Après une année marquée par la sécheresse et des records de chaleur, même en hiver, la neige est finalement arrivée en Corse. Cela suffira t-il à garantir la pérennité de la ressource en eau une fois l'été venu ? Rien n'est moins sûr.
Dix centimètres de neige sur le bord de la route, à Vizzavona. Depuis quelques semaines, les reliefs corses ont retrouvé leur manteau blanc : la neige est tombée à moins de 1 000 mètres à certains endroits, et ce durant plusieurs jours.
Au début du mois de février, au plus fort de l'enneigement, à 2 000 mètres, on comptait un mètre cinquante de neige. À 1 500 mètres, soit plus ou moins l’altitude des stations d’Ascu, de Ghisoni ou d’Ese, on en relevait un mètre. Un enneigement modeste, mais déjà meilleur que l’année dernière. À la même période, seuls vingt centimètres de neige recouvraient le sol, à 2 000 mètres d’altitude.
Manteau neigeux
Si l’enneigement permet l’ouverture des stations de ski, est-il suffisant pour garantir une ressource en eau cet été ? Rien n’est moins sûr. Selon Météo-France, ce sont les neiges de novembre et décembre qui sont décisives en Corse. Il faut, par ailleurs, qu’elles s’accompagnent d’une onde de froid suffisante pour permettre au manteau neigeux de se maintenir.
"Lorsqu’il n’y a pas de manteau neigeux, si on a un coup de chaud, un coup de fun ou du sirocco, la neige va fondre très rapidement et arriver très vite sur la mer. Habituellement, on a des périodes de gel, dégel, qui font que le manteau neigeux durcit", indique Yves Guezou, prévisionniste à Méteo-France.
Reste à savoir si les neiges de ce mois-ci et de mars, les plus importantes en termes de quantité en Corse, permettront de stabiliser ce manteau neigeux. Car pour l’heure, l’onde de froid n’est pas au rendez-vous, du moins pas suffisamment pour permettre à la neige de se consolider.
Au 16 février, on ne relève déjà plus de neige à 1 000 mètres, et seulement une soixantaine de centimètres à 1 500 mètres. Il faudra attendre les semaines qui viennent les premiers relevés et analyses de Météo-France.
Huit milliards de mètres cubes
Dans ce contexte incertain, la question de la ressource en eau se pose de manière particulièrement aigüe. Et ce, d’autant plus après une année marquée par une sécheresse importante et des mesures de restriction d’eau qui en ont découlé.
En Corse, huit milliards de mètres cubes de précipitations tombent chaque année. La moitié est absorbée par le sol, et sur les quatre milliards restant, à peine 2% sont destinés à la consommation humaine, entre agriculture et eau potable. Si 60 millions sont prélevés pour produire l’hydroélectricité, tout le reste va à la mer.
Les barrages, une solution ?
Comment faire pour retenir cette eau ? La solution pourrait venir des barrages. Pour certains, comme le chef de file de Core in Fronte Paul-Félix Benedetti ou le maire de Porto-Vecchio Jean-Christophe Angelini, il faut en construire un petit nombre, sur les fleuves les plus importants de l’île. Pour d’autres, il en faut de plus modestes, mais plus nombreux, comme le préconise l’hydrobiologiste Antoine Orsini.
Sur l’île, la gestion de l’eau est doublement planifiée : par le SDAGE, schéma adopté par la Collectivité de Corse en 2021, et le plan Acqua Nostra 2050. 500 millions d’euros ont été investis via ce plan pour adopter une politique de l’eau en Corse et mettre en œuvre des projets structurants.
500 millions, soit justement le prix d’un petit barrage.
Retrouvez la chronique de Jean-Philippe Mattei sur la ressource en eau dans l'Ochjata du 3 février :