Alors que le tribunal de Bobigny doit prononcer ce mardi (31/03/) la liquidation du transporteur, les salariés restent mobilisés jusqu'au bout. Ils ont organisé une nouvelle opération escargot ce mardi matin dans la Marne. Ils ont contourné Reims en passant par l'A26.
Au total, 140 salariés sont menacés dans la région (Reims, Châlons-en-Champagne et Sedan). 2.200 postes sont concernés en France.
La justice examine ce mardi la demande de liquidation de MoryGlobal (ex-Mory Ducros), lors d'une audience sans grand suspense en l'absence de projet de reprise pour le transporteur aux 2.150 salariés, bientôt licenciés pour motifs économiques. Une audience à huis clos est prévue à 14H30 au tribunal de commerce de Bobigny (Seine-Saint-Denis), lequel avait placé la société en redressement le 10 février dernier.
La liquidation sera prononcée dans la foulée ou la décision mise en délibéré, ce qui ne ferait que retarder l'inéluctable pour une société ayant subi en 2014 une perte nette de 43 millions d'euros. Une fois le jugement prononcé, l'entreprise devra cesser immédiatement son activité (sauf autorisation spéciale). Et les contrats de travail seront rompus sous 21 jours, comme la loi le prévoit dans le cadre d'un plan de sauvegarde de l'emploi (PSE).
Résignés depuis le retrait de la principale offre de reprise, qui concernait seulement 141 personnes, les salariés n'attendent "pas grand chose" de la justice commerciale, "parce qu'on va être liquidé, on le sait depuis longtemps", soupire Michel Ariba, de Force ouvrière. "Tout est déjà prêt, il n'y a plus qu'à appuyer sur le bouton" et le couperet tombera sur les 2.150 employés, "roulés dans la farine" par Arcole Industries, l'actuel actionnaire et ancien propriétaire de Mory Ducros, ajoute-t-il.
En 2014, la faillite du numéro deux français du transport routier de colis avait mis près de 2.900 personnes au chômage, constituant ainsi l'une des plus lourdes socialement depuis celle de Moulinex en 2001. Les salariés réclament un PSE au moins équivalent à celui de Mory Ducros il y a un an. L'actionnaire avait accordé aux licenciés une enveloppe de 30 millions d'euros en plus du minimum légal.
Valls "pleinement conscient" du drame
Pour l'heure, Arcole Industries est aux abonnés absents, critiquent les syndicats. Selon eux, seuls 3 millions d'euros seraient prévus pour les mesures d'accompagnement (congés de reclassement, budget formation, etc.), et rien pour les indemnités supplémentaires de licenciement. Le 26 mars, l'Etat a sommé Arcole "d'assumer ses responsabilités d'actionnaire et de contribuer au financement du PSE", accusant le groupe de ne pas avoir "redressé l'entreprise, en dépit du soutien sans précédent apporté par les pouvoirs publics".Invité mardi sur BFMTV/RMC, le Premier ministre Manuel Valls s'est dit "pleinement conscient de ce drame que vivent les salariés". "On voit bien qu'on est au bout de quelque chose mais il faut trouver une solution pour chacun des salariés, et au niveau de rémunération auquel ils sont", a-t-il insisté.
Le gouvernement "travaille sur un plan de reconversion des sites et surtout pour trouver des possibilités d'embauche dans le secteur, par exemple des cars", a-t-il ajouté.
Les syndicats seront à nouveau reçus jeudi à 17H00 au ministère des Transports, une semaine après une première rencontre. En février 2014, l'Etat avait accordé à la société un prêt de 17,5 millions d'euros, au titre du Fonds de développement économique et social (FDES), une aide publique qui fait l'objet d'une enquête de la Commission européenne. Dans un jugement d'une rare sévérité, dont l'AFP a obtenu copie, le tribunal de commerce de Pontoise a constaté un an plus tard que "l'actionnaire principal a semblé se désintéresser du projet de restructuration de la société MoryGlobal et de sa pérennité", ne donnant aucun "signe suffisant d'implication". Pire, il "s'est lui-même mis en difficulté" en prélevant 7,5 millions d'euros de la trésorerie de MoryGlobal pour financer le PSE de Mory Ducros, s'étonnent les juges, évoquant un "acte de gestion anormal" et un plan de cession "défectueux dès l'origine". Les syndicats exigent que la vente des actifs du groupe (agences, marchandises stockées, véhicules, etc.) serve en priorité au financement de leur plan social. Mardi matin, des salariés venus de Lorient, Angers, Nantes et Rennes ont bloqué une partie du périphérique de Nantes, avec plus d'une trentaine de poids-lourds, provoquant de forts ralentissements sur les voies intérieure et extérieure.
Voir notre reportage dans le JT 12/13 de ce mardi 31 mars 2015