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REPLAY. Enquêtes de région : les pesticides encore trop présents dans l’eau du robinet en Centre-Val de Loire

Image d'illustration.

Notre eau est polluée. Notre modèle agricole est en partie responsable. Les communes sont encore trop souvent contraintes de consacrer des moyens importants à sa dépollution. Au final, c’est l’usager qui paye et ce sont les multinationales qui récoltent. Impossible de se passer de leur savoir-faire.

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"Je préfère boire de l’eau en bouteille car je ne pense pas qu’il soit très bon d’avaler de l’atrazine et des nitrates tous les jours." Comme beaucoup d’habitants de la commune d’Ormes, Jean-Loup Caille adopte le principe de précaution. Même si l’eau n’est pas interdite à la consommation dans cette ville du Loiret, elle s’approche souvent des seuils limite. Située en périphérie de la Métropole d’Orléans, entourée de terres agricoles où l’on pratique depuis des décennies une agriculture conventionnelle et intensive, la commune est obligée de capter son eau dans une nappe où l’on trouve de nombreux résidus de pesticides.

Biberonnés aux pesticides

Pour connaître la longue liste de résidus et métabolites divers qu’on trouve dans nos verres d’eau, il faut être motivé. Régulièrement, Jean-Loup Caille se rend sur le site de l’Agence régionale de santé pour évaluer l’évolution de la situation mais l’information n’est pas simple à trouver. "Il faut être motivé car c’est vraiment fastidieux" explique Alain Sigot qui milite avec lui dans l’association Ingré-Ormes 2030. "On doit éplucher beaucoup de pages et de listes complexes. Mais à la fin on constate que dans le Loiret, les gens sont biberonnés aux pesticides." 

A l’échelle des 22 communes de la métropole d’Orléans, c’est à Ormes qu’on trouve la plus mauvaise qualité d’eau potable. Les relevés ne signalent pas seulement la présence de la très fréquente atrazine mais aussi un cocktail varié comprenant entre autres propazine, fénuron, thiazfluron ou pentachlorofénol. A l’inverse, Ingré situé juste à côté, distribue une eau où le taux de pesticides est très bas. Mais elle est en revanche beaucoup plus chère pour l’usager car la ville, confrontée aux mêmes problèmes de contamination que sa voisine, a dû construire deux usines de dépollution pour que son eau reste potable. Elle paye encore le prix de cette installation mise en place en 2008 qui a coûté 2,2 millions d’euros, mais elle n’avait pas vraiment le choix, si ce n’est renoncer à ses forages locaux pour acheminer l’eau de beaucoup plus loin.

Le principe du pollué-payeur

Situés au pied des deux principaux châteaux d’eau de la ville, ces complexes mécanismes de filtrage, utilisant entre autres des charbons actifs, doivent faire l’objet d’une surveillance régulière opérée par un groupe privé, alors que la ville avait fait le choix par ailleurs de la régie municipale pour son système de distribution. Mais alors que le principe de la remunicipalisation séduit de plus en plus de grandes villes comme Paris, Bordeaux ou Lyon, il est plus difficile de se passer des groupes comme Véolia, Suez ou la Saur, qui se partagent le marché, lorsque l’eau captée est très polluée. "Ces grandes sociétés vivent de la pollution" regrette Eric Vidal, de l’association Eau Secours 45. "Tant qu’on ne changera pas de modèle agricole, on devra dépenser des milliards, aux dépens des usagers, en dépollution. Le principe pollueur-payeur devrait être appliqué mais en réalité on applique le principe pollué-payeur. Il faudrait pouvoir faire de la prévention et traiter le problème en amont et pas en aval."

A Ingré, il y a quelques années, la maire socialiste Christian Dumas a tenté de se saisir du problème en prenant, comme d’autres en France, un arrêté anti-pesticides. Mais son texte a été retoqué par la préfecture qui a considéré que ça ne relevait pas de la responsabilité du maire. "Je ne comprends pas pourquoi l’État dit aux communes qu’il est dangereux d’utiliser des pesticides pour désherber la rue devant un pavillon mais considère qu’à quelques mètres de là, le même pesticide, utilisé par un agriculteur, devient moins dangereux."

Certains polluants comme l’atrazine, interdit depuis plus 2001, continueront à se décomposer dans les nappes pendant des années encore, faute d’action radicale de l’État en matière de réglementation.

Et si l'osmose inverse basse pression était la solution ?

Les multinationales vont donc pouvoir continuer à proposer et à faire payer à l’usager des innovations techniques dépolluantes dont on ne peut pas se passer. Parmi elles, l’osmose inverse basse pression qui fait l’objet d’un combat actuellement en Ile de France. Pour ses partisans, dont Véolia, c’est un moyen très efficace d’éliminer quasiment toute pollution. Mais ses opposants critiquent une technique qui consomme par ailleurs beaucoup d’eau et d’électricité et qui va coûter beaucoup plus cher à l’usager. "L’osmose inverse basse pression est un encouragement à la pollution estime la députée LFI Mathilde Panot, qui a présidé une mission d’enquête parlementaire sur la mainmise des groupes privés sur l’eau. Les industriels promettent qu’on va trouver des solutions en aval et pendant ce temps là, on ne change pas nos pratiques agricoles et industrielles."

En Centre-Val de Loire, la technique de l’osmose inverse basse pression est déjà utilisée dans la ville de Saint-Jean-de-Braye (Loiret) pour éliminer le calcaire qui se trouve à l’état naturel, mais si besoin, elle pourrait ensuite permettre d’éliminer des résidus de pesticides ou des nitrates.

► "Enquêtes de Région" : diffusion le mercredi 10 mai à 23h00 sur France 3 Centre-Val de Loire et déjà disponible en avant-première sur France.tv. A voir également dans cette émission : deux autre reportages sur les nappes phréatiques et sur les nouvelles pratiques agricoles. 

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