Le président de l'Assemblée de Corse invite l'exécutif à saisir les services juridiques pour "contraindre l'ARS" à commander un nombre massif de tests de dépistage et de chloroquine, molécule au centre d'un protocole de traitement de la maladie.
Dans la lutte contre la pandémie de Covid-19, et connaissant les risques que le virus peut représenter en Corse du fait de son insularité, Jean-Guy Talamoni, président de l'Assemblée de Corse, trouve ce dimanche des inspirations du côté des Outre-mers.
Et plus précisement en Guadeloupe. Le tribunal administratif de l'île a enjoint, samedi 28 mars, sur requête du syndicat UGTG (union générale des travailleurs de Guadeloupe), l'Agence de santé et le Centre hospitalier universitaire régionaux à passer commande de 200.000 tests de dépistages du coronavirus (correspondant ainsi à la moitié de la population guadeloupéenne) et de doses "nécessaires au traitement" de la maladie "par l’hydroxychloroquine et l’azithromycine, comme défini par l’IHU Méditerranée infection pour 20.000 patients".
Une décision motivée par la "propagation très rapide du virus" dans la région, soumise à des carences sévères dans ses services de réanimation.
Lire l'ordonnance n°2000295 du tribunal administratif de Guadeloupe
"Les intêrets de la Corse sont lourdement en jeu"
Pour Jean-Guy Talamoni, la Corse doit maintenant adopter une démarche similaire. Dans une lettre datée de ce dimanche 29 mars, il encourage ainsi le président du Conseil exécutif de Corse, Gilles Simeoni, à faire en sorte, "au titre des prérogatives qui sont les siennes", que la Collectivité de Corse engage "sans tarder une action dans le même sens compte tenu de l'urgence et des perspectives particulièrement alarmantes notamment exposées par le collectif Anti-Covid-19".Suite à une décision du tribunal administratif de Guadeloupe, statuant en référé pour contraindre l'ARS à commander tests de dépistage et chloroquine, j'ai écrit ce matin la lettre suivante au Pdt du Conseil exécutif pour lui demander d'engager une procédure similaire. pic.twitter.com/N5rNH3X6UY
— Jean-Guy Talamoni (@JeanGuyTalamoni) March 29, 2020
Le président de l'Assemblée de Corse a reçu réponse à sa demande dans le courant de l'après-midi. Dans une note, le président de l'exécutif lui a indiqué son intention de saisir les services juridiques pour estimer de la "faisabilité de la démarche".
Il faut agir, et agir vite. La Corse est en première ligne dans cette pandémie, et nous sommes extrêmement inquiets.
"Pour moi cette faisabilité ne fait aucun doute" estime Jean-Guy Talamoni. Il le martèle : dans cette affaire, "les intérêts de la Corse sont lourdement en jeu". "Il faut agir, et agir vite. La Corse est en première ligne dans cette pandémie, et nous sommes extrêmement inquiets."
Généralisation des tests et extension de la prescription de chloroquine
Vendredi 27 mars, lors de la Conférence des présidents - élargie aux présidents du Conseil exécutif et du CESEC, ainsi qu'aux Vice-présidents de l'Assemblea di a Giuventù - "nous avons adopté une déclaration commune", rappelle Jean-Guy Talamoni. Celle-ci est axée sur deux points : la généralisation des tests de dépistage sur l'île, et la possibilité d'étendre le cadre de prescription de la chloroquine, au delà des patients se trouvant dans un état avancé de la maladie. Je ne suis pas médecin, et la majorité de ceux qui ont validé notre décision vendredi lors de la Conférence des présidents ne le sont pas non plus. Mais nous agissons sur les conseils de ces derniers.
Des mesures définies sur la base d'indications fournies par Anti-Covid-19 Corsica. Fondé le dimanche 22 mars dernier, le collectif, présidé par le professeur de l'Université de Corte Antoine Aiello, a depuis été rejoint et co-signé par plus de 12.000 personnes. Parmi lesquelles, notamment, "l'ensemble des praticiens et scientiques" insulaires.
Des spécialistes auxquels le président de l'Assemblée de Corse assure accorder toute sa confiance."Je ne suis pas médecin, et la majorité de ceux qui ont validé notre décision vendredi lors de la Conférence des présidents ne le sont pas non plus. Mais nous agissons sur les conseils de ces derniers."
"Nous avancons avec beaucoup d'humilité. Il s'agit d'une situation de crise, et nous savons que partout, tout le monde essaie de bien faire" précise le président de l'Assemblée de Corse. "Mais nous devons faire pression sur Paris pour obtenir le matériel nécessaire : masques, tests, et traitements. Car aujourd'hui, il y a urgence : il s'agit d'épargner des vies humaines."
Appel soutenu
L'appel de Jean-Guy Talamoni, relayé sur ses réseaux sociaux, a reçu nombre de soutiens parmi les élus politiques insulaires.Ainsi, pour Jean-Christophe Angelini, l'ordonnance du tribunal administratif guadeloupéen, et à sa suite l’initiative politique du président de l’Assemblée de Corse, "nous indiquent encore davantage la voie à emprunter. Au seuil d’une semaine cruciale, la Corse doit bénéficier de tous les moyens pour protéger son peuple."
L’ordonnance du T.A de la Guadeloupe, et à sa suite l’initiative politique du Psdt de l’Assemblée de Corse, nous indiquent encore davantage la voie à emprunter. Au seuil d’une semaine cruciale, la Corse doit bénéficier de tous les moyens pour protéger son peuple. #Covid_19 pic.twitter.com/g6cxDQEAYL
— Jean-Chri. ANGELINI (@JC_Angelini) March 29, 2020
Petru Antone Tomasi, président du groupe Corsica Libera, estime de son côté qu' "eu égard à des conditions objectivement similaires" à la Guadeloupe - c'est-à-dire un manque de lits en réanimation, de matériel de protection, mais également des difficultés d'évacuations sanitaires, et des délais importants d'acheminement du matériel médical -, "la Corse doit faire valoir les mêmes principes de précaution et de droit au respect de la vie".