Réforme des retraites : à quoi ont servi les manifestations et la grève du 19 janvier ?

Les Français sont descendus en nombre dans la rue ce jeudi 19 janvier pour montrer leur refus de la réforme des retraites. Mais cette mobilisation a-t-elle rempli ses objectifs ? Éléments de réponse avec les syndicats et des députés de la majorité.

Les organisations syndicales se souviendront-elles du 19 janvier 2023 ? Elles auront certainement envie de marquer d’une croix cette date sur le calendrier en souvenir de la forte mobilisation contre le projet de réforme des retraites du gouvernement d'Elisabeth Borne.

Non seulement l’appel à la grève nationale dans les transports, l’enseignement, la fonction publique a été suivi par les Français, mais ces derniers sont massivement descendus dans la rue.

La guerre des chiffres

Comme toujours, les chiffres annoncés sont différents en fonction des sources, qu’elles émanent de la Préfecture ou des organisations syndicales. Sur le territoire national, entre 1 120 000 (préfecture) et 2 millions (syndicats) de personnes ont battu le pavé.

Sur les 200 manifestations prévues dans toute la France, 17 ont eu lieu en région Centre-Val de Loire. Entre 12 000 et 24 000 manifestants ont été comptés à Orléans. Ils étaient entre 11 600 et 15 000 à Tours, entre 9 000 et 10 000 manifestants à Chartres, et entre 4 000 et 7 000 à Bourges.

Les chiffres parlent d’eux-mêmes : la mobilisation contre la réforme a été forte, une des plus importantes qu’ait connu la région. Pour autant, a-t-elle fait trembler le gouvernement ?

Une victoire surprise

Pour la CGT, cette journée est un succès, mais aussi une surprise. "Le nombre de manifestants a dépassé nos prévisions", se félicite Pascal Sudre, secrétaire départemental de la CGT dans le Loiret.

Dans la rue, il y a avait beaucoup d’hommes et de femmes qui manifestaient pour la première fois, des salariés qui se sont mis en grève et sont venus manifester. Il y avait beaucoup de jeunes aussi.

Pascal Sudre, secrétaire départemental CGT Loiret

Pour le syndicat, c’est une satisfaction : "C’est le signe qu’une majorité de citoyens est en désaccord total avec cette réforme des retraites, une réforme jugée injuste et irresponsable". Pour lui, les conditions du rapport de force sont réunies pour faire changer d’avis le gouvernement et l'obliger à retirer son projet: "Il n’y a pas de négociation possible tant que le projet ne sera pas abandonné."

La CGT prévoit de multiplier les actions d’ici au 31 janvier, date de la prochaine mobilisation nationale. L’objectif est d’être toujours plus nombreux pour maintenir la pression sur le gouvernement. Des tractages devant des entreprises pour mobiliser là où les gens travaillent ainsi que des manifestations en soirée sont prévus. La CGT indique également vouloir aller à la rencontre des députés de la majorité du Loiret.

Des "têtes d'œufs" sur une "poudrière"

Richard Ramos, député MoDem du Loiret a justement observé la grande mobilisation sans être réellement surpris par son ampleur 

"Ca fait des mois que je dis qu’on est assis sur une poudrière sociale et que cette réforme des retraites, c’est la mèche qui peut la faire exploser. Il faut revoir cette réforme parce qu’elle n’est pas juste et non pas parce que nous avons peur de la rue."

Richard Ramos, député MoDem du Loiret

Allié de Renaissance, l'élu du Loiret est agacé depuis longtemps contre cette réforme menée par le parti présidentiel, sans faire grand cas de ses alliés. Et il n'hésite pas à s'agacer contre les "les ministres et les têtes d’œuf de Bercy" qui "racontent qu’il faut faire preuve de pédagogie". "Quand vous allumez la télévision, vous entendez le mot "pédagogie" prononcé 50 fois. La pédagogie, c’est dire : j’ai raison et je vais expliquer à toi le con pourquoi j’ai raison."

De fait, pour le député centriste, la majorité dispose d'une seule voie de sortie : "Il faut écouter les Français et faire avec eux car ils ne nous croient plus, nous les politiques. Il faut construire avec eux, c'est avec eux qu'il faut faire la réforme."

Concrètement, Richard Ramos estime qu'il faut prendre en compte le nombre d’annuités cotisées et non l’âge de départ à la retraite. C'est pourquoi il "ne votera pas ce texte en l'état actuel". Il se dit également favorable à remettre sur la table l'idée d'une hausse des cotisations patronales. "Il faut que tout le monde prenne sa part avec une augmentation de 0,5 % des cotisations patronales." Même s'il aurait aimé mettre en place une reforme à points : un euro cotisé donne les mêmes droit à tout le monde.

"Rendre la réforme plus juste"

Du côté du parti présidentiel en revanche, pas question de retirer la réforme. Guillaume Kasbarian, député Renaissance d’Eure-et-Loir, n’est pas surpris par la mobilisation. Pour lui, "c’était attendu et ça s’est vérifié car la réforme n’est pas populaire."

J’observe qu’il y a eu une forte mobilisation. Elle s’est bien tenue, sans casse et c’est toujours une bonne chose pour notre démocratie.

Guillaume Kasbarian, député Renaissance d’Eure-et-Loir

Le député de la majorité (relative) affirme que cette forte mobilisation l’incite à continuer à échanger sur son territoire avec celles et ceux qui sont d’accord avec la réforme et avec ceux, bien sûr, qui ne le sont pas.

Il souhaite aussi continuer le dialogue avec les organisations syndicales "pour voir quelles peuvent être les alternatives, comprendre ce qui pourrait rendre la réforme plus juste, plus acceptable." Le député reste cependant favorable au recul de l’âge du départ à la retraite à 64 ans, voulu par la réforme, une mesure qu'il juge indispensable pour maintenir l’équilibre du système des retraites.

Le bras de fer débute

Pour lui, le gouvernement n’a pas à revoir sa copie car il l’a déjà fait justement sur l’âge de départ à la retraite en le passant de 65 à 64 ans, ou bien encore en annonçant des mesures importantes sur la pénibilité et les carrières longues.

Selon lui : "Le gouvernement a joué cartes sur table, la majorité est engagée : les français ont élu Emmanuel Macron pour qu'il fasse cette réforme, ils ont voté pour cette réforme." Toujours selon lui, c’est lors du débat parlementaire qui débutera après la présentation du projet en conseil des ministres (le 23 janvier) que des amendements pourront permettre les modifications et des ajustements.

Nous allons avoir un long débat parlementaire. C’est l’Assemblée nationale puis le Sénat qui auront la main pour amender et faire des ajustements pour améliorer la réforme. Tout doit se faire dans un cadre démocratique et légitime. Je crois que chacun peut reconnaitre la légitimité du Parlement à débattre du sujet. Et si le projet de loi est adopté in fine par le Parlement, ce ne sera pas une décision de l’exécutif mais une validation par le Parlement légitime.

Guillaume Kasbarian, député Renaissance d’Eure-et-Loir

D'ailleurs, de l'aveu du ministre des Comptes publics Gabriel Attal, "on peut continuer à améliorer" le texte.

"Les pimpins de la République"

Guillaume Kasbarian a bien compris que les Français n’ont pas envie de travailler plus longtemps. Selon lui, c’est pourtant indispensable : "Ma responsabilité politique n’est pas de dire : on ne fait rien, on ne réforme pas, on attend. Ma responsabilité politique est de me demander s’il y a d’autres alternatives. Certains proposent l’augmentation des cotisations sociales des travailleurs. J’y suis hostile. Je considère que c’est irresponsable vis-à-vis des travailleurs. La France est le pays d’Europe qui a le plus gros taux de prélèvement obligatoire [La France est en réalité deuxième, derrière le Danemark, ndlr]. Augmenter les impôts et les cotisations n’est pas envisageable."

Il n’est pas favorable non plus à la baisse les pensions : "C’est inacceptable, on a déjà des retraités en difficulté, il faut prendre soin de nos ainés. Cette option n’est pas juste."

Comme le député Kasbarian, Richard Ramos espère que les débats feront évoluer la réforme : "Nous sommes dans un régime parlementaire : le texte qui sortira du Parlement ne doit pas être le même que celui qui y rentre. Sinon, ça veut dire que nous sommes les pimpins de la République."

Il indique également que si le texte n’est pas modifié dans les débats parlementaires et si aucune discussion n'est possible avec le gouvernement lors de l'examen du texte au Parlement : "Je prendrai mes responsabilités et je ne signerai pas le texte, même si j’appartiens à la majorité présidentielle."

Reste désormais à voir comment évoluera la position du gouvernement et des parlementaires Renaissance si la rue maintient la pression.

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