Pourquoi l'inscription de l'IVG dans la Constitution pourrait faire "pschitt" ?

Ce 24 novembre, les députés ont adopté l'inscription du droit à l'interruption de grossesse volontaire dans la constitution. Après un passage périlleux au Sénat, la loi devra être soumise à référendum, selon le bon vouloir du président de la République.

L'image est forte et hautement symbolique. À la sortie de l'Assemblée nationale, les députées de la Nupes ont entonné l'hymne du Mouvement de libération des femmes (MLF) "Debout les femmes".

Les élues célèbrent l'adoption de la proposition de révision constitutionnelle permettant d'inscrire le droit à l'avortement dans la Constitution. 

 

Une victoire pour la Nupes ?  Pas si sûr. Sa mise en place dépend en réalité du bon vouloir du Sénat, mais aussi du président, Emmanuel Macron.

Un passage périlleux par le Sénat 

Pour être adoptée, la révision doit être votée en termes identiques par l'Assemblée nationale et le Sénat. Contrairement à une loi ordinaire, où ce sont les députés qui ont le dernier mot en cas de désaccord avec les sénateurs, les deux chambres peuvent, cette fois, bloquer la proposition.

Or, le sénat, majoritairement de droite, est opposé à cette révision. Le 11 octobre dernier, déjà, la chambre haute, avait rejeté la proposition de la sénatrice écologiste, Mélanie Vogel, d'inscrire le droit à l’IVG et à la contraception dans la Constitution.

Mais pour Charles Fournier, député écologiste d'Indre-et-Loire, cette fois-ci, ça pourrait passer : "C'est un vrai texte de compromis. La proposition initiale prévoyait aussi l'inscription de la contraception dans la Constitution. Elle a été supprimée alors que c'est bien ce sujet qui a bloqué au Sénat la dernière fois.

L'article 89 de la Constitution 

Si le texte venait à être adopté, rien ne serait acquis pour autant. Il faudrait ensuite que le président de la République organise un référendum, comme le prévoit l'article 89 de la constitution.  

On pourrait penser que le président à obligation de présenter la proposition au référendum. Mais s'il ne le fait pas il n'existe aucun mécanisme qui pourrait le contraindre à le faire.

Jean-Philippe Desrosiers, constitutionaliste

Concrètement, lorsque la révision est à l'initiative de l'Assemblée nationale, "le président de la République doit nécessairement les présenter au référendum", note le site du Conseil constitutionnel.  

En réalité, la constitution n'est pas aussi formelle, comme l'explique le constitutionnaliste Jean-Philippe Desrosiers, " Cette situation n'a pas vraiment de précédent et ne fait pas l'unanimité. On pourrait penser que le président a l'obligation de présenter la proposition au référendum. Mais s'il ne le fait pas, il n'existe aucun mécanisme qui pourrait le contraindre à le faire." 

 

Les enseignements politiques du vote 

Plus que les barrières institutionnelles, cette proposition de révision est riche d'enseignements politiques. Longtemps ambiguë sur la question de l'IVG, la majorité des députés du Rassemblement national ont voté pour.

Parmi eux, le député du Loiret, Thomas Ménagé : "La ligne du parti est très claire sur le sujet. Personne ne remet en cause l'IVG.  Ce n'est pas le débat. Nous étions seulement en désaccord avec la première proposition de révision qui ouvrait la voie à un droit absolu à l'IVG à n'importe quel moment de la grossesse".

Le chemin le plus simple, ce serait que l'exécutif propose un projet de révision pour que le parlement tranche. Il faut qu'ils prennent leurs responsabilités.

Charles Fournier, député écologiste d'Indre-et-Loire

Si le parti de Marine Le Pen a clarifié sa position, celle de ses députés l'est moins. Une quarantaine de parlementaires ont certes voté pour ce texte, mais 13 se sont abstenus et un peu plus de 20 ont voté contre. Chez Les Républicains aussi, le sujet divise. Un tiers des députés ne se sont pas déplacés et seuls 13 députés sur les 62 ont voté "pour".

À gauche et au centre, en revanche, le vote "pour" a fait l'unanimité.  Le député écologiste d'Indre-et-Loire, Charles Fournier, se félicite de cette adoption qu'il juge "historique" et renvoie la balle au gouvernement : "Le chemin le plus simple, ce serait que l'exécutif propose un projet de révision pour que le parlement tranche. Il faut qu'ils prennent leurs responsabilités. D'autant que leurs députés ont voté pour ce texte qui s'est construit sur des compromis".

Reste à savoir s'il sera entendu alors que d'autres sujets brûlants, notamment la réforme des retraites,  arrivent à l'Assemblée nationale. 

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