Presque 53 ans après les faits, les proches des victimes du crash de la caravelle Ajaccio-Nice attendent toujours de consulter les archives secret-défense. Si un courrier a bien été adressé à l'association des familles des victimes, les avancées restent encore "insuffisantes", selon son président.
"On ne peut pas dire que ce soit une bonne nouvelle, mais c'est un frémissement qui va, peut-être, ou du moins on l'espère, dans la bonne direction." Presque 53 ans après le crash de la caravelle Ajaccio-Nice, le 11 septembre 1968, Mathieu Paoli, président de l'association des familles victimes de la catastrophe, entend toujours "faire reconnaître ce qu'il s'est réellement passé".
Un combat mené jour après jour, afin "d'honorer les 95 personnes décédées", dans ce qui a été l'une des pires catastrophes de l'aviation civile française. Et pour lequel l'association réclame, depuis plusieurs années, la déclassification des documents couverts par le secret de la Défense Nationale.
Le 12 juillet dernier, Mathieu Paoli avait réitéré cette demande dans une lettre adressée au président de la République.
Pour consulter le courrier de Mathieu Paoli au président de la République le 12 juillet 2021
Le courrier a finalement reçu réponse le 24 août. Patrick Strozda, directeur de cabinet du président de la République, y indique ainsi qu'Emmanuel Macron est "attentif", et "pleinement conscient [des besoins de l'association] de connaître les circonstances exactes ayant conduit à ce drame".
Et précise : "la déclassification "au carton" de documents de plus de 50 ans couverts par le secret de la Défense nationale est d'ores et déjà appliquée, et cela vaut également pour les documents relatifs à cet accident. Aussi, dès la promulgation du projet de loi relatif à la prévention d'actes de terrorisme et au renseignement, qui est en cours d'examen au Parlement, les documents classifiés relatifs à ce dossier seront automatiquement communicable dans les conditions prévues par le droit commun, sans mesure de déclassification préalable."
Pour consulter la lettre du directeur de cabinet du chef de l'Etat à Mathieu Paoli, le 24 août 2021
L'attente d'un calendrier précis
"C'est un petit quelque chose, concède Mathieu Paoli, mais c'est encore une fois des paroles sans précisions." Car pour l'association, plus qu'une promesse de déclassification, c'est une date précise qui doit désormais être annoncée.
"On aurait souhaité qu'on nous dise, voilà, les documents seront déclassifiés dans six mois, et vous pourrez y avoir accès. Aujourd'hui, cela reste encore trop vague, et nous n'avons même pas l'assurance que ce seront les bons documents qui seront déclassifiés", soupire le président du collectif des familles des victimes.
Peut-être attendent-ils que moi aussi je disparaisse, et que les membres derrière ne poursuivent pas le combat, pour dire que finalement "voilà, plus besoin de leur donner les documents".
Des lenteurs administratives qui questionnent lourdement, selon Mathieu Paoli. "Cela fait déjà 53 ans que nous patientons sur le sujet, et certaines personnes de l'association nous ont quittées. Peut-être attendent-ils que moi aussi je disparaisse, et que les membres derrière ne poursuivent pas le combat, pour dire que finalement "voilà, plus besoin de leur donner les documents". On a le sentiment qu'on nous fait un peu tourner en bourrique."
Version officielle contestée
En tout état de cause, le président de l'association l'annonce, "aussi longtemps que je vivrai, je ne lâcherai pas. Moi, j'ai perdu mes parents. Certains ont perdu leurs enfants, un frère, une soeur. On souhaite tous pouvoir enfin faire correctement notre travail de deuil, en obtenant la reconnaissance de ce qu'il s'est passé."
Dans ce drame, la version officielle a toujours évoqué un accident pour cause du crash de la caravelle en mer au large du Cap d'Antibes, 3 minutes seulement avant son atterrissage prévu à Nice, ne laissant aucun survivant. L’enquête technique avait conclu à un incendie à bord suivi d'une perte de contrôle de l'appareil.
Une thèse contestée depuis le début par les familles des victimes, qui parlent elles d'un tir de missile accidentel de l'armée qui aurait endommagé l'arrière de l'avion.
On ne demande pas d'argent, on veut juste que la vérité soit reconnue.
Une hypothèse travaillée depuis des décennies par les membres de l'association, et notamment les frères Louis et Mathieu Paoli, qui affirment disposer "de plus de 100 témoignages accablants et véritables", dont ceux d'un ex-militaire et d'un acien technicien de l'ORTF. Problème, la classification des documents secret-défense ne permet pas, aujourd'hui, de confirmer cette thèse.
"On ne demande pas d'argent, on veut juste que la vérité soit reconnue. C'est ça qui est important pour nous", souffle Mathieu Paoli.
Le 53ème anniversaire de la catastrophe sera célébré à Nice puis à Ajaccio les 10 et 11 septembre prochains. Des cérémonies pour lesquelles l'association "compte sur la présence d’Emmanuel Macron pour la première fois ou sur celle d’un représentant de l’État", en parallèle d'avancées significatives sur le dossier.