À Montpellier, Jessica, Damien et Thibault ont créé le Locavorium, une boutique qui ne vend que des produits locaux. Un moyen de réduire la pollution liée au transport des aliments, mais pas seulement. On a la solution ! vous explique.
Sur les étals de ce supermarché de la région de Montpellier, des carottes, des blettes et des poireaux. Le Locavorium est une boutique comme les autres, à une exception près : tous ses articles sont produits dans un rayon de cent cinquante kilomètres.
Jessica, Damien et Thibault, trois ingénieurs agronomes cherchaient un moyen facile d'avoir une alimentation responsable. «On était à la recherche d’un endroit où faire nos courses» explique Jessica Gros. «Mais on s’est vite rendus compte que ce n’était pas évident de trouver des produits dont on pouvait connaître la provenance. Il y avait bien quelques initiatives, mais aucun magasin pour les regrouper». Les trois amis ont alors créé le Locavorium, un magasin 100% local. On a la solution ! l’émission qui fait le tour de France des initiatives citoyennes et écologiques vous présente ces ingénieurs engagés.
Adieu bananes, café et mangues importées de l’autre bout du monde. Pour adopter le régime locavore, il faut savoir faire des concessions. Dans les rayons, on ne trouve que des produits de saison. «C’est aussi un plaisir que de redécouvrir ce cycle. Et puis gustativement, c’est quand même autre chose : consommer des tomates au mois de janvier, ça n’a pas de sens !» reprend-t-elle. «L’autre critère, c’est d’accepter que tout n’est pas prêt à être consommé. Parfois, il faut se mettre aux fourneaux.”
Bon pour la planète?
Consommer local permet de réduire la pollution liée au transport des aliments. Mais ce n’est pas là le principal intérêt écologique. D’après un étude de l’Institut de l’Économie pour le Climat, 20% des émissions de CO2 seraient liés à l'acheminement des marchandise, contre 65% pour leur production. Mais, contrairement à ce que l’on peut croire, c’est le transport à l'intérieur même du pays qui pollue le plus : 80% de ces émissions seraient liées au trafic routier, contre 20% pour les autres moyens, comme le transport maritime ou les avions. Des chiffres qui s’expliquent par les quantités regroupées dans ces transporteurs longue distance.Il n’y a pas que le gasoil qui compte dans l’économie écologique.
“ C’est vrai, il y a des études qui montrent qu’un agriculteur qui descend des Cévennes avec quatre cagettes et un vieux diesel n’est pas forcément plus écologique qu’un camion plein à craquer” reprend Jessica. “Mais ce sont des produits sans pesticide, ni serre chauffante, ce qui réduit considérablement l’empreinte carbone. Quand on fait l’effort de manger local, on sait d’où ça vient et on peut choisir de soutenir des producteurs respectueux de l’environnement.”
Un mouvement qui grandit
La Ruche qui dit Oui, les ventes en lignes, à la ferme ou encore les marchés de producteurs... Un peu partout, les initiatives essaiment pour se nourrir des produits de la région. Selon une étude du Natural Marketing Institute, 71% des Français déclarent qu’il est important de consommer local. “Ça répond à une attente des consommateurs” explique Jessica. “Et on est loin du cliché du bourgeois bohème. Il y a beaucoup d’étudiants qui viennent : chacun se rend compte que c’est meilleur pour la santé et meilleur marché quand cela n'a pas transité par dix intermédiaires.”
Et puis, les comportements alimentaires évoluent avec une prise de conscience des conditions parfois opaques de production. “On est dans une société où on peut tellement être informé sur tout, que cela devient invraisemblable de ne pas savoir ce qu’il y a dans nos assiettes” conclut Jessica.
D’un bout à l’autre de la chaîne alimentaire
Une besoin de transparence, qui s’exprime aussi à travers le développement des AMAPs: les associations pour le maintien de l’agriculture paysanne. Dans ces structures, les consommateurs paient à l’avance les producteurs pour une période donnée. Aujourd’hui, on en compte plus de 2 000 sur le territoire, qui nourrissent près de 250 000 personnes. “ Je préfère que ce soit le paysan qui soit rémunéré plutôt qu’une grande surface où un transporteur” raconte une cliente dans cette vidéo.
“C’est la seule alternative qui met directement en contact les deux maillons de la chaîne alimentaire” explique Daniel Vuillon, le fondateur de la première AMAP de France, près de Ollioules dans le Var.
En 2001, ce paysan était confronté aux difficultés du monde agricole. Obligation de productivité, achats à des prix trop bas…”On était sur le point de s’arrêter” raconte Daniel. “Et puis on a pensé à ce concept, ça permet de maintenir les fermes de petites dimensions dans les zones péri urbaines, à proximité des consommateurs. Ce qui représente quand même la moitié des exploitations françaises.”
En France, un peu plus de la moitié du territoire est occupé par des espaces agricoles. Pourtant, les exploitants ne représentent que près de 1% de la population.“En vingt ans, on a perdu trois paysans sur quatre. Ça passe inaperçu, mais quand il y a eu cette bouée de sauvetage lancée, ça paraissait logique de s’y accrocher”.
Recréer du lien
Pour sortir les paysans de la précarité et recréer du lien avec les consommateurs, Daniel Vuillon à construit le système des AMAPs. Un cercle vertueux où les consommateurs s’associent aux agriculteurs pour leur garantir un revenu et la commercialisation de leurs produits.
“L’idée c’est de responsabiliser aussi bien les acteurs que les consommateurs. Le producteur connaît les gens qu’il nourrit et les consommateurs le soutiennent pour qu’il produise. Comme sa rémunération est garantie, il ne prend aucun risque à adopter de bonnes pratiques d’agriculture et diversifier ses cultures.” Sorti de ces obligations de productivité, l’agriculteur peut aussi planter de nouvelles variétés, pour faire découvrir de nouvelles saveurs et contribuer à la biodiversité.
Grâce aux AMAPs, des centaines d’agriculteurs ont pu maintenir un activité. Mais les circuits courts induisent tout de même une transformation du métier. “Il faut répondre aux questions avant qu’on ne les pose, raconter la vie à la ferme de façon à ce que les gens aient l’impression d’être au jardin.” De producteur, les agriculteurs deviennent aussi vendeurs et doivent communiquer sur la qualité de leurs produits. “Certain ne savent pas faire” concède Daniel Vuillon.
Un concept importé du japon
Mais la France n’est pas la première à opter pour un système de coopération entre producteurs et consommateurs. Il est né dans les années soixante, alors que le Japon était confronté à une grave crise sanitaire. Dans la région de Minamata, une usine déversait du Mercure dans la baie, empoisonnant les poissons et provoquant de graves intoxications. "Les chats se sont mis à tourner en rond et à tomber dans la mer" raconte cet homme dans cet extrait de documentaire. "Mais le chat était en fait le premier à prévenir les Hommes de la maladie."" La maladie de Minamata correspond aussi à l’arrivée des pesticides au Japon. Les mères de familles étaient très inquiètes vis-à-vis de ce qu’elles consommaient. “Elles se sont alors organisées en créant des coopératives : les “Tekei”. Un moyen de réserver aux producteurs avec qui elles coopèrent, des légumes dont elles étaient sûres de la qualité.
“Aujourd’hui, au Japon, une personne sur trois est dans ce système de Tekei. Ça permet de maintenir une population agricole : il y a près de 8% d'agriculteurs contre moins de 1% en France et ils ont essentiellement de petites exploitations. Et il faut dire que les Japonais ont de très longues espérances et ils sont très peu à être atteints d’obésité. Ça a peut-être un lien avec l’alimentation et on devrait réfléchir sur la qualité de leurs produits.”“À chaque fois qu’il y a une crise sanitaire en France, cela fait le même effet : on voit le nombre d’adhérents aux AMAPs augmenter.”
Une question de sécurité
“ Dans les intentions, les choses ont bougé. Mais quand on regarde le ratio entre consommation locale et production globale, il y a encore du chemin à faire” commente Stéphane Linou, le premier locavore de France. Entre 2008 et 2009, cet ancien conseiller régional a tenté l’expérience en se nourrissant exclusivement dans un rayon de cent cinquante kilomètres. “Je voulais montrer notre degré de fragilité par rapport aux approvisionnements” explique-t-il. “Il n’y a pas de stock alimentaire stratégique d’État et les grandes surfaces gardent seulement deux jours de réserves. Que se passerait-il s’il y a avait un problème sur les routes?” Dans cette vidéo, il avance : " Dans les aires urbaines il n'y a que 2% d'autonomie alimentaire. Avignon, le champion de France est à 8%."
Une parole qui porte. Le 20 juin dernier, la sénatrice Françoise Laborde a attiré l’attention de ses confrères sur la question. Dans la proposition de résolution sur la résilience alimentaire des territoires et la sécurité nationale, elle constate “Production et consommation ne sont plus territorialisées et nos territoires, même ruraux, sont « alimentairement malades » car perfusés par le ballet des camions de la grande distribution. ”
Modules de formation, tour de France pour sensibiliser… Stéphane Linou multiplie les actions pour alarmer sur la question.“ Étant donné que jusque là la sensibilisation à l’écologie n’a pas marché avec tout le monde, j’essaie de parler une langue que tout le monde peut comprendre. Il n’y a pas d’estomac de droite ou de gauche.”