Premier roman et première distinction. Avec son roman Marc publié aux éditions rue Fromentin, Benjamin Stock est lauréat de la trentième édition du prix de Flore.
C’est son premier roman publié, mais c’est en réalité le sixième qu’il achève. Benjamin Stock a écrit son premier opus il y a vingt ans, il était alors âgé de 15 ans et lycéen à Blois. À l’époque, il envoie son texte à diverses maisons d’édition et, contre toute attente, est appelé par un éditeur parisien prestigieux, qui le félicite. Il ne publiera pas ce texte mais décèle chez Benjamin Stock un talent pour l’écriture et l’incite à continuer. Le jeune auteur persévère, mais accumule les désillusions. « À chaque fois que j’écrivais un roman j’avais toujours plus d’encouragements et donc je me suis un peu entêté, pendant vingt ans. Ça a demandé beaucoup de sacrifices et je ne me suis pas investi dans grand-chose d’autre, c’était ça ma vie », explique-t-il.
Un premier roman qui a failli être le dernier
Benjamin Stock poursuit quand-même en parallèle des études en classe préparatoire à Tours, puis en école de commerce à Toulouse. Devenu communicant pour un fournisseur d’énergie, il trouve finalement un éditeur pour son sixième manuscrit. Un texte qui a bien failli être le dernier, plaisante-t-il : « Maintenant je suis papa et quand j’ai su que ça allait arriver, je suis retourné aux choses sérieuses : j’ai trouvé un boulot, et je savais qu’après ce roman, je n’aurais plus beaucoup de temps. Or, il faut du temps, il faut s’ennuyer pour avoir des idées et pour écrire, et maintenant je ne m’ennuie plus assez ! ».
Marc, relate la quête existentielle de David Baumer, trentenaire aux ambitions intellectuelles dévorantes, fondateur d’une start-up prometteuse devenue une boite de com’ aux missions abstraites. Alors qu’il entend se lancer dans une thèse de philosophie, il se penche sur les romans de Marc Lévy pour plaire à une collaboratrice. Le héros dépasse son scepticisme initial, se plonge dans l’œuvre, et y découvre un sens caché, ainsi qu’une conspiration de lecteurs de l’auteur à succès.
On oublie un peu que le complotisme est un sous-domaine de la croyance et que cette façon de penser touche tout le monde : des gens très lettrés, des élites, des gens de droite, des gens de gauche. On a tous, de temps à autres, ces mécanismes de pensée
Benjamin Stock, écrivain
Derrière le récit, émerge une réflexion sur l’interprétation des textes. « J’ai choisi Marc Lévy parce que c’est l’auteur le plus vendu et le plus lu au monde ou un de ceux-là. Donc c’était un symbole. Et puis aussi parce qu’on considère en général que ce sont des romans de pur divertissement et je trouvais ça amusant de dire : « ah non, peut-être qu’il y a une sous-couche, un autre discours dessous, plus profond, que vous n’avez pas vu dans ses romans, qui ne sont pas du pur divertissement. Mais ça aurait pu être quelqu’un d’autre que Marc Lévy, ça a failli être Guillaume Musso, ça a failli ne même pas être un romancier : j’ai songé à faire des interprétations d’Astrapi », raconte Benjamin Stock. « Beaucoup de gens ont dit : ‘ça parle du complotisme’… c’est vrai que la mécanique du complotisme c’est ça : je vais interpréter les textes à ma façon, prendre les éléments que je veux pour raconter une histoire. Mais on oublie un peu que le complotisme est un sous-domaine de la croyance et que cette façon de penser touche tout le monde : des gens très lettrés, des élites, des gens de droite des gens de gauche. On a tous, de temps à autres, ces mécanismes de pensée », précise-t-il.
Un prix de Flore dans le Perche
Le style enlevé, l’intrigue, ses développements burlesques ont séduit le jury du prix de Flore. Benjamin Stock est le lauréat de la trentième édition. Depuis le Perche, aux alentours de Nogent le Rotrou où il a emménagé à la faveur du télétravail, après des années de vie parisienne, Benjamin Stock accueille presque incrédule le concert de louanges qui accompagne la sortie de son roman. « C’est carrément une surprise et c’est une bonne surprise… et en même temps c’est terrifiant. Si on écrit c’est quand-même que ce qu’on aime c’est être tout seul dans une chambre à discuter avec soi même, c’est pas tellement pour prendre la lumière, c’est un peu tout l’inverse. Et là, du jour au lendemain, il y a une certaine médiatisation, ça fait drôle. Personne ne me lisait avant, j’ai écrit pendant vingt ans des textes que personne ne lisait ! » commente-t-il.
Non seulement Benjamin Stock est désormais lu, mais il est aussi encensé et récompensé. Frédéric Beigbeder, l’un des membres les plus éminent du jury du Prix de Flore, a peut-être milité en faveur de Benjamin Stock. Il écrivait récemment qu’il voyait en lui « un grand écrivain ».