Pour conserver les fruits et les légumes jusqu’au printemps, il faut pouvoir les stocker et donc faire tourner les frigos. Une facture qui sera très salée pour de nombreux agriculteurs du Loiret notamment qui demandent de l’aide à l’Etat.
C’est une période pleine d’incertitudes qui s’annonce pour Philippe Cimetière, arboriculteur à Sigloy dans le Loiret. 150 tonnes de pommes sont stockés dans l'immense chambre froide de son hangar. Mais avec des tarifs de l’énergie qui s'envolent et l’impossibilité d’augmenter ses prix de vente, Philippe est coincé. "J'ai une belle récolte", se réjouit l'arboriculteur qui tempère immédiatement. "J'aurais bien aimé la valoriser mais si le prix de l'électricité est multiplié par six, je ne peux pas augmenter le prix de vente de mes pommes par six."
L'immense réfrigérateur tourne à plein régime pour maintenir la température à 0,2 degrés. Cela lui a déjà couté 6500€ cette année, 1500 euros de plus qu'en 2021, soit une augmentation de 30%. Et ce pourrait être encore pire en 2023 mais pour l'instant, il n'a aucune visibilité l'évolution des tarifs. "J'ai envoyé un mail à mon fournisseur d'énergie pour faire une simulation et savoir à quelle sauce j'allais être mangé. On m'a répondu que les contrats s'arrêtent au 31 décembre 2022 et que la suite, on n'en a aucune idée".
Si on doit mettre toute la production à la poubelle, on ne pourra jamais payer du personnel pour la prochaine saison
Philippe CimetièreArboriculteur
Pour éviter de stocker d'avantage et donc, faire des économies d'énergie, il faudrait écouler le stock dès maintenant mais le marché est saturé. "Là, tout le monde essaye d'écouler des pommes à bas prix parce qu'ils ne veulent pas les stocker dans les chambres froides", explique l'arboriculteur". Philippe Cimetière a bien un plan b: transformer un maximum de pommes en jus mais là encore, il y a problème. Pour stocker le jus, il faut des bouteilles en verre et le verre se fabrique avec du gaz. Depuis la flambée du prix de ce dernier, les verreries ont ralenti ou suspendu leur production provoquant une pénurie dans toute l'Europe.
Alors face à ces difficultés en cascade, l'arboriculteur envisage à contrecœur de détruire une partie de sa production. "Moi, mon cycle de travail il est sur une année complète. Qu'est-ce qu'on fait si on doit mettre toute la production à la poubelle? On ne pourra jamais payer du personnel pour la saison prochaine puisque c'est avec le produit de la vente qu'on verse les salaires", s'exclame Philippe, qui se sent pris dans un cercle infernal.
"Si je perds de l'argent à cause d'un légume, je vais faire une autre céréale"
Et des fruits aux légumes, la problématique est la même. Jérôme Masson cultive des betteraves à Bray-en-Val dans le Loiret. Actuellement, il en stocke 900 tonnes dans des silos qu'il doit refroidir à l'aide d'immenses ventilateurs électriques. Si à l'inverse de Philippe, il ne prévoit pas de détruire une partie de sa récolte, il envisage une solution bien plus radicale encore: cesser dès l'année prochaine de produire de la betterave. "Si je perds de l'argent à cause d'un légume, je ne suis pas fou. Je vais faire une autre céréale à la place qui me rapportera une somme d'argent plus ou moins connue d'avance, mais qui en tout cas engagera beaucoup moins de charges. Donc ce que je n'aurais pas dépensé, je suis sûr de ne pas le perdre".
Face à cette situation intenable, Jérôme Masson monte au créneau. Egalement responsable de la section légumes à la FNSEA ( Fédération Nationale des Syndicats d'Exploitants Agricoles) du Loiret, il en appelle à l'Etat "afin de limiter cette hausse de charges devenue incontrôlable", explique-t-il. Pour cela, son syndicat souhaite que les agriculteurs puissent bénéficier d'un bouclier tarifaire au même titre que les particuliers. "On le demande pour tous les exploitants agricoles qui ont une importante consommation d'électricité et de Gaz", détaille-t-il. Si des négociations sont en cours avec le gouvernement, pour l’instant, aucune annonce n'a encore été faite.