La proposition de loi de prévention de l'exposition excessive des enfants aux écrans, portée par la députée du Loiret Caroline Janvier, est débattue à l'Assemblée nationale ce lundi 6 mars. Elle souhaite la création d'une politique de santé publique généralisée sur le sujet.
Le chiffre avait été publié au détour d'une étude Ipsos en 2021 : les enfants âgés de 3 à 10 ans passent environ deux heures devant les écrans chaque jour, en moyenne. Un chiffre qui augmente d'année en année.
L'habitude des écrans pour les enfants s'est installée depuis des années (voire décennies) dans les foyers français. Mais les effets de l'exposition de ces écrans aux plus jeunes ne pointent le bout de leur nez que depuis peu, avec l'apparition des tablettes et autres smartphones :
À partir de 2005, 2010, de nombreuses familles étaient émerveillées devant la capacité des enfants à pouvoir se saisir [des écrans]. J'ai pu voir en consultation à partir de 2015 le nombre de parents arriver avec des enfants jeunes, avec de très grandes difficultés d'apprentissage, de concentration, de comportement.
Sébastien Peytavie, député Génération·s de Dorgogne
Perte de sommeil et troubles du langage
Et la corrélation entre exposition et troubles ne semble pas être le fruit du hasard. Psychologue de formation, Sébastien Peytavie livre son expérience le 1er mars au cours de l'examen, par la commission des Affaires sociales de l'Assemblée, d'une proposition de loi. Visant à intensifier "la prévention de l'exposition des enfants au écrans", comme l'explique son intitulé, le texte est porté par Caroline Janvier, députée Renaissance du Loiret.
Car le temps d'écran a un impact de moins en moins contestable sur le développement de l'enfant, notamment en bas âge. Le texte s'appuie notamment sur une étude de 2017, parue dans la prestigieuse revue Nature (en anglais), qui conclue à un "lien entre l'usage des écrans tactiles avec des problèmes de sommeil chez les enfants et les nourrissons". À un âge où, justement, le sommeil est primordial pour le développement cognitif. La proposition de loi cite également une étude cas-témoins réalisée en Ille-et-Vilaine et parue dans le bulletin épidémiologique hebdomadaire de Santé Publique France. Ses conclusions : "Les enfants qui étaient exposés aux écrans le matin avant l’école et qui discutaient rarement, voire jamais, du contenu des écrans avec leurs parents multipliaient par six leur risque de développer des troubles primaires du langage."
Autant d'éléments qui semblent avoir mis d'accord les oppositions en commission, du moins sur le constat et sur l'intention. Au nom du groupe écologiste, Sébastien Peytavie a salué "ces propositions, qui sont toujours insuffisantes, mais essentielles". Pour Les Républicains, Dino Cinieri s'est dit "favorable par principe" au texte, tout en se demandant si les dispositions avancées par la propositions de loi seront suffisantes.
Messages de prévention
En décembre 2021, Caroline Janvier décidait de la "co-construction" de la proposition de loi avec le public. Depuis, "j'ai reçu 2 000 propositions, le texte en découle", se félicite la députée, contactée par France 3. Elle le reconnaît, la proposition de loi brasse large, et souhaite "créer une vraie politique de santé publique".
Le texte prévoit ainsi la mise en œuvre d'une "politique de prévention des risques liés à l'exposition aux écrans numériques pour les enfants de moins de six ans". Les professionnels de santé, du secteur médico-social et de la petite enfance recevraient une formation spécifique sur ces mêmes risques. Et des messages de prévention pourraient être diffusés à la télévision, sur le modèle du fameux "Manger bouger". "Comme sur la drogue ou l'alimentation, il est de la responsabilité de l'État que tout le monde ait la bonne information", estime la députée du Loiret.
En somme, permettre à tout un chacun de mieux appréhender les risques :
J'ai rencontré des parents qui mettaient leur enfant devant les écrans pendant des heures, et ils voyaient que ça le calmait. Et ils me disaient : "Mais personne ne m'a dit que ça pouvait être dangereux."
Caroline Janvier, députée Renaissance du Loiret
Un sujet bien plus vaste
Caroline Janvier dénonce ainsi des "publicités mensongères d'acteurs économiques sur des programmes vendus comme éducatifs, alors qu'ils sont faits pour rendre les enfants dépendants". Elle affirme avoir entretenu des discussions avec Google concernant l'algorithme de Youtube Kids. "Mais ils n'ont rien à me donner, ils me disent juste que "c'est safe", mais c'est pas le sujet ! Ce sont des programmes qui sont créés pour rendre captifs en augmentant le temps de consommations de jeunes enfants."
Ces aspects du problème, la proposition de loi ne les aborde pas. l'élue explique avoir dû prioriser le sujet de la prévention, pour les 6-10 ans, "parce que c'est à cet âge là que les dommages faits sont irréversibles". Elle se satisfait malgré tout d'avoir "mis le doigt sur un sujet beaucoup plus vaste". Elle cite notamment les contenus diffusés, l'usage des écrans par les adolescents, l'addiction aux réseaux sociaux ou encore le cyberharcèlement comme autant de thématiques liées sur lesquels il faudra, un jour, se pencher plus en avant.
Le 2 mars, l'Assemblée nationale a voté -à la quasi-unanimité- l'instauration d'une majorité numérique, fixée à 15 ans. Avant cet âge, un accord parental sera obligatoire pour s'inscrire sur les réseaux sociaux, à condition que la loi soit approuvée par le Sénat. La proposition de loi de Caroline Janvier entre ce lundi 6 mars dans l'hémicycle de l'Assemblée.