La Cour d’appel d’Orléans vient d’infirmer la décision rendue le 20 août 2015 par le Tribunal de Tours, qui permettait pour la première fois en France et en Europe, à une personne intersexuée de bénéficier d’une inscription « sexe : neutre » à l’état civil.
Monsieur X est né en 1951 à Tours, avec un vagin rudimentaire et un micropénis. Il a été déclaré, par ses parents, à l’officier de l’état-civil comme étant de sexe masculin. Par requête, le 12 janvier 2015, sur le fondement des articles 99 du code civil1 et 1047 et suivants du code de procédure civile2, Monsieur X a demandé au procureur de la République de Tours de saisir le président du tribunal afin qu'il remplace la mention « masculin » par la mention “sexe neutre” ou à défaut “intersexe”. Les personnes intersexuées peuvent présenter des caractères sexuels primaires et secondaires à la fois masculins et féminins. Ils ne sont donc ni des hommes ni des femmes. Pour la première fois en Europe, le tribunal de Grande instance de Tours (Indre-et-Loire) avait permis à une personne de modifier son acte de naissance dans un jugement rendu le 20 août 2015.
Le 22 mars 2016, la Cour d'appel d'Orléans a infirmé cette décision.
"Admettre la requête de Monsieur X reviendrait à reconnaître, sous couvert d’une simple rectification d’état civil, l’existence d’une autre catégorie sexuelle, allant au delà du pouvoir d’interprétation de la norme du juge judiciaire et dont la création relève de la seule appréciation du législateur. Cette reconnaissance pose en effet une question de société... (Extrait décision de la Cour d'Appel d'Orléans.)
Dans un communiqué, son avocate, Maitre Mila Petkova, réagit à cette décision. Elle souligne que pour la Cour "l’identité sexuée est principalement fondée sur l’apparence physique, et qu’elle déterminerait donc l’assignation au sexe « masculin » ou « féminin » à l’état civil. Elle affirme en outre que permettre l’inscription d’un sexe « neutre » pour le demandeur équivaudrait à modifier profondément notre système d’état civil, ce qui dépasserait le pouvoir des juges. Les motifs de cette décision apparaissent évidemment contraires à la réalité". Selon elle:
"Rien ne s’oppose à l’inscription d’une mention « neutre » à l’état civil dans la loi française. D’autre part, la Cour refuse de reconnaître la vérité de l’identité sexuée du demandeur qui n’est ni celle d’un homme ni celle d’une femme. Il lui appartenait pourtant de tenir compte de la spécificité du parcours intersexué de cette personne. Sur ces deux points, la Cour s’écarte visiblement de la jurisprudence européenne la plus récente." Maître Mila Petkova
Pour l'avocate, en suggérant aux personnes intersexuées une sorte d’alternative : soit demander à ce que leur état civil ne porte aucune mention d’un sexe quelconque, soit continuer à s’inscrire dans la binarité habituelle « masculin » ou « féminin », les juges leur proposent un choix impossible, devenir invisibles pour l’état civil ou souffrir comme avant d’une inscription qui ne leur correspond pas nécessairement.
Telle qu’énoncée, cette décision constitue donc une violence supplémentaire – et inutile – imposée au demandeur en raison, à nouveau, de son seul état d’intersexuation. Un pourvoi devant la Cour de cassation s’avère donc aujourd’hui nécessaire, conclue Maître Petkova.