Le tribunal d'Évry a condamné ce mercredi 26 octobre la SNCF à 300 000 euros d'amende, à l'issue du procès de la catastrophe ferroviaire de Brétigny-sur-Orge. La société a été reconnue coupable d'homicides et blessures involontaires. Le déraillement d'un train en juillet 2013 avait couté la vie à sept personnes.
Fin du feuilleton judiciaire. Le tribunal d'Évry a rendu ce mercredi 26 octobre son jugement dans l'affaire de la catastrophe ferroviaire de Brétigny-sur-Orge. Neuf ans après le déraillement d'un train en gare de Brétigny, dans l'Essonne, la SNCF a été condamnée pour homicides et blessures involontaires à 300 000 euros d'amende. Le parquet avait requis 450 000 euros d'amende contre la société ferroviaire. Conformément aux réquisitions, le tribunal a décidé de la relaxe pour SNCF Réseau et pour l'ancien cheminot qui avait réalisé la dernière tournée de surveillance des voies.
Le procès de huit semaines, qui s'est tenu au printemps dernier, a "été une épreuve pour les victimes", a déclaré à l'AFP Me Alexandre Varaut. Les plus de 200 parties civiles enregistrées espéraient "une délivrance", a insisté l'avocat, qui en défend une quinzaine. "C'est une date fatidique mais tant attendue", a abondé Thierry Gomes. Président de l'association Entraide et défense des victimes de la catastrophe de Brétigny (EDVCB), cet Orléanais attendait en gare des Aubrais ses parents, fauchés sur le quai de Brétigny. À ses yeux, les débats devant le tribunal correctionnel d'Évry ont permis de "mettre en évidence" les "manquements des prévenus", ayant conduit, selon lui, à la mort de ses parents.
Des centaines de blessés psychologiques et/ou physiques
Le vendredi 12 juillet 2013, à 17h10, une éclisse en acier, sorte de grosse agrafe joignant deux rails, s'est désassemblée, provoquant le déraillement du train Intercités Paris-Limoges. Tuant sept personnes, et faisant des centaines de blessés psychologiques et/ou physiques, dont des Loirétains et des Berrichons. Une enquête de sept années s'en est suivie pour étudier les causes de l'accident, et finalement aboutir à un procès pour blessures involontaires et homicides involontaires.
Pendant huit semaines, du 25 avril au 17 juin, le tribunal avait tenté d'éclaircir les responsabilités éventuelles de la SNCF (poursuivie comme héritière pénale de SNCF Infra, chargée de la maintenance au moment de l'accident), de SNCF Réseau (ex-Réseau Ferré de France, gestionnaire des voies) et d'un ancien cheminot, Laurent Waton, jeune directeur de proximité qui avait réalisé la dernière tournée de surveillance. Cinq semaines avaient été consacrées aux débats techniques.
Le tribunal avait également longuement entendu les témoignages brisés de nombreuses parties civiles. Comme celui de Stephen C., qui avait décrit en larmes "la recherche interminable" de son petit frère Vincent, fauché sur le quai de la gare. S'en étaient suivies "les années les plus éprouvantes de [sa] vie", à devoir mettre de côté son deuil pour "gérer" ses parents effondrés, avant de lui-même "craquer".
Peine maximale requise
À l'issue des débats, le procureur Rodolphe Juy-Birmann avait demandé de condamner la SNCF, chargée de la maintenance, à la peine d'amende maximale.
Avec cette catastrophe, en banlieue parisienne, "c'est toute une conception du service public qui s'est effondrée", avait déploré le procureur, fustigeant "une entreprise dans le déni", qui n'assumait pas d'avoir "banalisé l'urgence" au détriment de la sécurité des usagers. Lui reprochant une "attitude défaillante", le ministère public l'accusait "d'avoir bâclé et de ne pas avoir voulu passer de temps sur les opérations de maintenance". Pour le procureur, la SNCF aurait dû, par exemple, anticiper un changement de l'appareil de voie mis en cause, réduire la vitesse maximale de circulation des trains… Retenant douze fautes, le parquet avait donc requis une amende de 450 000 euros à son encontre.
En revanche, le parquet avait demandé la relaxe pour l'ancien cadre cheminot et pour le gestionnaire SNCF Réseau (ex-RFF), estimant que les fautes qui leur sont reprochées n'étaient pas caractérisées. Les trois prévenus avaient demandé leur relaxe, en adressant plusieurs fois leurs pensées aux victimes.
Dans sa plaidoirie, l'avocat de la SNCF, Emmanuel Marsigny, avait dénoncé "l'outrance" d'un réquisitoire incapable de démontrer "un scénario précis" de l'accident. La SNCF s'était défendue en décortiquant les causes du pivotement de l'éclisse à l'origine de la catastrophe, soutenant que le désassemblage avait été soudain, provoqué par un défaut de l'acier... Et donc imprévisible. L'accusation y voyait au contraire un processus lent de dégradation et reproche à la SNCF d'avoir "créé le contexte à l'origine de l'accident".
À l'issue de ce procès, la SNCF peut décider de faire appel de la décision du tribunal d'Évry.
Source : AFP