Facteurs, auxiliaire de vie, épicier : certaines activités, incompatibles avec le télétravail, sont aujourd’hui encore exercées comme avant le Covid-19. Ou presque.

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Il a tendu le colis du bout de ses doigts gantés, comme s’il était brûlant; avec un sourire aimable, mais en prenant bien soin de rester le plus loin possible de la porte entrouverte de l’appartement. La situation était étrange, d’autant plus ce n’était pas le même homme que d’habitude, mais ce facteur-là avait parfaitement raison. Apporter le courrier en ces temps difficiles impose d’intégrer ces précautions; elles font partie du job.

« Nous avons des consignes" explique Pierre-François Bonanno, délégué CGT de la poste à Bastia : "Aucun contact avec la clientèle. Nous ne sommes pas obligés de monter dans les étages, et nous pouvons laisser les colis devant la porte ».
 


 

Contacts limités

La trentaine de facteurs qui travaille en ce moment à Bastia a été équipée de gants et de gel. « Avec ces mesures, certains sont sereins, d’autres restent très inquiets ». C’est la raison pour laquelle une nouvelle organisation est en train de se dessiner; elle pourrait prendre corps dès lundi prochain. « La moitié de l’effectif prendra son service à 6 heures du matin pour trier le courrier, l’autre moitié à 9 heures de façon à ce que les facteurs se côtoient le moins possible dans leur espace de travail. C’est ce que nous avons demandé  ».

Il y a eu tellement de monde le matin qu'avec ma collègue, on n’a même pas eu le temps de boire un café 


Limiter les contacts, c’est aussi la règle dans cette épicerie du centre-ville. Au rayon primeurs, ce vieil homme qui touche les bananes une à une à main nue, comme pour mieux les évaluer, les condamne sans nul doute à ne pas être achetées, en tout cas, par aucune des personnes qui assistent à la scène.

À la caisse, le jeune employé porte un masque et des gants. Avec ses collègues, il s’emploie poliment à réguler l’affluence dans le magasin. Au-delà d’une poignée de clients, la porte est fermée. Hier, « il y a eu tellement de monde le matin, qu'avec ma collègue, on n’a même pas eu le temps de boire un café ! ». Malgré les gestes barrières et les équipements, le stress est là, en tapinois, qui accompagne chaque minute de la journée de travail.
 



Garder le moral

Ce stress du travailleur, chacun le gère comme il peut. Cette auxiliaire de vie est ainsi bien décidée à garder le moral. Depuis 23 ans, Amal aide les familles de la région bastiaise. Aujourd’hui comme hier. « Je m’occupe de personnes handicapées, vulnérables. Souvent, elles vivent seules et n’ont personne. Même ceux qui ont de la famille, en ce moment, elle ne vient pas. Donc leur seule visite, c’est l’infirmière et moi ».
 
Pour faire son travail, Amal a reçu de son employeur des gants et des masques. « Il en faut beaucoup ! Je porte des gants dans la rue, quand j’arrive chez les gens, je les retire, je me lave les mains, je mets une paire de gants propres et je jette soigneusement les anciens. A chaque fois ! C’est important, car dans mon travail, je dois déplacer les personnes handicapées, donc les toucher, on est corps et corps. Travailler avec le masque, c’est étouffant, mais c’est indispensable ».
 

Travailler avec le masque, c’est étouffant, mais c’est indispensable


Pour circuler, cette auxiliaire de vie ne doit pas se séparer de sa carte professionnelle et de son attestation, renouvelée chaque jour. Et elle circule beaucoup. « J’ai plus de travail que d’habitude car certaines de mes collègues ont dû s’arrêter pour garder leurs enfants. Moi, je garde ceux de personnel médical. Pour les occuper, j’ai ressorti des jeux d’avant que j’avais gardé : mikado, scrabble, monopoly, pour eux, ça change ». Et de conclure : « Je touche du bois, jusqu’ici, tout va bien ».
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