Pour tenter d'interpeller le gouvernement sur le difficile accès aux soins dans le Loiret, le département met à disposition, dans chaque mairie, des cahiers de témoignages. Ouverts à tous, jusqu'à début avril.
Salariat des médecins, maisons de santé flambant neuves, attractivité des zones rurales, ouverture d'une fac de médecine à Orléans, numerus apertus... vaincre la désertification médicale est une affaire de diversité de solutions, et de patience.
Dans le Loiret, presque tous les traitements ont déjà été tentés, et le département ressemble de plus en plus à un long convalescent, touché par le virus de la désertification médicale. Le conseil départemental a donc décidé de mettre à disposition, dans chaque mairie, une sorte de cahier de doléances.
Réclamer "des moyens plus importants"
Dans une lettre adressée aux maires, le président du département, Marc Gaudet (UDI), dit souhaiter "donner l’opportunité à nos concitoyens, aussi bien les patients que les praticiens, de témoigner des difficultés qu’ils rencontrent au quotidien pour soigner ou se faire soigner".
#SantéPourTous 📣 Exprimez-vous sur les obstacles à l'accès aux soins dans le #Loiret. Cahiers de témoignages disponibles en mairie et en ligne : https://t.co/aNSBQ7njpq Vos retours seront transmis à @GabrielAttal @CaVautrin pic.twitter.com/F7ffz1wUVK
— Le Loiret (@leloiret) March 2, 2024
Pas une révolution en soi, mais plutôt un moyen de pression pour décrocher un rendez-vous avec Catherine Vautrin, la ministre de la Santé. Et lui présenter les écrits récoltés dans le Loiret. "Il est urgent que l’État prenne la mesure de ce problème de santé publique et engage des moyens plus importants", écrit encore Marc Gaudet.
La pharmacie, la solution de repli
À Bellegarde, les questionnaires sont à peine arrivés que le maire veut déjà les remplir. Ici, deux médecins généralistes se partagent la tâche. L'un des deux a bien dépassé l'âge de la retraite, et "travaille déjà 12 heures par jour", confie Jean-Jacques Malet, maire de la commune, et président de l'Association des maires de France du Loiret (AML). "C'est catastrophique. Ici, certains vont à Paris, en prenant le train à Montargis ou Orléans. Et tous les médecins à 30 km autour de Bellegarde sont consultés."
Pourtant, il y a quinze ans, "il y avait trois généralistes, deux dentistes et un ophtalmo", se souvient Antoine Parrot, pharmacien. Il confie que son officine est devenue le réceptacle d'une détresse locale, un lieu de recours pour les patients sans solution médicale. "On est le premier endroit en campagne qui dépanne les gens." Ainsi, selon lui, la bobologie a été "multipliée par 10" dans sa pharmacie.
Il lui arrive même, par autorisation exceptionnelle de la sécurité sociale, de renouveler des ordonnances. "Sur les médecins de Bellegarde, il y a un mois d'attente, explique le commerçant. Si on ne fait pas attention à prendre rendez-vous à temps, on est bloqué." Mais cette situation exceptionnelle pourrait bien devenir la norme, si la situation continue de se dégrader.
Système D
Même constat du côté d'Emilie Plut, infirmière libérale à Bellegarde. Un métier qu'elle fait par "passion, vocation". Mais la désertification médicale, c'est aussi le manque d'infirmières. Résultats, elle affirme faire une cinquantaine de rendez-vous chaque jour, entre 6h du matin et 19h. Auxquels se rajoutent le téléphone et l'administratif.
De plus, une infirmière "ne peut pas aller au-delà de [ses] compétences : sans prescription médicale, pas de traitement". Sauf que les médecins n'ont plus le temps de se déplacer. Pour les personnes âgées bloquées chez elles, obtenir ladite prescription peut devenir un vrai chemin de croix.
Ça arrive qu'un patient ait une plaie, et il demande à ce qu'on lui fasse un pansement. Normalement, on ne peut pas le faire sans prescription. Parfois, on s'arrange pour ne pas le laisser dans le désarroi.
Emilie Plut, infirmière libérale à Bellegarde
En gros, se soigner à Bellegarde, c'est "un peu le système D, il faut qu'on se débrouille", résume Angélique Favrot, une cliente de la pharmacie. C'est pour tenter d'obtenir des réponses à tous ces constats, et aux questions qui en découlent, que le département espère faire entendre les témoignages des Loirétains à la ministre de la Santé.
En 2022, le Loiret comptait une moyenne de 244 médecins pour 100 000 habitants, pour une moyenne nationale de 340.