Mediator : "c'est pas une vie", après la condamnation de Servier, le soulagement des victimes

Le laboratoire Servier, fondé dans le Loiret en 1954, est condamné pour tromperie aggravée, homicides et blessures involontaires ainsi que pour le délit d'escroquerie. Une décision aux allures de soulagement pour les parties civiles, avant l'examen de la procédure en cassation.

"Cette condamnation ne me rend pas ma santé, ma vie, c'est perdu" Mehrnaz Vahman, les yeux entourés d'un trait de crayon marron, n'est plus que l'ombre d'elle-même, vingt ans après avoir pris du Mediator pour la première fois.

Le laboratoire Servier, fondé dans le Loiret en 1954, est condamné en appel pour tromperie aggravée, homicides et blessures involontaires ainsi que pour le délit d'escroquerie dans l'affaire du Mediator.

Une nouvelle condamnation synonyme de soulagement 

C'est bien une "bonne nouvelle" pour cette Loirétaine. Comme pour les clients de Me Martine Verdier, avocate de 420 parties civiles dans ce procès en appel du Mediator : "C'est rassurant de constater qu'une victime est heureuse que justice soit faite." Joie rapidement tempérée, puisque les laboratoires Servier ont annoncé leur intention de se pourvoir en cassation, annonce Franceinfo. 

Ils ont tué des gens, ils en ont rendu malade. C'est important pour moi que la justice soit passée.

Mehrnaz Vahman, partie civile dans l'affaire du Mediator

Après plus de 12 ans de procédures judiciaires et deux procès, Servier est ainsi reconnu coupable de tout ce qui lui était reproché, y compris le délit d'escroquerie.

C'est autour de ce dernier chef de prévention que s'était fondé l'appel pour les parties poursuivantes. Servier avait été relaxé sur ce point en première instance. La peine prononcée oblige l'entreprise à payer 7 millions d'euros d'amende et 415 millions de remboursements des organismes de sécurité sociale. Pendant le procès, le groupe avait reconnu avoir commis "une erreur d'évaluation du risque" mais nié toute "dissimulation".

Les patients trompés, la sécurité sociale escroquée

"Cette décision remet un peu les pendules à l'heure sur la durée de cette vaste tromperie et sur son  seul but de faire du bénéfice" insiste Me Martine Verdier. 

La cour d'appel de Paris a donc estimé que les patients ont été trompés. "On leur a fait prendre un médicament dont on connaissait les conséquences" résume l'avocate. Au cœur de la problématique, le caractère "anorexigène" de la molécule qui était prescrite comme coupe-faim, à l'origine dédiée au traitement du diabète pour les personnes en surpoids. 

C'est au détriment de la sécurité sociale que Servier est en revanche condamné pour escroquerie. Pour avoir mis en place "des manœuvres frauduleuses pour avoir le remboursement d'un médicament qui n'aurait jamais dû l'être" résume le conseil de centaines de parties civiles. 

L'intérêt financier au détriment de celui des patients 

Lors de la lecture en détail du jugement, le président de la cour, Olivier Géron, a souligné que le laboratoire avait "privilégié son intérêt financier sur l'intérêt des patients". La sanction résonne particulièrement chez les victimes : "Elles ont entendu une condamnation dure qu'elles estiment justifiée" affirme Martine Verdier. 

Mehrnaz Vahman, habitante d'Ouzouer-le-Marché s'est vu prescrire le médicament des laboratoires Servier pour lutter contre son diabète en 2002 et l'a ingéré jusqu'en 2009, date de son interdiction en France. La pneumologue Irène Frachon avait alors établi un lien entre la molécule et des lésions cardiaques et de l'hypertension artérielle pulmonaire. "On va chez le médecin pour qu'il nous soigne, pas pour nous rendre malade". 

Avant, j'étais quelqu'un qui ne pouvait pas rester 5 minutes assise, maintenant c'est le contraire.

Mehrnaz Vahman, partie civile dans l'affaire du Mediator

"Je n'ai pas pu aller à Paris pour entendre la décision", la voix de Mehrnaz est éraillée, son intonation essoufflée. "Je suis très fatiguée, je ne peux rien faire à la maison". Elle est désormais dépendante de son fils, "c'est pas une vie".

"Je ne peux même pas jouer avec ma petite fille" déplore-t-elle. Jusqu'à se souvenir avec regret de son passé de fée du logis : "Avant ma maison elle était propre comme tout, on pouvait même manger par terre" affirme-t-elle, avec un rare sourire aux lèvres, avant de le perdre "maintenant je ne peux plus rien faire et ça m'énerve".

Faut-il s'attendre à un nouveau procès en appel ? 

Entre janvier et juin 2023, les victimes ont défilé à la barre pour raconter leur histoire. Malgré la maladie, Mehrnaz a pu se rendre au tribunal, à Paris, pour témoigner, "le cœur est malade, le poumon aussi" résume-t-elle. 

En face, la défense tient une posture "assez insupportable" aux yeux de Me Martine Verdier. "C'est un système de défense par négation, déni et dénégations. C'est très violent."

Cette affaire a jeté l'opprobre sur le système de santé. Certaines victimes vont jusqu'à dire qu'elles ne se font plus soigner car elles n'ont plus confiance. 

Me Martine Verdier, avocate de 420 parties civiles dans l'affaire du Mediator

Dans un arrêt de 1 100 pages rendu par les juges, les indemnisations de première instance sont confirmées pour les parties civiles. Ce qui, pour certains, pourrait ne pas refléter la nouvelle charge qu'a représenté ce nouveau procès.

"L'incapacité de clore cette histoire judiciaire" a été lourde pour les clients de Me Martine Verdier. Le pourvoi en cassation, s'il aboutit, risque d'ajouter encore une dose d'angoisse. Si la cour décide de casser l'arrêt d'appel, c'est un nouveau procès qui pourrait s'ouvrir.  Le groupe Servier estime la décision "décevante à bien des égards" mais se dit capable d'assumer les sanctions prononcées.

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