Gérald Darmanin avait annoncé en septembre la création d’une "unité d’investigation nationale" sur le modèle de la CRS 8 pour lutter contre le trafic de drogues. Voici cette unité déployée dans l'agglomération de Montargis pendant plusieurs jours pour lutter contre les trafics de stupéfiants. Mais certains doutent de l'efficacité de cette opération.
C'est une opération d'ampleur qui a démarré le 6 décembre à Montargis. Une cinquantaine de policiers locaux, épaulés par la CRS-8, une unité spécialisée dans les interventions en zone urbaine sensible, vont investir plusieurs quartiers de l'agglomération. Objectif affiché : "renforcer les moyens d’enquête et occuper le terrain" et ne "laisser aucun répit aux délinquants".
Fouilles de parties communes, de caves d'immeubles, contrôles d'habitants et de commerces, pendant plusieurs jours les forces de l'ordre veulent montrer les muscles : "C'est une opération exceptionnelle qui va durer environ quatre jours et qui va également permettre de réaliser des contrôles routiers coordonnés", précise Régis Castro, le sous-préfet de Montargis.
Dans l'après-midi du 6 décembre, une arme de poing et quelques grammes d'héroïnes sont retrouvés dans une cave. De jeunes hommes sont également contrôlés avec de l'argent liquide et de la résine de cannabis en leur possession. Mais le bilan de l'opération ne sera communiqué que dans quelques jours par les policiers.
Quatre jours de contrôle et après ?
Pour Benoit Digeon, le maire de Montargis, l'opération peut permettre de "faire un peu le ménage" à quelques jours du procès de plusieurs jeunes soupçonnés d'avoir participé aux émeutes en juillet dernier. "Ça peut-être une opération de pacification", avance-t-il sur le plateau de France 3 Centre-Val de Loire.
Pour l'un des tout meilleurs spécialistes de la police française, le directeur de recherche au CNRS Sebastian Roché, en revanche, une telle opération aura un effet limité. "Bien sûr, c'est important que la police se montre", explique-t-il. "Mais cela doit se faire dans le cadre d'une stratégie de lutte contre le trafic de stupéfiants. Or, le ministère de l'Intérieur n'en a pas".
Le ministère de l'Intérieur souffre d'une grande faiblesse. C'est son incapacité à évaluer ses propres actions. Il manque une approche expérimentale comme elle existe en Grande-Bretagne ou aux Pays-Bas.
Sebastian Roché, politologue, docteur en sciences politiques et directeur de recherche au CNRS
Selon lui, cette opération qui vise à "attraper et sanctionner ceux qu'on peut", ne prend pas en compte la spécificité du trafic de stupéfiants : "C'est une économie qui ne demande que très peu de compétences. Chaque personne est facilement remplaçable."
Plus grave encore pour le spécialiste, le ministère de l'Intérieur ne propose pas de bilan d'évaluation à long terme de ces opérations coup de poing qui ont lieu partout en France : "Cela peut paraître dingue, mais nous ne savons pas si cela marche ou si cela ne marche pas ", argue Sebastian Roché.
Répression et prévention
Contacté, le directeur de la sécurité publique du Loiret (DDSP), Thierry Guiguet-Doron, reconnaît que l'opération vise avant tout à "montrer que les forces de l'ordre sont sur le terrain. C'est une demande des habitants, qui attendent de voir des policiers dans la rue. Mais c'est aussi une demande des élus", assure-t-il. "Et puis nous essayons d'intervenir dans ces quartiers tout au long de l'année".
Le DDSP rappelle que la police intervient également sur le volet prévention : "Au-delà de la répression, la police fait également de la prévention auprès des jeunes dans les collèges et les lycées. Tout cela est complémentaire".
Un avis partagé par le maire de Montargis qui espère aussi une réponse sociale : "L'État veut renforcer le programme éducatif. On va monter une cité éducative, on va faire revenir des éducateurs de rue, et ça, c'est une très bonne chose", veut croire l'édile.