Pédocriminalité dans l'Église : des réparations jusqu'à 60 000 euros, mais des lenteurs et des manques, selon les associations

L'instance qui doit prendre en charge les victimes de pédocriminalité dans l'Eglise a dévoilé les critères d'évaluation pour les indemnisations. Pour les déterminer, l'Inirr doit juger de la gravité des faits, celle des séquelles de la victime, et des "manquements" de l'Eglise.

Depuis cinq mois, 736 personnes se sont présentées devant l'Instance nationale indépendante de reconnaissance et de réparation (Inirr), destinées aux victimes de pédocriminalité dans l'Eglise. Alors que près de la moitié demandent une indemnisation, l'Inirr a précisé sa méthode quant aux barèmes de réparation financière. Ce système, fruit d'une "démarche complexe" et "inédite" selon la présidente de l'Inirr, souffre néanmoins de lacunes dénoncent les associations. 

Cette instance, spécifiquement dédiée aux victimes de pédocriminalité par des membres de l'Eglise chrétienne, découle directement du long travail de la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l'Eglise (Ciase). Cette commission, présidée par Jean-Marc Sauvé, a publié le 5 octobre dernier, un rapport qui a estimé à 216 000 le nombre d'enfants victimes d’attouchements, d’agressions sexuelles ou de viols par des religieux, dans le cadre de l’institution. 

Un maximum de 60 000 euros par victime, mais aucune indemnisation plancher

C'est ce même rapport qui préconisait la création de l'Inirr qui avait été lancée en janvier 2022, ainsi que de la Commission reconnaissance et réparation (CRR) qui s'occupe spécifiquement des cas dans les conglomérats. Ces deux institutions ont adopté un plafond de 60 000 euros par victime. Et si l'Inirr fait valoir que ce montant se "situe dans la fourchette très supérieure des indemnisations de justice civile", il n'existe pas d'indemnisation plancher - le CRR a fixé un plancher à 5 000 euros. Autrement dit, si elles ne le demandent pas, certaines victimes s'adressant à l'Inirr pourraient ne pas être indemnisées. 

Pour l'Orléanais Olivier Savignac, fondateur du collectif Parler et Revivre, toute demande doit automatiquement s'accompagner d'une réparation financière. "C'est la dette de l'Eglise", juge celui qui a lui-même été victime d'un prêtre à Orléans en 1993. 

Pour déterminer le montant de chaque indemnisation, l'Inirr prendra en compte trois critères : la gravité des faits subis, les conséquences sur la santé physique, mentale et sociale de la victime, et les "manquements" de l'Eglise. Une note sur 10 sera attribuée pour chacun de ces trois axes. 

Au micro de nos confrères de France Info, l'ancien président de l'association "La Parole Libérée", François Devaux, ne cache pas sa colère face à cette méthode. "Un viol unique vaut cinq points sur dix. Quand on sait qu’un garçon ou une fille qui a été violé a en général sa vie flinguée, cinq points ce n’est pas beaucoup. Cinq points, c'est insultant". 

Jean-Pierre Sautreau, responsable du collectif 85 qui rassemble les victimes vendéennes, s'est interrogé sur le mode d'évaluation concernant les "manquements de l'Église" : "Si l'évêque a reconnu les faits, la victime sera moins indemnisée" que dans le cas contraire ?

"En juin, dix dossiers, alors qu'on a près de 800 demandes, c'est ridicule!"

Olivier Savignac

Outre la critique des barèmes, les associations de défense des victimes s'indignent de la lenteur et de la qualité des procédures. Au 10 juin, l'instance devrait avoir statué sur les dix premiers dossiers de victimes. "En juin, dix dossiers, alors qu'on a près de 800 demandes, c'est ridicule!", a abondé Olivier Savignac, du collectif "Parler et revivre". Plusieurs personnes s'adressant à son collectif "ont l'impression de se faire balader", selon lui. "Une d'entre-elles n'a eu que deux entretiens téléphoniques de dix minutes, ce n'est pas possible !", dit-il.

En Centre-Val de Loire, on recense une demi-douzaine d'affaires semblables depuis 2000, notamment celle de l'abbé Eugène Charrieau, condamné à Chartres en 2003 à 20 ans de réclusion criminelle pour viols et agressions sexuelles sur douze enfants de la Chapelle royale en Eure-et-Loir, et mort peu de temps après. Certains faits dataient de près de cinquante ans.

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