Après un dimanche très agité, dans toute l'île, alors que plusieurs centaines de voyageurs ont vu leur vol annulé ou reporté, les choses sont aujourd'hui revenues à la normale, côté passagers. Pas sans difficultés. Mais le conflit entre les pilotes et la direction n'en est pas pour autant terminé.
"Le dernier vol a quitté Bastia hier à 22H30 avec beaucoup de sièges vides et plus personne n’était en attente de solution dans aucun des 4 aéroports de l’île".
Ce matin, le service communication d'Air Corsica a fait un dernier point, rassurant pour les centaines de passagers qui, hier, ont voyagé d'un aéroport de l'île à l'autre, pour tenter de prendre un avion.
Mais, précise la compagnie aérienne, même si "la capacité mise en œuvre depuis le matin était donc suffisante pour répondre aux besoins immédiats", "des clients ont -de manière fort compréhensible- préféré différer ou annuler leur voyage en raison des retards accumulés".
Jour Joker
Tout cela est parti de ce que l'on appelle le jour "joker". C 'est un jour de congé que l'on peut faire valoir, au dernier moment, lorsque l'on est pilote à Air Corsica.
Un jour de congé qui peut faire des dégâts quand il est posé, en même temps, par 22 des 110 pilotes de la compagnie aérienne. A la veille d'un week-end chargé, mi-septembre, en Corse.
Cette compagnie, elle n'appartient pas aux 22 pilotes qui ne sont pas venus travailler. Elle appartient à la Corse et à tous les Corses.
Luc Bereni
C'est ce qui s'est passé, vendredi 18 septembre dernier, pour le dimanche suivant. Et sans surprise, les conséquences se sont faites sentir sur le trafic aérien dominical. De manière spectaculaire.
Une situation qui avait été, de toute évidence, mûrement réfléchie, et souhaitée, par les pilotes, à l'origine d'une grève qui ne dit pas son nom.
Mauvaise publicité
Luc Bereni, le président du directoire d'Air Corsica, réagissait, hier : "Cette compagnie, elle n'appartient pas aux 22 pilotes qui ne sont pas venus travailler. Elle appartient à la Corse et à tous les Corses. Aujourd'hui, Air Corsica a failli à sa mission. Je voudrais que chacun en prenne bien la mesure et la gravité de la situation et prenne ses responsabilités très vite".
La teneur de la communication de Luc Bereni laisse imaginer que l'heure n'est pas à la concorde au sein d'Air Corsica... Le conflit qui se dessine, et les images des centaines de gens très mécontents bloqués aux guichets d'enregistrement sont embarrassantes .
Revalorisation salariale
Difficile, pour l'heure, de connaître exactement les raisons de ce conflit. Quand on interroge le dirigeant, il répond brièvement : "moi aussi, je vais dire joker..."
Pour autant, une communication du directoire, adressée samedi 17 septembre à tous les personnels navigants techniques, nous fournit déjà quelques pistes.
La direction parle de "mouvement social", lié en majeure partie à "la revalorisation des salaires de base". A ce sujet, les pilotes dénonceraient "l'absence de nouvelles de la direction".
Cette dernière balaie l'argument d'un revers de main, mettant en avant "la politique de la chaise vide" des représentants des syndicats de pilote SNPL et SPAC aux négociations qui se sont tenues au début du mois. "Ce mépris des instances légales en place et ce renoncement à l’esprit de dialogue social franc et direct, qui a toujours prévalu dans l’entreprise, ont été appréciés comme il se doit par les salariés présents et par nous-mêmes".
En l'absence des représentants des pilotes, un accord aurait été trouvé, selon Air Corsica, privilégiant "une prime d'un montant significatif. (...) Ces mesures sont la seule voie possible pour ne pas mettre en péril les équilibres économiques de l’entreprise. A ce titre, elles justifient notre refus de procéder à des revalorisations des salaires de base".
Les dégâts provoqués dans l’opinion publique par un tel comportement ne sauraient profiter à quiconque dans l’entreprise.
Luc Bereni
En conclusion, Air Corsica veut mettre en avant les risques que ferait courir le comportement des pilotes à la compagnie : "Outre les aspects légaux et moraux très discutables d’une telle pratique, les dégâts provoqués dans l’opinion publique par un tel comportement ne sauraient profiter à quiconque dans l’entreprise. Bien au contraire. A moins d’un an du renouvellement d’une DSP que tous les observateurs qualifient de cruciale, tout affaiblissement d’Air Corsica serait immédiatement récupéré par les tenants d’un modèle de desserte aérienne de notre île, totalement différent du nôtre, favorisant la multiplicité des opérateurs, les pavillons étrangers, les bases hors de Corse et une guerre tarifaire permanente".
Dialogue à distance
Il n'est pas dit que cette réponse satisfasse les pilotes mécontents, qui ont fait savoir hier qu'ils feraient connaître leur version de la situation dans la journée.
La teneur de cette communication devrait peut-être permettre d'en savoir un peu plus sur l'état d'esprit des deux parties. Et d'estimer si l'on doit s'attendre à un bras de fer entre la direction et les pilotes dans les prochaines semaines. Un bras de fer qui ne se déroulerait pas sans conséquences sur le trafic aérien entre la Corse et l'extérieur.
La journée du dimanche 18 septembre dernier l'a prouvé de manière spectaculaire...