Après un dimanche très compliqué pour Air Corsica, alors qu'un mouvement des pilotes a provoqué reports et annulations de vols en série, le ton reste ferme, mais Luc Bereni, le président du directoire, veut voir des signes d'apaisement.
Deux jours après les turbulences de dimanche dernier, Luc Bereni, le président du directoire d'Air Corsica, veut voir les choses du bon côté : "ce matin, lors du CSE [Comité social et économique - NDLR] de septembre, un CSE prévu de longue date, tous les représentants de toutes les catégories de personnel étaient présents. Y compris les pilotes. Je veux voir cela comme un signal positif, après leur absence des NAO [négociations annuelles obligatoires - NDLR] de la semaine dernière. j'y tiens beaucoup, par rapport à l'équité due à tous les membres de l'entreprise, parmi lesquels je n'établis aucune hiérarchie".
Un signe de dégel, après les tensions des derniers jours ? Voire. Ce matin, à aucun moment, les attentes des pilotes, concernant des problèmes d'effectifs, et des revendications salariales n'étaient pas à l'ordre du jour.
Et Luc Bereni, à ce sujet, est clair : "la négociation pour les salaires 2022 est close. Il y avait une instance pour cela, et même si les représentants des pilotes avaient quitté la table, elle a été au bout. Il faut respecter l'accord qui a été conclu, et qui, de surcroît, me semble assez favorable pour une année d'inflation, avec une prime de 3.000 euros. Pas question de revenir sur quelque chose qui a eu lieu, ce serait trahir les représentants du personnel qui sont allés au bout de la négociation. Mais si nos chers pilotes ont d'autres sujets à traiter, chacun doit mettre sa fierté de côté, et les discussions pourront avoir lieu très vite, comme elles ont toujours eu lieu".
Dégel ou simple pause ?
L'entretien avec Romain Subrini, publié ce matin par nos confrères de Corse-Matin, laisse néanmoins imaginer que le retour à la concorde n'est pas pour tout de suite. Le représentant du syndicat des pilotes SPAC y affirme que "80 % des pilotes suivent le mouvement. Il s'agit d'une fronde, et non de quelques délégués qui attisent le feu pour d'obscures raisons. Les pilotes ne s'instrumentalisent pas".
En tout, Air Corsica compte 110 pilotes. Et dimanche, lors du mouvement, impulsé de manière originale, qui a provoqué une panique peu commune dans les aéroports de l'île, ils étaient 22, sur 48 pilotes prévus, à ne pas s'être présentés, ayant posé un jour de repos impromptu le vendredi précédent.
La plupart des rotations assurées par les pilotes qui ont assuré les vols concernaient Nice et Marseille, le bord à bord qui doit être assuré quoi qu'il en soit, afin de garantir les voyages pour raison médicale.
Et selon Romain Subrini, les pilotes subiraient un traitement particulier, et cela ne daterait pas de 2022 : ils auraient dû faire face par le passé à une baisse d'augmentation annuelle qui aurait épargné les autres métiers, et aujourd'hui, "la masse salariale a été augmentée sur certains métiers, nous sommes très contents que certains aient eu une revalorisation, elle est probablement juste, mais la nôtre l'est également".
Concernant les négociations passées avec la direction, SNPL et le SPAC (majoritaire), les deux syndicats mobilisés proposent une tout autre lecture que la direction, et dénoncent le silence persistant que la direction d'Air Corsica oppose à leurs demandes, depuis de longs mois.
On le voit, même si le dialogue aurait repris ce matin lors du CSE, le ciel n'est pas vraiment dégagé à Air Corsica, d'autant qu'on se demande, au vu des déclarations des différentes parties, comment le combat mené par les pilotes est vu par les autres employés de la compagnie...
Déstabilisation
Plutôt inquiétant, alors que se dessine à l'horizon le renouvellement de la Délégation de Service Public, pour la période 2024-2027, décrite comme "cruciale" par Luc Bereni. Le chaos, très médiatisé, des derniers jours, fait désordre, et le directoire le voit comme "une action délibérée de déstabilisation de l'entreprise, et de perturbation du service dû à ses clients".
Une accusation que les pilotes mécontents balaient d'un revers de main, en affirmant qu'ils n'ont "jamais, en trente ans d'existence de l'entreprise, fait grève". Et que c'est Air Corsica qui a fait montre de son incapacité à faire face à la situation, en affrétant rapidement des avions de remplacement.
Luc Bereni voit les choses autrement. "Notre capacité à trouver des avions dans un délai aussi court témoigne de notre savoir-faire en matière de gestion des crises, même si tout n'a pas été parfait. Personne, parmi nos clients, n'a passé la nuit sur la banquette d'un des quatre aéroports de Corse, comme on l'a vu récemment... Bien sûr, nos clients ont connu une journée très difficile, d'aéroport en aéroport, et j'en suis profondément désolé. Mais dimanche, à 23 heures, nous considérions avoir tant bien que mal sauvé l'essentiel."
Après ce qui s'est passé dimanche, je vais rester prudent.
Luc Bereni
Les pilotes, que nous avons essayé de joindre ce matin, une nouvelle fois sans succès, semblent envoyer des signaux pour le moins divers. S'ils ne manquent pas, nous l'avons vu, de rappeler qu'ils n'ont jamais fait grève, les syndicats préviennent la direction que, si elle ne fait pas un geste, cela pourrait changer très prochainement...
Luc Bereni, de son côté, veut voir dans la reprise du dialogue à travers le CSE un point encourageant. "Mais après ce qui s'est passé dimanche, je vais rester prudent..."