Depuis le début de la crise du Coronavirus, en Corse comme ailleurs, les agences régionales de santé sont le lien entre le ministère de la Santé et les territoires.Ce rôle permet à ces établissements publics de faire oublier certaines de ses décisions, parfois contestées par les élus locaux.
Le grand public a fait connaissance avec cet acronyme de trois lettres, à l’occasion de l’épidémie de Coronavirus. ARS, pour agence régionale de santé, une structure pratiquement inconnue pour la majorité des gens, dont le rôle et le fonctionnement n’étaient connus jusqu’alors que des professionnels de santé et des élus.
Le premier avril dernier, les 13 ARS de France fêtaient leurs 10 ans d’existence. Ces établissements publics de l’Etat, en charge de la mise en œuvre de la politique de santé dans chaque région, ont été créés le 1er avril 2010, par la loi dite HPST, pour hôpital, patients, santé et territoire. Les ARS sont les yeux et les oreilles du ministre de la Santé sur l’ensemble du territoire, elles veillent à la bonne gestion des dépenses hospitalières et médicales.
‘Guérison’, l’anagramme de ‘soigneur’
Chaque soir, en fin d’après-midi depuis le début de la crise sanitaire, la directrice de l’ARS de Corse adresse aux médias le bilan journalier de l’épidémie de Covid-19. Ces chiffres sont toujours un peu anxiogènes, très attendus, ils donnent une vision spectrale de l’évolution de l’épidémie sur le territoire: les nouveaux cas, le nombre de malades en réanimation, le nombre de décès. Les 13 agences régionales de santé sont donc devenues des interlocuteurs incontournables, des interfaces entre la population et les médias.
Souvent critiquées pour leur bureaucratie galopante, les agences régionales de santé ont bousculé le fonctionnement des établissements hospitaliers. Notamment en confiant aux directeurs d’hôpitaux, les pouvoirs et prérogatives autrefois dévolus aux médecins et aux chefs de service. Plusieurs syndicats de médecins et fédérations hospitalières ne se privent d'ailleurs pas de dénoncer une approche économique de la santé de la part des ARS, une vision parfois déshumanisée selon eux.
Le limogeage lors du conseil des ministres, mercredi 8 avril, de Christophe Lannelongue, le directeur de l’agence régionale de santé du Grand-Est, vient donner du crédit aux détracteurs des ARS. En pleine crise sanitaire, alors que les hôpitaux de la région sont à genoux, le haut fonctionnaire avait déclaré que le plan de restructuration de l’hôpital de Nancy, qui prévoit des suppressions de lits et d’emplois serait maintenu après la crise.
La pyramide hiérarchique
Les directeurs généraux des 13 ARS, sortes de préfets sanitaires, disposent de pouvoirs très étendus, puisqu’ils accordent les autorisations des établissements et services de santé et sont ordonnateurs des recettes et dépenses. Le conseil de surveillance de chaque ARS est composé de 24 membres, autour du préfet de région, on trouve des représentants de l’Etat, des usagers, de l’assurance maladie et des collectivités locales.
La cohabitation entre les ARS et les élus connait souvent des poussées de fièvre. Il y a cinq ans, les sénateurs Jacky Le Menn et Alain Milon, dénonçaient dans un rapport d’information : "Un fonctionnement en tuyaux d’orgue, avec insuffisamment de coordination". L’organisation verticale, et descendante de l’Etat vers les territoires fait régulièrement bondir les élus. Quand une ARS ferme une maternité, les maires sont en première ligne face à l’incompréhension de la population.
Les ARS sont-elles un second pouvoir, ou un bouclier qui protège le ministre de la Santé ? Cette question sera probablement au centre des débats, quand, après l’épidémie, sonnera l’heure des comptes et des explications.