Le 17 mai 2013, la loi ouvrant le mariage aux personnes de même sexe était promulguée en France. Les premiers mariages homosexuels avaient lieu un peu partout en France. Une revanche pour la communauté, après des mois de lutte dans l'hémicycle et dans la rue. Dans la rubrique "C'est arrivé près de chez vous", on vous fait revivre cet évènement en Centre-Val de Loire.
"Au nom de la loi, je vous déclare unies par le mariage", annonce haut et fort le maire PS de Saint-Jean-de-la-Ruelle dans le Loiret. L'instant est historique. Christophe Chaillou vient de célébrer le premier mariage homosexuel de la région Centre-Val de Loire. Les mariées, Abby et Hélène, sont à la fois émues et fières de ce mariage organisé le 1er juin 2013, 15 jours seulement après la promulgation de la loi.
"C'est énormément d'émotion. Je ne pensais pas ressentir ça. Et c'est énormément de fierté pour la communauté", s'émeut Abby juste après avoir échangé ses vœux. Parmi les invités il y a bien sûr la famille des mariées, mais aussi de nombreux militants LGBT. Car ce premier "Mariage pour Tous" de la région est avant tout une revanche, après un long combat qui s'est joué dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale et dans la rue.
Ouvrir le mariage aux couples de même sexe était une promesse de campagne du candidat PS François Hollande à l'élection présidentielle. Promesse tenue puisque, dès novembre 2012, le projet de loi, porté par la garde des sceaux Christiane Taubira, est présenté en Conseil des ministres avant d'être débattu au parlement. Les débats à l'Assemblée nationale sont vifs entre la gauche acquise à la cause et l'opposition de droite aux valeurs conservatrices.
La Manif Pour Tous et la question de la filiation
Le débat gagne rapidement la rue et, dès fin 2012, la France se scinde en deux. Partout, les manifestations se multiplient et la région Centre-Val de Loire ne fait pas exception. Orléans, Blois, Bourges, Tours : pro et anti-Mariage pour Tous battent le pavé. Pour les partisans au projet, il s'agit avant tout de montrer son soutien au gouvernement même si, selon eux, la loi ne va pas assez loin. La plupart auraient aimé que la procréation médicalement assistée (PMA) pour les couples de femmes soit également inscrite dans la loi. François Hollande n'a pas voulu s'y risquer, craignant de jeter de l'huile sur le feu d'un projet déjà clivant.*
Car en 2013, c'est bien la question des enfants qui est au cœur de la grogne des opposants réunis sous la bannière de "La Manif pour Tous", un collectif d'associations conservatrices et religieuses. Dans la manifestation orléanaise du 18 avril 2013, l'un de ses leaders locaux qualifie de "stérile" le projet de loi, insistant sur le qualificatif utilisé pour défendre la filiation père-mère-enfant.
Entre les deux camps, la tension est maximale et les manifestations prennent des airs de confrontations. À Orléans et à Blois, opposants et partisans manifestent en même temps d'un côté et de l'autre de la rue. Aucun débordement majeur n'est relevé, seuls quelques "kiss-in" échauffent les esprits. Ces baisers en public entre personnes de même genre sont le symbole du soutien à la réforme pour les uns, une provocation pour les autres.
La loi est adoptée, Fontgombault refuse de l'appliquer
23 avril 2013, après dix jours de débats houleux, le Mariage pour Tous est définitivement adopté à l'Assemblée nationale. Le moment est historique mais le climat reste lourd. Si la majorité de gauche laisse éclater sa joie, l'opposition de droite, elle, quitte l'hémicycle tandis que des militants anti-Mariage pour Tous sont évacués après avoir tenté de déployer des banderoles pour réclamer un référendum.
Malgré sa promulgation le 17 mai 2013, un rejet partiel de la loi perdure dans la société française. À Fontgombault, petit village de l'Indre qui compte 300 habitants dont 60 moines bénédictins, on refuse même de l’appliquer. La religion empreigne la vie locale, si bien que deux moines font partie du conseil municipal. En octobre 2013 à la quasi-unanimité, une délibération contre le mariage homosexuel est votée, arguant qu'"il existe une loi naturelle supérieure aux lois humaines" et que "depuis les origines du monde, aucune union n'a été célébrée officiellement entre deux personnes de même sexe".
Le bulletin municipal estime donc que "ces deux personnes sont incapables de procréer un être humain issu de cette union et par conséquent de l'élever". La missive municipale choque une partie des habitants, qui se regroupent sous le collectif des "indignés de Fontgombault". Ils signalent la délibération qui sera finalement annulée en juillet 2014 par le tribunal administratif de Limoges.
Mais de l’opposition d’un maire à la fierté d’un autre, il n'y qu'une centaine de kilomètres. Celui de Saint-Jean-de-la-Ruelle qui a célébré le mariage d'Hélène et Abby estime, lui, que la loi "doit s'appliquer", et se dit certain que cette dernière "ne sera jamais remise en cause". Depuis, plus de 2 000 mariages entre personnes de même sexe ont été célébrés en Centre-Val de Loire.
*La PMA pour toutes sera finalement adoptée en 2021 dans le cadre de la loi bioéthique.