A l'approche des élections législatives, France 3 sollicite les députés sortants du Centre-Val de Loire pour faire le bilan des cinq années écoulées. Dans le Loiret, Caroline Janvier incarne la nouvelle garde de la Macronie, en un peu plus à gauche que ses camarades.
Avant les législatives de 2017, neuf des 23 députés du Centre-Val de Loire étaient classés à gauche sur l'échiquier politique. Depuis, PS et PCF ont perdu tous leurs sièges dans la région, renversés par la vague LREM-MoDem portée par la première élection d'Emmanuel Macron.
Dans ce contexte, Caroline Janvier est peut-être la députée la moins à droite de la région. Élue dans la 2e circonscription du Loiret sous l'étiquette LREM, renommé Renaissance depuis quelques semaines, elle est "souvent qualifiée de centre-gauche", reconnaît-elle, sans démentir le qualificatif.
Fourmilière loirétaine
Ne s'étant jamais engagée en politique auparavant, elle rejoint très rapidement En Marche en 2017, alors nouveau mouvement du candidat Macron. Ses priorités personnelles : le social, la ruralité, et l'inclusion des citoyens dans le processus politique.
Investie à 35 ans alors qu'elle travaillait comme conseillère technique au sein de l'Aidaphi (une association d'aide aux personnes en situation de handicap), elle incarne cette jeune garde issue de la société civile, chère au renouvèlement voulu par Emmanuel Macron. "La politique meurt de l'entre-soi", souffle celle qui, comme le président, espérait mettre un grand coup de pied dans la fourmilière de l'alternance gauche-droite.
Cinq ans plus tard, elle qualifie ce tout premier mandat de "passionnant, intense et utile". Avec le défi de réussir un ancrage local, sur les terres de son prédécesseur Serge Grouard (qu'elle bat au 2e tour en 2017). "Certains élus ne m'invitaient pas à leurs évènements, et allaient ensuite dire à tout le monde : "On ne la voit jamais !"", regrette Caroline Janvier. Loin de généraliser, elle salue aussi les autres élus, "ouverts au dialogue", avec qui elle affirme avoir "un intérêt commun : le territoire".
L'élue loirétaine met en avant le temps qu'elle passe avec ses concitoyens de la 2e circo, souhaitant balayer l'image déconnectée régulièrement associée aux élus LREM. Quitte à être l'une des rares de son camp à avoir tenu des réunions publiques avec les Gilets jaunes. Là où le gouvernement aurait tendance à attendre du député qu'il fasse la promotion de la loi auprès des citoyens, Caroline Janvier assure avoir, à l'inverse, "passé plus de temps à faire remonter à l'Assemblée les attentes" du terrain. Niveau présentiel, elle se classe parmi les bons élèves sur les présences en Commission (elle siège aux Affaires sociales) et sur le nombre de rapports écrits.
Balle au centre
En 2020, après qu'elle eut signé un courrier aux ministres de la Transition écologique et de l'Agriculture, un plan de réintroduction temporaire des néonicotinoïdes, insecticides tueurs d'abeilles, fut voté à l'Assemblée. Une mesure de soutien aux betteraviers beaucerons de sa circonscription du Loiret, et un désaveu aux écologistes et aux apiculteurs. Pour la transition écologique comme pour le reste, Caroline Janvier se veut pragmatique, quitte à faire des pas en arrière.
Un pragmatisme revendiqué qui, à la base du moins, est la raison d'être du rassemblement hétéroclite formé autour d'Emmanuel Macron depuis 2017. Hétéroclite mais fidèle, parfois trop aux yeux des vieux de la vieille, qui voient en cette nouvelle génération une majorité soumise, et des députés "godillots", mot souvent revenu dans la bouche de l'opposition. "Nous sommes unis, disciplinés, c'est une force", défend Caroline Janvier. La députée revendique ainsi d'avoir voté par moins de 290 lois de la majorité sur 292 :
Je suis loyale. Sinon, je serais partie.
Caroline Janvier, députée Renaissance de la 2e circonscription du Loiret
Un départ qui n'aurait pas fait tâche, au vu du décalage parfois imposant entre la position du gouvernement et la sienne. Caroline Janvier s'était ainsi abstenue sur la loi dite "anti-casseurs" de 2019, considérant que la limitation des libertés publiques ne doit se faire que si aucune autre solution n'est possible. Quant à la loi Sécurité globale, elle avait été l'une des dix seuls députés LREM à avoir carrément voté contre, à cause notamment de l'article 24 concernant le fait de filmer les policiers. Dans les deux cas, des textes clairement inspirés par la politique de la droite, et avant tout portés par le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin.
"Je revendique des convictions, et je revendique de les défendre, assume-t-elle. J'ai une forme d'indépendance", en même temps que sa loyauté. Pas facile à concilier.
Rouler (un peu) à gauche
Indépendance également quand elle est l'une des deux députés LREM à signer la proposition de loi de l'insoumis Eric Cocquerel, visant à légaliser la consommation de cannabis. Investie, la députée était rapporteure thématique d'une mission d'infirmation sur le sujet, et estime que le texte de La France insoumise va "dans le sens de l'Histoire". Dans le même temps, le Premier ministre d'alors Jean Castex qualifiait la légalisation de "fausse bonne idée", Gérald Darmanin disait que "la drogue, c'est de la merde", et même Emmanuel Macron y est allé de son commentaire : "Je pense que les stups ont besoin d’un coup de frein, pas d’un coup de publicité", affirmait-il au Figaro.
Qu'importe, Caroline Janvier se réjouit d'avoir participé à l'écriture d'un rapport qui deviendra utile quand "le sujet reviendra, car il reviendra". De façon générale, l'élue manifeste son "indépendance" en faisant changer des morceaux des textes de loi, principalement sur les questions sociales. Sur l'autonomie et le handicap bien-sûr, mais aussi sur les pompiers par exemple. Plus récemment, elle a soumis une proposition de loi sur l'exposition des enfants aux écrans.
Sur son site internet, le bilan des cinq années de gouvernance macroniste est surtout mis en avant par ses textes plutôt marqués à gauche : ouverture de la PMA, lutte contre le gaspillage, confiance dans la vie politique, fin des impayés de pension alimentaire... Malgré cette sélectivité et ses "désaccords ponctuels" avec la majorité, elle affirme que le macronisme reste "la ligne politique qui me correspond le mieux". Sa route semble droite, mais la pente est forte.
Investie par Renaissance au sein de la coalition Ensemble, Caroline Janvier se présente dans la 2e circo du Loiret. Elle devra affronter Emmanuel Duplessis, candidat Génération.s investi par la Nupes. Alexandre Houssard portera les couleurs des Républicains, Élodie Babin celles du Rassemblement national, et Jean-Paul Mallet celles de Reconquête. Abdelrachid Achboune partira avec l'étiquette divers, et Yann Chaillou sera identifié divers gauche. Enfin, Anaïs Boyer représentera le Parti animaliste, tandis que Lutte ouvrière a investi sa cheffe de file régionale Farida Megdoud.