Au début du mois d'avril, la FNSEA du Loiret a lancé une campagne de recrutement pour les métiers de l'élevage, une première en France. Dans l'une des filières les plus contraignantes de l'agriculture, les éleveurs tentent de trouver des solutions pour séduire un nouveau public et combler leur manque de personnel.
Les cagnottes, les grèves de la faim et les appels à l'aide se sont multipliés dans le monde de l'agriculture depuis le début de l'année en région Centre-Val de Loire. De nombreuses actions qui mettent en lumière les difficultés rencontrées par les agriculteurs ces dernières années.
Certains élevages font notamment partie de ces filières en difficulté. Tout d'abord, sur le plan financier, les exploitations bovines, d'ovins et de caprins sont celles qui ont généré le moins de revenus en 2022, selon les données du ministère de l'Agriculture. Ainsi, au niveau national, les exploitations de vaches à viande figurent parmi celles qui performent le moins avec 48 041€ d'excédent brut d'exploitation en 2022. Sur ce même indicateur, les exploitations laitières ont réalisé 88 017€, bien loin de la filière porcine avec 175 644€.
Une attractivité en péril
Ces exploitations ont des contraintes organisationnelles importantes avec un travail 7 jours sur 7 et de nombreuses astreintes les week-ends. Ce qui ne rend pas le métier des plus attractifs, et les manques de personnel sont monnaie courante dans le secteur.
Pour attirer un nouveau public, il est nécessaire de changer le modèle selon Sébastien Leconte, responsable professionnel emploi à la FNSEA 45. "Aujourd'hui, les jeunes ne veulent pas s'installer et faire 12 heures par jour et travailler 7 jours sur 7. En restant sur ce schéma-là, on n'y arrivera pas. Ce que faisaient nos ancêtres, ce n'est plus du tout les souhaits de la nouvelle génération et c'est normal", entame-t-il.
Dans toutes les filiales d'agriculture, il y avait de la main d'œuvre familiale. Cela comblait une partie de la main-d'oeuvre. Aujourd'hui, elle n'existe plus.
Sébastien Leconte, responsable professionnel emploi FNSEA 45.
Ce constat fait, des solutions doivent être trouvées. "Plusieurs agriculteurs peuvent s'associer et donc créer un regroupement de main-d'œuvre. D'autres agriculteurs vont rechercher de la main-d'œuvre. Pour travailler en élevage, il faut être passionné. C'est du travail du vivant, il faut trouver les bonnes personnes et revaloriser le métier", poursuit Sébastien Leconte.
C'est dans ce contexte que la FNSEA du Loiret a décidé de lancer sa première campagne de sensibilisation aux métiers de l'élevage : les personnes intéressées pourront passer quelques jours en immersion dans les exploitations. L'objectif de cette initiative est de faire naître des vocations et, au final, de recruter de la main-d’œuvre... qui manque cruellement.
Plusieurs éleveurs du département se sont portés volontaires pour participer à cette campagne. C'est notamment le cas de Christophe Guerton, producteur de céréales et éleveur de moutons dans le Loiret, qui recherche un salarié agricole pour soulager sa charge de travail. Les candidats se succèdent depuis un an, sans succès. "C'est compliqué de trouver quelqu'un qui veuille travailler en agriculture parce que l'on demande des personnes très polyvalentes", explique-t-il.
Une concurrence avec d'autres corps de métiers ?
À l'inverse, un autre éleveur du Loiret n'est pas forcément en recherche de personnel, mais souhaite accueillir de possibles curieux voulant découvrir le travail à la ferme. "On sait qu'en agriculture, on n'attire pas forcément les foules... La principale problématique est lorsque l'on accueille des jeunes qui ne connaissent pas forcément très bien le fonctionnement d'une exploitation. Cette démarche permettrait à certains d'entre eux d'avoir une première approche avec le monde de l'élevage", admet Nicolas Beets, éleveur laitier à Saint-Germain-des Prés.
Pour tenter de "séduire" ce nouveau public, Sébastien Leconte, de la FNSEA 45, entend "amener le monde de l'élevage vers une nouvelle conception de l'agriculture". Il expose ensuite une nouvelle problématique à laquelle les éleveurs doivent faire face : "Nous sommes en concurrence avec d'autres corps de métier qui sont plus attractifs. Nous avons besoin de main-d'œuvre manuelle, pas forcément qualifiée, on est en concurrence avec des maçons par exemple. La différence avec nous, c'est qu'eux sont capables de répercuter leur coût de main-d'œuvre, les éleveurs ne peuvent pas à cause de leur prix de ventes fixes."
Autres problématiques auxquelles les éleveurs sont confrontés, l'inflation des prix, mais aussi la montée en puissance des régimes alimentaires sans viande. "On travaille sur des temps très courts, donc ce n'est pas facile de modifier nos pratiques ou d'anticiper", assure Nicolas Beets. Producteur de porcs, de lait, de céréales, il a décidé "de diversifier ses sources de revenus. Il y en a un souvent qui va mieux que les autres", témoigne-t-il.
Il y a de forts écarts entre les filières. On sait que le monde de l'élevage allaitant n'est pas toujours bien cité pour amener de la rémunération. Aujourd'hui, c'est la filière agricole qui subit les importations massives des pays étrangers, ça met à mal la rentabilité avec des coûts énergétiques qui viennent un peu plomber un peu les résultats.
Nicolas Beets, éleveur dans le Loiret
Concernant la vente de porcs, l'éleveur ne ressent pas vraiment de différence sur ses ventes. "Au contraire, il y a peut-être eu un petit retour. Pendant le confinement, les gens avaient plus de temps pour cuisiner et on avait vu une hausse de fréquentation puis ça avait faibli par la suite. Malgré ce contexte inflationniste, les gens ont tendance à revenir auprès de nous."