"Des arrêtés sécheresses alors que les nappes phréatiques n'ont jamais été aussi hautes", l'incompréhension des Loirétains touchés par des restrictions d'eau

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A Ligny-le Ribault, l'herbe a jauni en raison de l'arrêt de l'arrosage.
Des restrictions d'eau touchent plusieurs territoires de la région Centre-Val de Loire ©France 3 Centre-Val de Loire

Depuis le 12 août dernier et la prise d'un arrêté préfectoral, les collectivités, les agriculteurs et les particuliers doivent limiter leur usage de l'eau. Une mesure mal comprise et aux conséquences déjà visibles.

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Dans le centre de Ligny-le-Ribault, il suffit de baisser la tête et d’ouvrir grand ses oreilles pour apercevoir les premiers effets des restrictions d’eau sur la commune. L’herbe qui tapisse le parterre fleuri de la mairie a pris la couleur d’un paillasson et le bruit de l’eau de la fontaine n’est plus.

Des collectivités forcées d'arrêter l'arrosage

Et pour cause, depuis la prise d’un arrêté préfectoral dans le Loiret le 12 août dernier restreignant l’usage de l’eau, l’arrosage a été stoppé dans la commune. "Tout est à l’arrêt, les plantes annuelles vont beaucoup souffrir au contraire des plantes vivaces qui elles seront plus résistantes car mieux enracinées", explique Jean-Marie Theffo, le premier adjoint de la commune en charge de l’entretien.

"On est impuissant. Ça crispe un peu les esprits, mais nous devons respecter la loi, qui peut être dès fois surprenante"

Jean-Marie Theffo : Premier adjoint à Ligny-le-Ribault en charge de l’entretien de la commune

Pour ce petit village ayant obtenu son label "village fleuri du Loiret" en 2015 c’est un véritable crève-cœur : "On prend soin de notre commune, on essaye de la mettre en valeur, c’est le travail de toute l’équipe et c’est vrai que de voir les fleurs fanées parce qu’on ne peut pas arroser ça crispe les esprits mais on est impuissant."

Une crispation qui découle surtout d’une incompréhension, "on doit respecter la loi qui dès fois peut être surprenante."

La profession agricole mécontente

Car cette décision est loin d’être comprise par tous les acteurs impactés par la mesure, les collectivités donc mais aussi les agriculteurs. L’incompréhension voire l’agacement semble même plus important.

"Pourquoi on nous met des arrêtés sécheresses qui impactent la profession agricole alors que les nappes phréatiques n'ont jamais été aussi hautes depuis 25 ans ?"

Valentin Caron, président des Jeunes Agriculteurs du Loiret

Valentin Caron, le président des Jeunes Agriculteurs du Loiret a du mal à le dissimuler :"Nous avons eu un automne 2023-2024 qui a été l'un des plus pluvieux jamais enregistré depuis une trentaine d'années. Il y a eu une bonne recharge des nappes, que ça soit celle du Cosson ou celle de Beauce."

Des nappes phréatiques pourtant rechargées

Une interrogation légitime. Car le printemps 2024 a lui aussi l'un des plus pluvieux. Les nappes phréatiques se sont rechargées.

C'est même le BRGM (Bureau de recherches géologiques et minières) lui-même qui l'indique dans son dernier bulletin mensuel publié le 14 août dernier, soit deux jours après la prise de l'arrêté préfectoral :

"La situation des nappes phréatiques est très satisfaisante, du fait d'une recharge excédentaire et d'un fort soutien par des pluies printanières"

BRGM (Bureau de recherches géologiques et minières)

Le littoral du Roussillon, le Languedoc, la Corse et le sud de l'Alsace sont les seules régions ou territoires à échapper à ce constat. La région Centre-Val de Loire ne semble donc pas concernée par un manque d'eau.

Comme le redoute Valentin Caron, la mesure pourrait ne pas être sans conséquences.

48 heures d'irrigation en moins pour certains agriculteurs

À Marcilly-en-Villette, Rodolphe Leroy cultive plusieurs hectares de maïs, mais depuis la prise de l’arrêté préfectoral, l’irrigation de ses champs lui est interdit 48 heures chaque semaine, du samedi matin au lundi matin. "On ne peut plus irriguer, alors que nous sommes en pleine période de floraison du maïs. C'est le moment le plus critique pour lui, s'il a un stress d'eau cela peut engendrer une perte de rendement."

Qui dit perte de rendement dit récolte moins importante et donc diminution du chiffre d’affaires. Et cela les agriculteurs ne peuvent plus se le permettre.

"Après une année 2024 compliquée, beaucoup espéraient se rattraper avec les cultures de printemps comme le maïs"

Rodolphe Leroy, agriculteur à Marcilly-en-Villette

Car l'année 2024 a déjà été rude. Les difficultés rencontrées ont été matérialisées par un des pires bilans de moisson de ces dernières années, entre -10 % et -30 % de rendement.

"Après l'automne humide qu'on a eu et un début de printemps compliqué, la dernière culture qui nous restait c'était le maïs" explique Rodolphe Leroy.

Résultat, il a même pris la décision il y a quelques semaines d’en semer 25% de plus par rapport à d'habitude, "mais je n’avais pas prévu qu’avec toute l’eau qu’on a eu, d’avoir des restrictions maintenant."

Le débit du Cosson en cause 

Alors comment expliquer cette mesure de la part des services de l'État ? Pour la comprendre, il faut observer la rivière le Cosson qui traverse le sud du département du Loiret et le Loir-et-Cher. Son débit particulièrement faible a valu le placement du sud de l'Orléanais en zone "crise sécheresse".

À Ligny-le-Ribault, un bras du Cosson est même à sec. Mais Valentin Caron s'interroge une seconde fois : "Quelle corrélation il y a entre une rivière de surface et de l'eau qui est puisée dans la nappe à 30, 50 ou 70 mètres de profondeur ?"

Pour mettre fin à ce qu'il appelle des mesures répressives, lui et sa profession propose d'utiliser un dispositif permettant de mesurer la pression de l'eau : "Nous avons des piézomètres pour voir l'état des nappes phréatiques, il faut qu'on se fie à ça plutôt qu'à un débit de rivière."

Plus de transparence pour préserver la ressource en eau. Plus de communication également. C'est ce que réclame Henri, un particulier, rencontré à la station de lavage automobile de Jouy-le-Potier, autre ville du Loiret concernée par des mesures de restriction de l'eau. Des restrictions ici allégées, car la commune est située en zone "alerte renforcée" et non de crise.

Le lavage de son véhicule y est tout de même interdit : "Je ne savais pas du tout. Je n'ai pas vu l'information passer. Je suis même étonné que ça fonctionne s'il y a des restrictions d'eau. Il faudrait un message d'affiché sur la borne", nous dit avec étonnement l'automobiliste.

Cela pourrait permettre de limiter cette incompréhension généralisée. D'autant plus que la situation pourrait durer. L'arrêté préfectoral est en vigueur jusqu'au 30 novembre prochain. En cas de non-respect des mesures, le contrevenant est passible d'une amende pouvant aller jusqu'à 1500 euros. 

La pluie, jusqu'ici tant décriée, pourrait dans les prochains jours être plus que plébiscitée...

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