L'union de la gauche enregistre un score identique au premier tour des élections législatives de 2022 et de 2024, ce dimanche 30 juin, en Centre-Val de Loire. Paradoxalement, ses candidats seront présents dans moitié moins de circonscriptions.
Un seul candidat de gauche en tête, sur 23 circonscriptions du Centre-Val de Loire. Le bilan y est amer pour le Nouveau Front populaire, ce lundi 1er juillet, après ses résultats au premier tour des législatives de 2024. Jusqu'à présent, la gauche ne comptait que deux députés dans la région. Et devrait y rester très minoritaire à l'issue du deuxième tour.
En plus de l'écologiste Charles Fournier, arrivé en tête à Tours, cinq candidats de gauche ont fini deuxième ce dimanche 30 juin dans la région. Tous derrière le Rassemblement national, à l'exception de Ghislaine Khoulowski dans la 1ère circo du Loiret. Arrivée deuxième derrière la sortante Renaissance, Stéphanie Rist, et talonnée par le RN dans une potentielle triangulaire, la socialiste a décidé de retirer sa candidature.
11 autres candidats de gauche sont officiellement qualifiés pour un deuxième tour, étant arrivés troisième, et tous retirent leur candidature au profit de la majorité présidentielle ou des Républicains.
Moitié moins de médailles d'argent
Il n'y aura donc que cinq candidats de gauche au deuxième tour dimanche 7 juillet dans la région. En 2022, ils étaient 13. Pourtant, le Nouveau Front populaire recueille 23,3% des voix de la région. Là où la Nupes remportait, en 2022... exactement la même chose : 23,3% des suffrages exprimés. En même temps que la participation augmentait, le nombre de bulletins de gauche a bondi d'un tiers en deux ans dans la région (214 000 en 2022, 283 000 en 2024).
Alors pourquoi une telle contre-performance à l'issue de ce premier tour des législatives ? Première réponse, la hausse du nombre de bulletins RN a été beaucoup plus importante que celle du nombre de votes pour le NFP. Reléguant nombre de candidats de gauche à la troisième place du scrutin. Là où, en 2022, la Nupes se retrouvait face à la majorité présidentielle Ensemble. Cette fois, les duels seront majoritairement des RN-Ensemble, la gauche arrivée 3e s'étant désistée pour éviter une triangulaire favorable à l'extrême droite.
Des candidats arrivés troisièmes, beaucoup sont issus des rangs de La France insoumise. Pour Pierre Allorant, politologue et doyen de la faculté de droit d'Orléans, certaines investitures décidées au niveau national "ne correspondent pas du tout à la typologie de la région".
Des circonscriptions mi-ville, mi-campagne
Pourtant, des investitures socialistes, potentiellement plus consensuelles, n'ont pas réussi non plus à s'imposer. Notamment sur les circonscriptions de la métropole d'Orléans. Dans la sixième du Loiret, qui couvre l'est de la capitale régionale, le socialiste Christophe Lavialle fait troisième. Dans la première circo, Ghislaine Kounowski, PS également, est deuxième à 69 voix près. "Il y avait de gros espoirs sur le Loiret, on aurait très bien pu avoir trois députés de gauche à Orléans".
Le politologue met notamment en cause "le découpage ancien des circonscriptions", qui éparpille les grandes villes entre plusieurs circonscriptions ayant aussi une grande part de ruralité. Résultat, dans les 2e et 6e circos du Loiret, c'est le RN qui se retrouve en tête. Et ce alors que la commune d'Orléans a voté pour la gauche à 40,1%. Dans la région, la seule exception est Tours. La 1ère circo d'Indre-et-Loire étant uniquement composée de quartier de la commune de Tours, le député sortant Charles Fournier y est arrivé très largement en tête, avec 45% des suffrages.
Il y a dans ce pays une fracture
Dans presque toutes les grandes villes de la région, la gauche est en hausse, de manière plus ou moins importante, par rapport aux dernières législatives en 2022. À Orléans, Ghislaine Kounowski fait 8 points de plus qu'il y a deux ans. 6 points de plus pour Charles Fournier à Tours. + 5 pour Laurent Baumel à Joué-lès-Tours. + 3,5 à Bourges, + 1 à Châteauroux, + 5 à Chartres, et même + 11 à Dreux.
Pierre Allorant voit dans ces hausses "toute une partie de l'électorat traditionnel de gauche, qui avait voté Hollande, puis qui avait été captée par Emmanuel Macron, perdue depuis par l'ex-majorité présidentielle, et qui est revenue à ses premières amours". Résultats, "la gauche fait des scores historiques en ville". Qui, pourtant, ne se traduisent pas en sièges à l'Assemblée.
Parce que, dans le même temps, le score régional de la gauche n'augmente pas. "C'est donc que des points se perdent en ruralité." Même si, du fait de la forte participation, le nombre de voix pour la gauche n'a pas diminué. "Le vote de la ruralité me tracasse, il y a une vraie fracture entre les villes et la ruralité", constate Corinne Ollivier, maire communiste de Vierzon.
"Reconstituer le réseau militant en ruralité"
Pareil dans le Loiret. Si Ghislaine Kounowski est largement en tête à Orléans ville, elle est distancée dans les campagnes. "Quand je vais à Beaugency, à Baule, les gens n'ont plus de médecins, n'ont plus de commerces, n'ont plus de services publics, constate-t-elle. Ils paient des impôts mais se sentent abandonnés." Sauf que, pour eux, le vote contestataire n'est pas la gauche, mais le Rassemblement national. "Ils disent “on a tout essayé, la gauche, la droite, ras-le-bol, allez on va voir ce que ça donne”. Mais on joue avec le feu", ajoute l'ex-candidate socialiste.
Pour Charles Fournier, il y a "tout un réseau militant à reconstituer en ruralité" :
Il faut faire un long travail pour redonner de la confiance. On doit se déplacer dans les territoires ruraux, ouvrir la discussion et le débat, parler de l’effondrement des services publics, l’industrialisation, l’effritement de la solidarité.
Charles Fournier, député sortant écologiste, 1ère circonscription d'Indre-et-Loire
Le député sortant écologiste estime que, si la gauche performe moins bien dans les campagnes qu'en 2022, c'est avant tout parce que l'électorat du RN s'est davantage mobilisé, "sentant la victoire possible". Dans des élections législatives traditionnellement aux enjeux mi-locaux, mi-nationaux, "la dimension nationale a beaucoup plus joué cette fois", ajoute Christophe Lavialle, socialiste, arrivé troisième dans la 6e circo du Loiret. Et, comme pour les européennes, ces législatives ont eu une saveur de "référendum anti-Macron", note Pierre Allorant. Et, pour les électeurs opposés au président de la République, "le plus efficace, c'est de voter RN".
Vers les municipales de 2026 ?
Désormais, la gauche peut espérer avoir trois députés en Centre-Val de Loire : Charles Fournier, reconduit à Tours, Laurent Baumel en Indre-et-Loire et Emmanuel Duplessy dans la 2e du Loiret, selon Pierre Allorant. Pour le communiste Nicolas Sansu à Vierzon (seule grande ville de la région où la gauche recule), "ça semble très très compliqué".
Reste l'horizon suivant : les municipales de 2026. De bons scores à Orléans, Chartres et Dreux donnent de l'espoir à la gauche, dans de grandes villes aux mains de la droite. "Si on s'unit et qu'on a un bon projet...", souffle Ghislaine Kounowski, qui met en avant le fait que "les gens nous ont identifiés comme élus municipaux, qui portons des projets" à Orléans. Et peut-être aussi "un renouvellement de la population".
Charles Fournier abonde. "Il faut que la gauche soit unie pour y arriver, l'électorat de gauche n'appartient à personne, et s'échange entre les partis", note-t-il. L'union de la gauche, qui a échoué aux législatives, mais qui a gagné en 2020 à Tours et à Bourges.