La nouvelle est tombée mercredi 18 mars à Royan, en Charente-Maritime : fermeture de la criée jusqu’à nouvel ordre.
Une décision sans appel, prise en pleine crise sanitaire du coronavirus. Les pêcheurs devront donc se débrouiller seuls, pour aller vendre leurs poissons...
Pour Florence Bernard et son mari Jean Christophe Guillaud, couple de pêcheurs dans la vie comme à la mer, cette décision brutale les a sonnés ! « On a pris un sacré coup sur la tête. On n’est pas en colère mais en plein désœuvrement. L’hiver a été rude pour la pêche avec une succession de coups de vents qui nous ont empêchés de sortir. Je suis matelot et mon mari patron, je n’ai gagné le mois dernier que 123 euros de salaire. Il faut qu’on continue à travailler.
On va faire quoi maintenant ?
Une vraie inquiétude pour ce couple qui pratique une pêche cotière artisanale et respectueuse des ressources. Pas plus de 200 kilos de poissons par jour avec en moyenne 50 kilos par sortie.
S'inspirer du modèle d'une start-up parisienne
Mais pas question de se laisser abattre. Florence veut trouver une solution pour reprendre la mer, pêcher et continuer de distribuer son poisson. Elle confie quecette crise leur a fait prendre conscience de leur trop grande dépendance au réseau des criées :
La vente en circuit court, de gré à gré avec les poissonniers, Florence et Jean Christophe s’y sont mis depuis quelques temps déjà. Outre à la criée de Royan, ils revendent une partie de leur pêche à une start-up parisienne qui a mis en place une distribution de paniers de la mer en région parisienne. La petite entreprise organise, sur abonnement, la revente de poissons frais venus des quatre coins de la France et en moins de 48 heures.Il faut imaginer aujourd’hui pouvoir travailler en circuit plus court. Distribuer notre poisson plus localement. Il faudrait pouvoir le livrer à domicile. Nous savons que la demande est là. Ce sont les grands circuits de distribution qui sont à l’arrêt et nous sommes prisonniers de ce système. Il faudrait pouvoir s’en affranchir un peu, au moins le temps de cette crise. Mais nous ne savons pas encore si nous sommes autorisés à le faire.
Raccourcir les circuits de distribution au maximum
Du poisson issu de la petite pêche côtière, toutes espèces confondues, et acheté à bons prix afin de rémunérer au mieux le pêcheur. Un système vertueux qui valorise la petite pêche artisanale comme celle de Florence et Jean Christophe :Florence explique que cela leur permet de moins puiser dans la ressource et de ne pas cibler qu’une seule espèce. Elle ajoute :On s’est rendu compte que l’on pouvait vraiment valoriser notre pêche. S’affranchir des circuits plus traditionnels de distribution. Notre pêche est revendue fraiche, en moins deux jours sur Paris. On travaille à la journée et de façon qualitative, on remonte le poisson vivant et on nous assure de bons prix toute l’année sur l’ensemble les espèces.
Je suis clairement une pêcheuse écolo.
Mais aujourd’hui, avec la crise du coronavirus ces nouveaux moyens de distributions sont, eux aussi, à l’arrêt. « Il faut que l’on puisse s’inspirer de ce que fait cette start-up parisienne mais à une échelle encore plus locale. Nous trouverons ainsi le moyen de nous en sortir et de maintenir nos activités. Après tout, nous avons notre rôle à jouer dans le maintien d’une activité économique locale. Nous sommes un maillon important, une partie de cette richesse économique. Le maintien d’une activité même réduite permettra aux régions et aux petits pêcheurs de se sortir de cette crise » explique Florence.
Forte de cette conviction, Florence remue aujourd’hui, ciel et terre pour tenter d’obtenir l’autorisation de vendre ses bars, ses soles, ses merlans et merlus, en direct. Elle y consacre toutes ses journées, toute son énergie. Des autorités locales de pêches aux administrations concernées, elle s'adresse à tout le monde pour obtenir une réponse au plus vite. Auront-ils le droit de vendre et livrer à domicile malgré les restrictions de déplacements imposées par la situation de confinement ?
La vente directe comme planche de salut
La mise en place rapide des ventes en direct constituerait sa planche de salut temporaire et pourquoi pas, un vrai projet à plus long terme. Elle en est convaincue, c’est la solution pour tenir aujourd’hui et mieux vivre demain :
En ce quatrième jour de confinement, Florence attend toujours des réponses mais ne perd pas espoir.Nous avons un rôle à jouer maintenant, sans faire de concurrence aux poissonniers. On peut être complémentaire et acheminer, aux gens, du poisson frais. Serons-nous autorisés à livrer oui, ou non ? On n’a pas de camion frigorifique ! Mais notre poisson restera ultra frais si on ne livre que 10 ou 20 personnes dans la journée. On le fait déjà pour nous, nos proches. Peut-on le faire pour d’autres ? D’un point de vue légal nous ne savons toujours pas. C’est un moyen pour traverser la crise mais qui pourrait se pérenniser dans le temps.
Elle, ancienne déléguée médicale, et lui ancien chauffeur routier sont devenus marins pêcheurs sur le tard, par passion. Pour rien au monde, aujourd’hui, ils ne feront une croix sur leur deuxième vie, leur vie de marin...
« Lorsque nous retrouverons l’océan, lorsque nous repartirons, je pourrais continuer de partager chaque jour via ma page facebook « flo d'la mer » notre activité de pêche responsable. Je filme tous les jours mon bureau en plein air, je fais des photos de cet environnement marin, de mon bateau qui est devenu mon quotidien. Le partager permet à tout le monde de comprendre et d’apprendre que la pêche peut être une activité vertueuse. Il me tarde de repartir pour partager encore cette passion »
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