Le député du Loiret, Richard Ramos, a obtenu la création d'une mission d'enquête parlementaire pour évaluer la dangerosité du sel nitrité ajouté à la charcuterie. D'ici 3 ans, il souhaite faire interdire cet additif responsable d'une augmentation importante des risques de cancers colorectaux.
"Quand il y a un produit dangereux, il faut l'arrêter. C'est une nécessité. Il faut qu'on évolue !", martèle Richard Ramos. Depuis plusieurs semaines, ce député MODEM de la 6ème circonscription du Loiret est en guerre contre l'ajout de sels nitrités dans la charcuterie. Il vient d'obtenir la création d'une mission d'information parlementaire sur la question, qui sera effective en début d'année prochaine.Selon la fédération française des industriels charcutiers, traiteurs et transformateurs de viande, "les nitrites empêchent le développement de bactéries très dangereuses pour l’homme, responsables du botulisme et de la salmonellose. Ces produits ne présentent aucun risque pour la santé, dans le cadre d’une alimentation variée et en quantité raisonnable".
Cet ion de la famille des acides nitreux devient pourtant dangereux par "un effet cocktail avec le fer de la viande, qui crée la toxicité", précise le député.
Le nitrite, responsable de la couleur rose du jambon... et de sa toxicité
"Son ingestion, si elle inactive quelques globules rouges, ne va pas nous tuer sur le coup, explique Jérôme Santolini, directeur de recherche en biochimie au CEA, dans une publication sur le site The Conversation. Mais le nitrite va être transformé dans un deuxième temps en d’autres oxydes d’azote, qui donnent d’ailleurs sa singulière et étonnante couleur rose au jambon blanc… Ces molécules auront d’une multitude d’effets biologiques et conduiront à l’oxydation, la nitrosation et/ou à la nitration irréversible de nombreuses protéines au cœur des processus de carcinogenèse." Autrement dit, au terme de sa réaction chimique avec la viande, le nitrite augmente fortement le risque d'apparition de cancers - notamment du cancer colorectal, deuxième cancer le plus meurtrier après celui des poumons, et du cancer de l'estomac - chez les consommateurs de charcuterie.
En 2018, selon les données de l'institut national du cancer, 43 336 nouveaux cas de cancer colorectal ont été recensés et 17 117 personnes sont décédées de cette maladie.
La Ligue @laliguecancer n’est pas l’adversaire des charcutiers, au contraire. L’une de ses mission est de protéger les gens des cancers. Ensemble, sortons des nitrites. Charcuterie : révélations sur un scandale sanitaire https://t.co/72Pbl7emGx via @lejdd
— Axel Kahn (@axelkahn) December 22, 2019
Depuis 2015, la charcuterie est donc classée cancérigène classe 1 par l’Organisation mondiale de la santé. "On utilise cette catégorie quand on dispose d’indications suffisantes de cancérogénicité chez l'homme, précise l'OMS sur son site. Cette évaluation se fonde généralement sur des études épidémiologiques montrant le développement du cancer chez les personnes exposées."
Pas plus de 150g de charcuterie par semaine
Le centre international de recherche contre le cancer recommande par ailleurs de ne pas manger plus de 150g de charcuterie par semaine. Une consommation de 50g de charcuterie par jour augmente de 16% le risque d'être atteint par un cancer colorectal. Malgré des preuves scientifiques irréfutables, l'obtention de cette mission parlementaire par Richard Ramos - une première victoire dans la guerre au nitrite - ne s'est pas faite sans difficulté. En octobre déjà, l'élu avait déposé un amendement contre le sel nitrité afin de créer une taxe, dans le cadre du vote du budget 2020 de la sécurité sociale.
"Il a été accepté par tous les bords politiques, y compris par certains députés 'En marche', mais rejeté par la ministre de la santé, Agnès Buzyn, et par la majorité qui suivait son vote. Les lobbyistes ont bien travaillé, regrette Richard Ramos. Mais il y a 15 jours, j'ai déposé un nouvel amendement. Alors le ministre de l'agriculture, le président de la commission agricole et le rapporteur du texte m'ont proposé de le retirer et de me donner une mission d'information rapidement, ce que j'ai accepté."
80% des produits de charcuterie contiennent des nitrites
En France, 80% des charcuteries contiennent des nitrites. Certains industriels, comme Herta, Jambon de Parme, d'Aoste ou Fleury Michon ont d'ores et déjà sauté le pas et abandonné cet additif. "La charcuterie sans nitrite est plus chère, souligne le député MODEM. Et on sait que ce sont les plus humbles qui en consomment le plus. Je veux qu'ils mangent bien également." Pour mieux comprendre les méfaits des #nitrites & #nitrates dans nos jambons, visionnez la #QuestionConso @LaquotidienneF5 avec @g_coudray @mlauque @tomisle
— la Ligue contre le cancer (@laliguecancer) December 19, 2019
?https://t.co/PrID8soXp1
Signer la pétition pour interdire les #nitrites?https://t.co/ZPBnnLmYYN @foodwatch_fr @YukaApp
J'ai été élu pour défendre le goût et la santé, et c'est ce que je compte faire, reprend Richard Ramos. Je souhaiterais un arrêt immédiat du nitrite, mais pour que les industriels puissent s'adapter, nous proposons un délai de trois ans avant cette interdiction.
L'idée de cette commission est d'auditionner le généticien et président de la Ligue contre le cancer, Axel Kahn, des industriels qui ont arrêté de mettre des sels nitrités, des associations de consommateurs ou encore des artisans. Et on va mettre tout le monde face à ses responsabilités."
Une pétition, lancée le 20 novembre dernier par l'ONG FoodWatch, l'application Yuka et la Ligue contre le cancer, pour interdire les nitrites ajoutés dans l'alimentation a déjà recueilli 171 387 signatures. Elle sera ensuite adressée à la ministre de la santé, Agnès Buzyn.
Déterminé, Richard Ramos d'espérer : "Si on arrive à obtenir cette interdiction en France, les autres pays vont embrayer le pas".