"Travailler plus pour pouvoir partir en vacances" : l'inquiétude des personnels soignants pour l'été dans les hôpitaux du Centre-val-de-Loire

Dans les hôpitaux de la région Centre-val-de-Loire comme ailleurs en France, les arrêts maladie s'accumulent et les grèves s'enchaînent. Le personnel soignant, épuisé, redoute la période estivale. Les congés d'été, précieux, deviennent un vrai casse-tête.

"Pour l'instant l'été, on ne l'envisage même pas" assure Audrey, infirmière aux Urgences de l'hôpital de Dreux en Eure-et-Loir. Les vacances semblent encore loin pour cette trentenaire qui ne connait pas encore son planning pour le mois de juin. Les congés ont été posés en janvier, en théorie validés fin mars "mais pour l'instant on n'a pas de nouvelle" affirme-t-elle. Une chose est sûre pour elle "si on n'a pas les semaines négociées, ça ne va pas le faire". Epuisée, elle ajoute : "on a aussi une famille qui nous attend". Le personnel est donc en grève ou en arrêt maladie à Dreux comme à Orléans, pour dénoncer des conditions de travail particulièrement difficiles et un manque criant de bras. 

A Chartres où France 3 s'est rendu mi-avril, les infirmières grévistes appelaient à "plus de personnel" et expliquaient devoir parfois gérer le travail de trois personnes, seules !

"Nos vacances se paient"

"C'est la première fois qu'on voit au mois d'avril, au printemps, un absentéisme aussi fort", indiquait Frédéric Valletoux, président de la Fédération Hospitalière de France à nos confrères de Franceinfo.

Un constat qui se fait partout dans la région, y compris au CHU de Tours, où on est "quand même moins mal lotis que dans d'autres établissements", explique Samuel Rouget, le DRH de l'hôpital. Selon lui, l'absentéisme chez les soignants en ce début mai y serait de 12%, soit 2 points de plus que d'habitude. "Ça représente entre 80 et 100 infirmiers et aides-soignants manquants en plus de d'habitude", estime-t-il. Une surcharge de travail qui se répercute en premier lieu sur les équipes présentes. Avec un risque de cercle vicieux : "Les soignants sont absents parce qu'ils sont épuisés, les restants travaillent plus donc se fatiguent plus vite, donc ils doivent s'arrêter, etc.", résume Samuel Rouget.

Dans ces conditions, appréhender l'été peut commencer à soulever des questions. Armelle Paris, infirmière et secrétaire générale CGT au centre hospitalier Jacques-Coeur à Bourges (Cher) a "très peur". Là bas, les vacances ont été validées, parfois différentes de celles demandées, mais surtout "On les paie". Et le prix pour quinze jours, maximum trois semaines de repos c'est : "d'enchaîner trois week-ends d'affilé" avant de partir ou après être rentré. "Certains vont travailler le week-end avant de partir en vacances, ou partent en milieu de semaine" ajoute-t-elle. Parfois, au mépris de la législation assure Armelle Paris. 

"Dès janvier, on nous a annoncé qu'il n'y aurait pas de remplacement dans le service des urgences cet été", à Vierzon aussi, Marivonne Roux décrit une situation compliquée. Cette déléguée syndicale Force Ouvrière est inquiète pour les conditions de travail de ses collègues. Pour pouvoir avoir les semaines de vacances prévues, les agents pourraient passer à des gardes de douze heures !

Jusqu'à 15h par jour ? 

Une amplitude horaire pratiquée dans d'autres services, mais qui sera obligatoirement dépassée pour les urgences, notamment quand il s'agit de déplacements en SMUR. L'intervention peut prendre du temps, et pas question de s'arrêter de travailler en plein milieu parce qu'on a atteint son quota d'heures. "Et le lendemain, si vous êtes prévu au planning il faudra être là" ajoute l'infirmière qui estime que le personnel concerné pourrait travailler jusqu'à quinze heures d'affilées dans ces conditions. 

Sans cette option, pas de repos, ou pas autant que prévu. Inenvisageable pour la troisième année consécutive insiste-t-elle. "Je comprends aussi la direction" souffle Marivonne Roux, "ils n'arrivent pas à recruter".

l'été va être compliqué

Armelle Paris, Secrétaire CGT du Centre Hospitalier de Bourges

Pourtant, dans un contexte d'épuisement, ces semaines sont précieuses : "l'été va être compliqué" répète Armelle Paris à Bourges. Ce qui l'inquiète, c'est surtout le devenir des patients pendant cette période : "On doit prendre tout le monde, demain, si c'est vous, moi, comment serons-nous pris en charge ?" se demande-t-elle. Actuellement, cinquante infirmières manquent au centre hospitalier du Cher "même si il y a des embauches ça ne suffira pas", la ligne de SMUR est déjà réduite. 

Du coté de la direction de l'hôpital, il est trop tôt pour parler de l'organisation des mois estivaux, les discussions sont en cours : "mais c'est une préoccupation importante" indique-t-on "pour l'accès aux soins et pour permettre au personnel de prendre du repos". 

Au CHU de Tours, la direction cherche depuis le mois de mars à débaucher des étudiants pour assurer les remplacements d'été. "On signera tous leurs contrats le 11 juillet, le jour de leur diplomation", explique le DRH Samuel Rouget. En tout, sur juillet et août, 300 mensualités de remplacement devront être recrutées par l'hôpital pour assurer la continuité des soins dans tous les services. Des postes qui, à Tours, ont la chance de trouver preneur, même si "on sait que les étudiants sont très demandés, ils ont de l'offre", assure Emilie Wendling, responsable recrutements au CHU. La direction envisage en plus, pour faire face à l'absentéisme, de renforcer avec des temps pleins les équipes de suppléances permanentes (et non plus via des remplacements), avec des fonds venus du Ségur de la Santé et des finances mêmes de l'hôpital. 

Pas de congés pour les nouveaux

A Dreux, la capacité de trouver du personnel est plus complexe. Audrey le sait, "ceux qui arrivent n'auront pas de vacances cet été". Les lits, eux, se feront encore plus rares, certains services ferment avec le personnel en repos "en chirurgie par exemple". L'été, c'est aussi des habitants qui partent dans d'autres régions, ce qui veut dire : moins d'affluence pour certaines structures, se rassure en partie Cédric Montagne, secrétaire général CGT au CHR d'Orléans. 

L'Agence Régionale de Santé (ARS), consciente des circonstances, explique qu'il est pour l'instant trop tôt pour estimer les difficultés à venir pour les mois d'été. La problématique sera étudiée dans les "prochaines semaines et au cas par cas" indique Christophe Lugnot, le directeur de cabinet de l'ARS. Evoquant le recours à la "réserve sanitaire" il ne s'avance pour l'instant pas sur les solutions qui pourraient être évoquées. 

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