Entre reprise post-Covid et hausse fulgurante des prix de l'énergie, les exploitants de salles de la région dressent un bilan en demi-teinte de l'année 2022. Sauvée par Avatar 2 pour les grosses salles, et par la fidélité du public pour les plus petites.
Des bonnes et des moins bonnes nouvelles. Voilà comment l'on pourrait résumer l'année que viennent de vivre les exploitants de salles de cinéma en Centre-Val de Loire. Une espèce de semi-juste milieu entre 2019, année hors norme en matière de fréquentation, et une activité à l'arrêt complet de nombreux mois en 2020 et 2021.
En septembre, le CNC révélait ainsi que les cinémas de France avaient enregistré une baisse de fréquentation de 34,7% par rapport au même mois en 2019. Au plus bas en 40 ans, hors pandémie. "On est encore clairement impactés par l'incertitude" d'après Covid, estime Jean-Baptiste Garnier, le directeur des Pathé d'Orléans et de Saran. Notamment, selon lui, du côté des distributeurs, qui "n'ont pas sorti énormément de leurs titres les plus bankables, de peur d'un nouveau tourbillon de Covid".
Hollywood et dépendances
Car le gérant des multiplexes orléanais concède "dépendre de plus en plus d'Hollywood" au fur et à mesure des années. Alors quand l'univers cinéma Marvel fait une pause, ou que Disney garde ses films pour sa plateforme de streaming, les grandes salles font grise mine. Et fait notable : cette année, "les comédies françaises populaires ont peu marché, même la tentative de la bande à Philippe Lacheau" (Super-héros malgré lui, nldr).
L'année aurait pu être complètement maussade… C'était sans compter sur la sortie fin mai de Top Gun Maverick, qui "nous a redonné de l'espoir". La suite du classique des années 80 avec Tom Cruise reste ainsi le deuxième plus gros carton de 2022 en France (derrière Avatar 2), avec plus de 6 millions d'entrées. "Les gens sont ressortis avec le smile", se souvient Jean-Baptiste Garnier.
Car, avec Top Gun, "les gens savent qu'ils vont en avoir plein la vue, pareil qu'avec Avatar, ils savent que Tom Cruise et James Cameron sont les maîtres de leur art". Ce succès est-il le signe d'un changement d'habitudes du public ? Pour Natacha Maxin, pas de doute :
Les gens ne boudent pas le cinéma, mais ils veulent du spectaculaire, en prendre plein les yeux. Il faut proposer autre chose que ce qu'on peut voir à la télé ou sur les plateformes. Les gens viennent moins souvent, mais pour une vraie grosse sortie, avec des confiseries.
Natacha Maxin, directrice du cinéma Les Enfants du paradis, à Chartres
La directrice des Enfants du paradis de Chartres constate elle aussi une baisse de sa fréquentation, "de l'ordre de 20 à 30%". "Et on sait qu'on n'est pas prêt de les regagner", se résigne-t-elle. Elle constate, comme Jean-Baptiste Garnier, que le succès monstre (et attendu) d'Avatar 2 sauve les meubles. "On a toujours un Disney ou une grosse sortie qui sauve l'année en décembre", assure-t-elle.
Embouteillage de films
Baisse de fréquentation aussi aux Carmes, cinéma d'art et essai du centre d'Orléans, de l'ordre de 25%. "Mais on sent un vrai désir des spectateurs, et leur retour, même s'ils sont plus pointilleux, plus curieux", explique Michel Ferry, le gérant. C'est la fidélité de ses spectateurs habitués qui lui a permis de rester à flots en 2022. Avec des succès autant dans le cinéma français (La nuit du 12, Ernest et Célestine...) qu'international (le film coréen Decision to Leave, ou encore le thriller La Conspiration du Caire).
La plus grande frustration de Michel Ferry s'adresse aux distributeurs, qui ont "parfois programmé trop de films la même semaine, donc on n'a pas le temps de tout projeter et il y a embouteillage". Pourquoi ? Pour éviter la concurrence avec des grosses marques hollywoodiennes. "Mais à quel moment les films d'auteur et d'art et essai sont en concurrence avec Avatar ? Jamais ! Ce n'est pas le même créneau !"
Heureusement, chacun des trois cinémas a su éviter le pire face à la hausse des prix des énergies. Aux Carmes et aux Pathé orléanais, les projecteurs sont en train d'être changés pour passer au laser, près de deux tiers moins énergivores que des projecteurs classiques. "On a fait un important lot d'investissement en août, en changeant tous les luminaires", raconte aussi Michel Ferry. Lui permettant de réduire sa consommation d'électricité quasiment de moitié. "Avec le prix du kWh qui a doublé, notre facture n'a augmenté que de 10%", se satisfait-il. Aux Enfants du paradis, "on faisait déjà très très attention à ne pas trop consommer, et c'est difficile de mieux faire", assure Natacha Maxin. Elle dit réfléchir, dans le futur, à fermer un jour de la semaine pour économiser l'énergie. "Si on baisse le chauffage, les gens ne seront pas bien et ne viendront plus du tout, ça serait contre-productif."
Les trois gérants s'accordent, en tout cas, sur l'espoir à garder en 2023. Que ce soit grâce aux "belles sorties" art et essai de janvier, ainsi qu'au retour des grosses franchises américaines dans les salles (les Marvel, John Wick ou Dune par exemple).