À la demande des professionnels, la préfecture de Corse a pris la décision de réduire de deux mois la période de pêche des oursins. Leur prélèvement sera autorisé du 15 février au 15 avril 2024. Pour le comité régional des pêches de Corse, cette première étape doit amener à une interdiction de pêcher cette espèce marine pendant trois ans.
De quatre à deux mois de pêche.
La préfecture de Corse a réduit la période de prélèvement des oursins : si l'an passé, elle avait débuté le 15 décembre, elle ne commencera cette année qu'à partir du 15 février pour se terminer le 15 avril.
"Face à la raréfaction de la ressource, et afin d’améliorer la durabilité de cette pêche tant récréative que professionnelle en préservant le stock, une nouvelle réglementation prévoit sur l’ensemble du littoral de nouvelles dates d’ouvertures et de nouveaux quotas de prises", ont expliqué les services de l'État dans un communiqué.
Le reportage de Paul Salort, Guillaume Leonetti et Stéphan Regoli :
Si cet arrêté préfectoral est accueilli favorablement par le comité régional des pêches, ce dernier demande une fermeture de la pêche aux oursins pendant trois ans.
Pêcheur professionnel installé à Bonifacio et président de la commission oursins au sein du comité, Maxime Bianchini revient sur cette décision de la préfecture.
France 3 Corse : La préfecture de Corse a décidé de réduire la pêche aux oursins de deux mois par rapport aux années précédentes. Elle sera donc autorisée pour les pêcheurs professionnels et les plaisanciers du 15 février au 15 avril prochains. Comment accueillez-vous la nouvelle ?
Maxime Bianchini : Cette décision a été prise à la demande des pêcheurs professionnels. Nous avons demandé une diminution de la période de pêche des oursins, car la ressource est actuellement au plus bas. La commission des oursins des pêcheurs professionnels s’est donc réunie afin de diminuer, dans un premier temps, la période de deux mois.
À ce jour, dans toute la Corse, on ne peut plus continuer à pêcher des oursins pendant quatre mois. On n’est pas au niveau zéro, mais il n’y en a plus assez qui ont la taille réglementaire de cinq centimètres. On ne peut donc plus continuer sur le modèle que l’on avait auparavant.
L’an passé, les pêcheurs professionnels étaient autorisés à prélever 500 douzaines par semaine durant quatre mois. Le quota sera-t-il le même pour la prochaine saison ?
À ce jour, pour nous, rien n’a changé. Pour les plaisanciers, la préfecture a pris l’initiative de réduire à deux douzaines par jour et par personne (avec un maximum de sept douzaines au-delà de trois personnes, ndlr). L’an passé, la réglementation était de trois douzaines par personne. Concernant les plaisanciers, ce n’était pas une demande du comité des pêches.
Cette décision préfectorale prouve que vous avez été entendu par les services de l’État quant à la raréfaction de la ressource. Est-ce cependant suffisant ?
On voit que la préfecture nous a écoutés et donc suivis. Dans un premier temps, on avait demandé pour cette année une diminution de deux mois. Néanmoins, ce que nous avons décidé, nous autres pêcheurs d’oursins en Corse, c’est la fermeture pendant une période de trois ans à partir de l’année prochaine. Les services de l'État nous ont fait comprendre qu’il fallait d’abord diminuer la période. Après, on verra l’année prochaine pour la fermeture de la pêche. Cela a été cependant acté par les pêcheurs professionnels.
Vous étiez tous d’accord sur ce point ?
Cela a été un peu compliqué et on a donc fait un vote. Après, il faut savoir que fermer les oursins en plein hiver, ce n’est pas rien sur le plan économique. Les pêcheurs vont donc faire un gros effort financier.
Y a-t-il des secteurs du littoral plus impactés que d’autres ?
Il y a quelques années, la diminution de la ressource a commencé par le Cap Corse et le secteur de Bastia. L’espèce s’est vraiment raréfiée sur cette zone. Du coup, la demande d’oursins sur la région bastiaise s’est reportée sur les autres régions de l'île. Dans le sud, nous n’avions pas de demandes pour ces régions-là et nous nous sommes donc retrouvés à les fournir. Il y a donc eu un déséquilibre. Après, la diminution de la ressource ne concerne pas que cette espèce.
Pourquoi ne pas vouloir fermer certaines zones plutôt que l'ensemble du littoral de la Corse ?
C’est très compliqué. On aurait pu aussi diminuer les quotas, mais à partir du moment où on laisse la pêche ouverte, il est très difficile de contrôler. Il y a tellement de kilomètres de côtes en Corse que l’on ne peut pas avoir un agent tous les cent mètres. On le voit depuis une vingtaine d’années, il y a eu des abus de toutes sortes, que ce soit chez les professionnels ou chez les plaisanciers. On a donc demandé une fermeture totale, car c’est plus facile à contrôler. Cela permettra également de faire revenir le stock d’oursins.
La diminution de la ressource n’est pas un phénomène nouveau. Comment expliquez-vous qu'elle ait été plus significative l'an passé ?
L'an dernier, ce qui a été fatal pour nous, c’est surtout la canicule de l’été. Car même si on prélevait des oursins tous les ans, on avait à chaque fois un renouvellement de la ressource ; même si elle diminuait, on arrivait toujours, notamment à la prud’homie de Bonifacio, à pêcher pendant 3 ou 4 mois. L’an dernier, quand on a commencé la saison, on s’est aperçu que ce ne serait plus le cas. L'eau était montée à une température trop élevée durant plusieurs mois. Les oursins constituent une espèce très fragile. On trouve les plus gros stocks d'oursins entre 1 et 5/6 mètres d'eau. C’est une pêche ouverte à tout le monde, aux professionnels, aux plaisanciers. On devait donc arriver à cette situation-là un jour ou l’autre. C’est pour ça qu’on a accéléré les choses avec les services de l'État.
Sur le plan politique, quels sont vos leviers au niveau régional ?
Aujourd’hui, nous sommes un peu seuls et nous ne sommes pas très écoutés. Cela fait des décennies que l'on revient à chaque fois à la charge. Nous sommes un peu délaissés. C’est parfois dur d’avoir des rendez-vous. Concernant l’oursin, on s’est pris en main. Cela a été fait par les pêcheurs et les services de l’État.
En demandant une fermeture de la pêche pendant 3 ans - ce qui est déjà expérimenté dans quatre zones, dites de jachère, du parc marin du Cap Corse -, cela permettrait-il vraiment aux stocks de se reconstituer ?
Cela a été compliqué pour nous de le faire comprendre, même aux pêcheurs. Je le répète : fermer, c'est lourd sur le plan économique. Mais je pense que c'est la meilleure solution pour que l'espèce revienne. De plus, ce serait une première. Cela va nous permettre de voir si ce sera bénéfique ou non. Après, on verra bien. La Sardaigne a fermé la pêche. D’après les retours que l’on a, les oursins seraient bien revenus et de manière naturelle. Cela peut être un bon modèle.