CARTE. Face à la crise climatique, l'IA et les satellites au chevet des massifs forestiers français

Des chercheurs du CNRS et des universités d'Orléans et de Toulouse ont mis au point un système capable, à partir d'images satellites, d'évaluer la santé des massifs forestiers.

On pouvait déjà suivre la disparition de l'Amazonie sur Google Earth, bientôt les scientifiques pourraient suivre, année après année, un phénomène bien plus insidieux : le lent dépérissement des forêts françaises. En raison des sécheresses à répétition, associées à la crise climatique, ces dernières sont mal en point. Mais jusqu'à maintenant, il reste difficile de dire à quel point.

En effet, prendre des mesures directement sur le terrain, étant donné les immenses surfaces à couvrir, est un processus très coûteux en temps et en argent. C'est pourquoi une équipe, menée par le chercheur Florian Mouret, a développé une méthode de suivi par satellite de l'état de santé des arbres du Centre-Val de Loire. Les fruits de leurs recherches, accompagnées par le programme Sycomore, ont été publiés par l'Institute of electrical and electronic engineers.

La recherche a été menée par le Centre d'étude spatiale de la biosphère (CESBIO) de Toulouse, rattaché au CNRS, et par le Laboratoire de physiologie, écologie et environnement d'Orléans.

Auprès de mon arbre

Cette étude doit permettre de mieux suivre, à l'échelle nationale, le dépérissement alarmant des forêts depuis plusieurs années. Selon l'IGN, qui a publié un vaste état des lieux de la santé des forêts en octobre 2023, la mortalité des arbres a augmenté de 80% entre la période 2013-2021 et la période 2005-2013. "Rapporté au volume total d'arbres vivants, ce phénomène représente 0,5% du volume total d'arbres", alerte l'Institut géographique national.

Qu'appelle-t-on une forêt "dépérissante" ? "On s'est appuyés sur la définition de l'IGN", explique Florian Mouret. "Un arbre est déclaré dépérissant lorsque l’on observe une perte de plus de 50% de son houppier", la partie haute de son feuillage. "Une zone est considérée comme dépérissante quand 20% des arbres sont morts ou dépérissants. C'est un phénomène qui peut être très diffus."

Autrement dit, vous pourriez vous promener dans une forêt de Sologne sans vous apercevoir qu'une grande partie des arbres autour de vous sont déjà en train de rendre l'âme. C'est à ce moment-là que la technologie entre en jeu, avec l'aide de satellites et de l'intelligence artificielle.

En infrarouge et noir

Les chercheurs ont en effet utilisé un modèle d'intelligence artificielle capable d'ingérer un grand nombre de données et d'apprendre d'elles (on appelle cela le "machine learning"). Ce modèle a été "nourri" par deux jeux de données : d'une part les relevés terrains, utilisés comme données de référence, et d'autre part des images satellites à la fois dans le spectre de la lumière visible et en infrarouge. À partir de là, comme le résume Florian Mouret, "le modèle va apprendre à reconnaître des exemples en bonne santé et des exemples considérés comme dépérissants".

Les images en infrarouges ont été particulièrement utiles aux chercheurs. Ce spectre de la lumière "nous permet de capter des informations sur la teneur en eau de la canopée", précise le chercheur. "Or, selon ce que nous savons, c'est cette teneur en eau qui est la plus discriminante dans le dépérissement des arbres." Autrement dit, le dépérissement des chênes est directement lié à la sécheresse, alors même que cet arbre est réputé très résistant au manque d'eau. Des images satellites précises, échelonnées sur plusieurs années, permettraient donc de tirer des conclusions sur l'état de santé général des forêts.

Cet état de santé, justement, n'est pas au beau fixe. "On vit une évolution assez rapide des dépérissements", diagnostique Florian Mouret. Le phénomène, qu'il juge "assez inquiétant", rejoint les derniers rapports de l'IGN sur le sujet. "Dans l'ensemble, cela confirme ce que l'on savait déjà. Les sécheresses répétées des années 2018 à 2022 ont amplifié le phénomène."

"Il ne faut pas se laisser abattre"

Essai transformé donc pour Florian Mouret et son laboratoire. "On a prouvé que la méthode fonctionnait bien", avec une précision de 80% pour les chênes, estime le chercheur.

Il reste néanmoins une marge de progression, et le processus reste "assez difficile". Mais il devrait permettre, à terme, de mesurer plus efficacement les effets du réchauffement climatique.

Le projet montre l'ampleur du changement en cours, qui n'est pas facile à appréhender au quotidien. Il montre aussi l'ampleur de ce qu'il reste à faire

Florian Mouret, chercheur

De quoi venir à bout de la crise climatique ? "Je reste optimiste, il ne faut pas se laisser abattre", estime le chercheur. De fait, les scientifiques se dotent depuis des années d'outils permettant d'attester et de suivre avec précision la crise climatique et l'effondrement de la biodiversité. Ne reste plus aux pouvoirs publics qu'à agir.

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