Le président de la République a annoncé ce lundi 20 septembre un projet de loi de reconnaissance et de réparation de la souffrance des harkis, après leur avoir demandé pardon au nom de la France. Un discours qui contente les attentes de très longue date des harkis du Loiret.
Il n'est pas hyperbolique de considérer ce 20 septembre 2021 comme historique pour l'histoire des harkis. Ce lundi matin, une réception en hommage aux harkis était organisée à l'Elysée, à l'issue de laquelle le président de la République a pris la parole devant une assemblée composée de représentants d'associations, de harkis et de leurs enfants.
Dans son discours, Emmanuel Macron a été le premier président français à leur demander "pardon" au nom de la France. "La République a contracté à leur égard une dette, a-t-il affirmé. Aux combattants, je veux dire notre reconnaissance, nous n’oublierons pas."
Abandonnés par la France
Des mots très importants pour les harkis, ces milliers de supplétifs engagés comme auxiliaires des armées françaises pendant la guerre d'indépendance algérienne, abandonnés par Paris à la signature des accords d'Evian en 1962. Nombreux sont rapatriés par l'armée et sont parqués avec leurs familles dans des camps souvent sommaires, quand d'autres sont obligés de gagner la France clandestinement. Vus comme des traîtres par le nouveau gouvernement indépendant, les harkis restés en Algérie sont régulièrement victimes de représailles violentes.
C'est le cas du père de Saïd Balah, emprisonné en Algérie avant d'être évacué en France par la Croix rouge en 1967 avec ses enfants. Comme ses frères et sa soeur, Saïd Balah est privé d'éducation jusqu'à cette date, et doit laisser derrière lui biens et famille, à seulement 10 ans. Une mémoire qu'il perpétue et pour laquelle il se bat en occupant le siège de président de l'association 2ID Harkis du Loiret.
Alors ce lundi, la satisfaction est le sentiment prédominant pour lui : "Ca fait des années qu'on n'a qu'une demande : la reconnaissance par une loi et la réparation des préjudices", explique-t-il.
Que passent les pétards mouillés
Car, jusqu'à présent, les annonces faites par Emmanuel Macron et ses prédécesseurs à l'Elysée avait laissé aux harkis un goût d'inachevé. "A chaque fois qu’on nous fait des promesses, on nous dit : "Oui, on vous entend", et finalement n'arrivent que des choses qui ne correspondent pas à nos attentes", regrette-t-il.
Il cite, par exemple, le plan d'action de 2014 qui prévoyait, entre autres, de faciliter l'accès à la formation et au logement social pour les enfants de harkis. Et ça, "n'importe quel organisme de droit commun aurait pu le faire, c'est de l'aide sociale". Pour Saïd Balah, la promesse d'une loi apporte avec elle "l'engagement de l'autorité publique", une manière de passer de la reconnaissance symbolique à une reconnaissance concrète.
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— Élysée (@Elysee) September 20, 2021
L'annonce d'un futur texte de loi par le président de la République a d'ailleurs été immédiatement accueillie par une salve d'applaudissements venue de l'assemblée présente à l'Elysée. Preuve, s'il en fallait une, que l'attente était forte. Et que la réaction de l'Etat pourrait être -enfin- à la hauteur.
Une loi avant février 2022
L'optimisme reste pour l'instant de mise, et Saïd Balah gage qu'Emmanuel Macron "a conscience du problème et va prendre le problème à bras le corps".
Mais pas question de laisser place à de l'angélisme, et le président de 2ID Harkis du Loiret promet de "rester vigilant", une nécessité que "l'histoire nous apprend". "J'espère que les associations seront associées au travail, pour apporter leur expertise, leur vécu, et surveiller la construction de la loi si j'ose dire", ajoute-t-il, histoire de ne pas revivre leurs désillusions passées.
Le président de la République a également promis la constitution d'une commission nationale, afin notamment d'estimer la hauteur des réparations demandées par les harkis et leurs descendants, nombre d'entre eux vivant encore dans une situation de précarité près de 60 ans après les accords d'Evian. Objectif : un texte de loi voté à l'Assemblée avant la fin de la session parlementaire en février 2022.
Dans le département du Loiret, Saïd Balah estime que seul quatre ou cinq harkis sont encore en vie, dont certains participeront aux cérémonies prévues ce 25 septembre à l'occasion de la journée nationale annuelle d'hommage aux harkis.