La dernière rencontre de la saison, entre l'ACA et l'OM, a donné lieu à de nombreux débordements durant deux jours. Et des questions se posent sur un possible manque d'anticipation de la part des autorités, alors que plus de 500 Marseillais étaient attendus. Pour le ministre de l'intérieur il n'y a pas eu d'erreur d'organisation.
La réponse, de prime abord, semble évidente. Les responsables des incidents des deux derniers jours, ce sont les supporters des deux camps qui, en marge de la rencontre ACA-OM, se sont livrés à une série d'actes condamnables.
Jets de projectiles, destruction de biens, Insultes, coups... À destination des supporters adversaires et des forces de l'ordre, mais également à l'encontre de tous ceux qui se trouvaient sur leur passage. Hommes, femmes, enfants, à l'image de ce jeune garçon malade qui a vu son père molesté sous ses yeux, et dont on a brûlé le maillot parce qu'il était aux couleurs de l'OM.
L'un de nos confrères, journaliste caméraman, a également été agressé à la fin du match par des supporters marseillais, libres de toute surveillance policière, à quelques centaines de mètres du stade de l'ACA.
Mais ces débordements de violence soulèvent une autre question : celle de l'encadrement de tels déplacements de supporters, et de la sécurité des populations.
Match à risque
Il faut décidément connaître bien peu de choses aux réalités du football moderne et du monde des ultras pour penser que seuls les matchs recelant un quelconque enjeu sportif doivent être considérés comme des matchs à risque. D'autres choses sont à prendre en compte, telles que les antécédents entre les clubs, l'animosité entre les groupes de supporters, les provocations sur les réseaux sociaux, les revanches à prendre sur un déplacement précédent...
Alors, c'est vrai, l'OM n'avait plus rien à attendre de cette fin de championnat, et l'ACA, de son côté, se savait déjà condamné à la relégation depuis plusieurs semaines. Mais pour ce dernier match de la saison, à François-Coty, les signaux étaient néanmoins au rouge.
Gérald Darmanin défend l'organisation du déplacement
Pour le ministre de l'intérieur il n'y a pas eu d'erreur d'organisation. La prefecture de Corse qui avait prévu un point presse vendredi 9 juin pour revenir sur la gestion de cette rencontre l'a annulé ce jeudi 8 juin au lendemin des déclarations de Gerald Darmanin à l'issue de la rencontre avce les élus corses à Paris.
La position de Gérald Darmanin, ministre de l'Intérieur :
Impréparation
Stéphane Sbraggia, le maire d'Ajaccio, avait fait remonter ses inquiétudes à la préfecture dès le vendredi 26 mai, alors que "plusieurs centaines de Marseillais étaient attendus, dont une partie dès la veille du match".
"Parmi ces supporters", rappelait la municipalité dans un communiqué de presse publié hier, "un grand nombre avait été identifié comme se déplaçant à Ajaccio sans solution d'hébergement ni billet pour assister au match".
La semaine dernière, le directeur de cabinet du maire, Antoine Maestrali, avait visité le palais Lantivy à quatre reprises, afin d'obtenir l'interdiction de déplacement des supporters marseillais, comme cela est parfois le cas, à travers la France, pour de nombreux clubs, durant la saison. En vain, alors même que les alertes avaient été données, à en croire le maire d'Ajaccio, par les services de l'Etat...
Ces informations venaient des services de l'Etat, et de surcroît, on a eu des précédents par le passé... Pour résumer, on nous a annoncé des tensions, et on a laissé la porte ouverte...
Stéphane Sbraggia
Deux arrêtés municipaux avaient été pris, jeudi 1er juin, afin, au moins, d'interdire aux supporters marseillais ayant fait le déplacement de pénétrer dans le centre-ville d'Ajaccio, et d'y consommer des boissons alcoolisées sur les voies, places et espaces publics durant le week-end.
Des mesures qui se sont vite révélées insuffisantes. Vendredi 2 juin, peu avant 21 heures, des affrontements éclataient entre Ajacciens et Marseillais rue Fesch... Sur place avec les forces de l'ordre et les pompiers, Stéphane Sbraggia, constatant que la situation menaçait de devenir hors de contrôle, tentait de faire dérouter le bateau qui devait débarquer le lendemain, avec 200 supporters marseillais à son bord. Il réclamait également au préfet de Région et aux représentants du ministère de l'Intérieur en Corse de faire annuler le match ACA-OM du lendemain.
Deux démarches qui sonnaient comme des vœux pieux, tant elles n'avaient aucune chance d'aboutir aussi tardivement...
Tard dans la nuit
De son côté, la préfecture publiait un arrêté interdisant aux supporters marseillais de se déplacer à Ajaccio ou Grosseto-Prugna. L'arrêté était publié durant la nuit de vendredi à samedi, ce qui en dit long sur l'urgence et la précipitation qui ont dû présider à cette décision...
En conséquence de cet arrêté, les supporters qui débarquaient, samedi matin, au port d'Ajaccio étaient escortés jusqu'à la plage du Ricanto, pour y passer la journée, sous surveillance, avant de rejoindre le parcage qui leur était réservé à François-Coty.
Et là, malgré un encadrement des forces, les choses ont de nouveau dégénéré. Et le bilan, au vu des images, aurait pu être encore plus lourd...
Valse-hésitation de l'Etat
Du côté de l'Etat, on estime que les autorités ne sont coupables d'aucune défaillance, ainsi que l'a déclaré Michel Tournaire, coordinateur des forces de sécurité en Corse. "Nous avons organisé comme prévu un certain nombre de réunions préparatoires, avec l'ACA, l'OM, et la mairie d'Ajaccio. Et nous avons établi de concert la marche à suivre pour cette rencontre".
Selon lui, c'est au niveau national, et pas le local, que se prend la décision d'interdire les supporters de déplacement. "Ce sont des décisions exceptionnelles, lorsqu'il y a des antagonismes marqués entre deux clubs, mais les relations entre Ajaccio et Marseille montraient qu'il n'y avait pas de tensions spécifiques".
Pas suffisamment, en tout cas, pour mettre en place des mesures particulières, apparemment...
Il y a une volonté d'en découdre ches les supporters Ultra, extrémistes et aguerris aux troubles de l'ordre public
Michel Tournaire
Étonnamment, le responsable de la sécurité auprès de la préfecture, lorsqu'on lui rétorque que les événements ont montré le contraire, reconnaît, que, de toute évidence, "il y a une volonté d'en découdre chez les supporters Ultra, extrémistes et aguerris aux troubles de l'ordre public."
Le curseur des autorités, en matière de mesures exceptionnelles, est décidément difficile à appréhender...
Néanmoins, Michel Tournaire conclut en promettant que l'"Etat tirera les conséquences de ce qui s'est passé ce week-end à Ajaccio".
Alors que la saison prochaine marquera le retour des sulfureux derbies SCB-ACA, il semble urgent de s'y atteler.