Coronavirus - Le combat du professeur Timsit : "trouver un traitement antiviral au plus vite"



Jean-François Timsit dirige le service de médecine intensive et réanimation infectieuse de l’hôpital Bichat AP-HP à Paris. Un des  centres de référence qui mène les essais cliniques du projet européen Discovery, intégrant la controversée chloroquine ou plus exactement hydroxychloroquine.

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Les chercheurs européens sont unis, dans une course contre la montre, pour stopper au plus vite la pandémie engendrée par le coronavirus. La mission de ce programme nommé Discovery lancé le 22 mars 2020 et coordonné en France par lnserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale) : trouver au plus vite une stratégie thérapeutique pour guérir les patients contre ce virus redoutable. 
 

"L'étude du professeur Raoult est une honte"

Parmi les quatre traitements testés qui font  partie du programme Discovery, il y a la controversée chloroquine ou plus exactement l'hydroxychloroquine. Mais, selon le Pr Jean-François Timsit, chef du service de médecine intensive et réanimation infectieuse de l'hôpital de Bichat AP-HP de Paris, "ce traitement défendu par le Professeur Raoult, a une efficacité discutable. L'étude du chercheur marseillais est une honte car il a éliminé 6 patients sur 32 qui présentaient de mauvais pronostics. Et pour l'instant, l'étude chinoise qui vient de sortir ne montrerait aucun effet favorable. On sait juste que in vitro c'est efficace." 

800 patients français

“En cinq  jours, nous avons déjà inclus 50 malades dans ces essais thérapeutiques”, explique Jean-François Timsit, chef du service de médecine intensive et réanimation infectieuse de l'hôpital de Bichat AP-HP de Paris, l’un des cinq établissements de santé de référence de ce programme Discovery, avec Lille, Nantes, Strasbourg et Lyon. 
Très actif au chevet des patients du coronavirus depuis déjà un mois, il n’a qu’une obsession : “Ma mission est de soigner au mieux les patients, ne pas les faire souffrir, tenter de les guérir pour  les voir enfin sourire."

Une vingtaine d’autres établissements hospitaliers français devraient participer au programme Discovery. 800 patients français atteints du coronavirus bénéficieront de ce programme. “Des malades souffrant de pneumonies à covid dont la gravité est jugée modérée à grave” précise Jean-François Timsit.

Au total, 3.200 patients européens participeront à cet essai thérapeutique dans six pays : Belgique, Pays Bas, Luxembourg, Royaume Uni, Allemagne et Espagne. 
 
Les patients seront sélectionnés selon quatre critères, explique Jean-François Timsit, " leur envie d’être soigné, donc d’être intubé, et surtout leurs facteurs de fragilité notamment liés à des maladies chroniques, à leur âge". La décision sera prise évidemment à plusieurs spécialistes. “Mais, on va être confronté à des choix, des sentiments de culpabilité terribles, reconnaît le spécialiste. Quand on devra choisir entre un patient de 30 ans et un de 80 ans, on choisira celui de 30 ans.

Quatre traitements testés 

Quatre traitements avec une efficacité potentielle contre le covid 19 vont être testés par les équipes médicales, parallèlement, et en association au traitement standard des pneumonies :
°un traitement standard associé à la molécule antivirale Remdesivir.
°un traitement standard associé à un médicament anti VIH composé de deux antiviraux (lopinavir et ritonavir).
°un traitement standard, plus les deux antiviraux (lopinavir ritonavir)  associés à de l'Interféron, une molécule que nous sécrétons naturellement pour nous défendre contre les virus.  
°un traitement  standard associé à de d’hydroxychloroquine.

Un tirage au sort 

Pour chaque patient, l’attribution d’un de ces différents traitements se fera de façon aléatoire :“le tirage au sort des essais est la seule manière d’obtenir un équilibre dans le profil des patients, des facteurs de risques comme la gravité de la maladie, l’âge, le poids, les maladies sous jacentes et de prouver la supériorité d’un traitement par rapport à un autre ”, précise le médecin-réanimateur : “afin d’offrir le plus rapidement possible un traitement à tous les malades, on jugera de l’efficacité d’un traitement, au bout de 14 jours, sur trois critères : sur la mortalité, la nécessité de recours à la réanimation, et à la ventilation artificielle. Ce délai court permet d’avoir des réponses rapidement et un bon reflet de la guérison des patients. “ 


La force d’un essai adaptatif

Cet essai thérapeutique se veut adaptatif. Car il faut aller très vite : “Si l’un des traitements s’avère plus efficace que les autres après 14 jours, on le garde, s’il s’avère moins efficace, on l’abandonne." Tous les 100 malades, des analyses intermédiaires seront effectuées, jusqu’à atteindre le nombre des 800 malades, ou la preuve formelle de la supériorité d’un traitement.
Éthiquement, nous confie le professeur Timsit, "nous avons besoin d’avoir un résultat  au plus vite. Il y a urgence. ”
  

"On doit apprendre à se défendre contre ce virus inconnu"

Le coronavirus excite les défenses immunitaires de manière excessive : “ Face au covid 19, nous produisons des substances inflammatoires de défense qui sont capables de nous tuer, explique Jean-François Timsit. Ce coronavirus, poursuit-il, “ l’être humain ne l’a jamais vu. Il doit apprendre à s’en défendre. Il faut donc suffisamment de gens immunisés pour que le virus ne se diffuse plus d’une personne à une autre. Et quand 60 % de la population sera immunisée, la pandémie s'arrêtera toute seule. "

Mais en attendant, "elle va infecter des milliers de personnes en France. Et si on ne fait rien, déplore le médecin-réanimateur, selon les estimations, le coronavirus pourrait tuer entre 30.000 et 300.000 personnes en France.”

 
 

Un confinement vital pour épargner les plus fragiles 

En attendant les traitements, le confinement est primordial pour réduire la propagation du virus : “comme 80 % des gens sont asymptomatiques, ils  ne réalisent pas qu’ils sont porteurs du virus. Mais il faut à tout prix éviter qu’ils transmettent le virus aux plus fragiles. La manière la plus simple, c’est donc l’isolement”, martèle Jean-François Timsit.
"Car certaines personnes sont capables de contaminer 20 personnes voire plus, à commencer par sa propre famille qui la transmet à une autre. On les appelle les “super spreaders”...”
 


Impossible de faire plus….

Dans son service de réanimation de l’hôpital Bichat AP HP, Jean-François Timsit a déployé tous les moyens et les ressources humaines possibles pour accueillir le maximum de malades : “ on peut soigner 47 patients contaminés par le covid19. Douze lits supplémentaires seront installés d’ici la fin du week-end. "Impossible de faire plus “, déplore-t-il. 

"On va surement avoir des afflux de malades pendant 3 mois. Les équipes sont déjà épuisées. Nous les médecins, on ne compte pas nos heures, mais on essaye de préserver les journées de repos. Tous les médecins et toutes les infirmières devront travailler très probablement jusqu’à 60 heures par semaine.”


Un appel à des soignants qualifiés

Car chaque jour, les malades se multiplient, de façon exponentielle. Alors, quand il rentre chez lui épuisé, après 15 heures passées à tenter de sauver les vies auxquelles le coronavirus s’est attaqué, Jean-François Timsit est touché par les applaudissements qui résonnent dans Paris pour rendre hommage aux soignants : "c’est très réconfortant. " confie-t-il, ému. 
"Mais, poursuit-il,  "difficile de connaître l’étendue de l’épidémie, de savoir si on aura assez de lits, de matériel, de soignants...” Pour faire face à la déferlante de malades du covid19, l'hôpital Bichat-Claude Bernard lance un appel à des soignants qualifiés pour renforcer ses équipes. 
  

"Quand on verra les courbes s’infléchir, on aura gagné..."

Voir mourir des gens sans pouvoir rien faire, c’est terrible ! Ce n’est pas une ambiance de guerre, mais la situation est très pesanteC'est très dur. Jean-François Timsit s’efforce donc de générer une communication permanente au sein des équipes, afin d'apaiser les tensions.

“Mais certains soignants vont en souffrir pendant des années. Des espoirs se portent donc sur la découverte de nouveaux traitements et sur les effets du confinement. Quand on verra les courbes de contamination s’infléchir, on aura gagné. D’ici 3 semaines , on espère trouver le meilleur traitement antiviral pour le donner à tous.“


 
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