territoire, note Charles Fournier. Député EELV de Tours, il est co-rapporteur d'une mission d'information parlementaire sur la grippe aviaire et ses impacts. D'autant plus qu'il constate que "les mesures actuelles n'enraient pas l'épidémie".

"On s'aperçoit que la diffusion s'opère par les flux de personnes, de matériel", explique le député, sans même compter la faune sauvage. En outre, tandis que les foyers d'infection touchent souvent des élevages industriels, comme à Céré-la-Ronde en septembre, ce sont les élevages plus modestes, en plein air, qui on le plus de mal de se remettre de l'élimination de leur cheptel. "Il y a un réel enjeu d'accompagnement des éleveurs, sur le plan financier mais aussi sur le plan psychologique", avance le député.

Une mission d'information parlementaire en novembre

À part la claustration, l'abattage des animaux à risque et la désinfection des élevage, quelles solutions mettre en œuvre contre la grippe aviaire. C'est précisément la question à laquelle vont devoir répondre les deux députés de la mission d'information.

À partir de ce 3 novembre, Charles Fournier et son collègue MoDem Philippe Bolo, élu dans le Maine-et-Loire, vont entendre des éleveurs, mais aussi des chercheurs sur la pistes de nouveaux traitements préventifs. Par exemple, la société pharmaceutique vétérinaire Ceva, qui travaille sur des vaccins.

Le tout, "sans déstructurer la filière", qui représente un "enjeu économique colossal", reconnaît le député de Tours.

Tout un système à revoir ?

Mais au-delà de la vaccination et des indemnités, c'est tout un système qu'il faudrait, à terme, revoir. "À mon sens, il faudra plus que de simples ajustements", estime Charles Fournier, convaincu que "le seul pari technologique ne suffira pas".

"Ça passera par des questions plus profondes sur l'organisation de ces élevages", avance encore l'élu, qui espère "mettre également le sujet du bien-être animal" sur la table. Par exemple, la remise en cause du modèle industriel d'élevage de volaille, qualifié par la Confédération paysanne de "bouillon de culture" pour le virus. Reste à savoir par quoi le remplacer, et sous quel calendrier.

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