Mis en examen pour l'homicide de Barthélémy Casanova, Jean-François Mattei a été transféré de la prison de Borgo à celle des Baumettes, à Marseille. Il y a été placé à l'isolement à la suite d'un renseignement anonyme lui imputant un projet d'évasion. Lors d'une conférence de presse organisée ce vendredi à Ajaccio, ses avocats ont dénoncé le traitement judiciaire et pénitentiaire de leur client.
"Nous considérons que le traitement réservé à Jean-François Mattei s'affranchit des droits les plus élémentaires de la défense et aussi d'un État de droit."
C'est par ces mots que Me Antoine Guglielmi a introduit la conférence de presse qu'il a organisée, vendredi 10 novembre à Ajaccio, avec sa consœur Me Anna Maria Sollacaro. Les deux avocats ont dénoncé le "traitement judiciaire et pénitentiaire" de leur client.
Mis en examen en octobre 2022 et placé en détention provisoire dans le cadre de l'information judiciaire concernant le meurtre de Barthélémy Casanova en janvier 2020 à Corte, Jean-François Mattei a été transféré le 26 septembre dernier du centre pénitentiaire de Borgo à celui des Baumettes, à Marseille. Il y a été placé à l'isolement.
"Cela s'est fait sur la base d'un renseignement anonyme imputant un projet d'évasion à M. Mattei", explique Me Antoine Guglielmi qui pointe une "accusation grotesque, corroborée par aucun élément tangible".
Et d'ajouter : "il s'agit d'une manœuvre pernicieuse qui interroge quant à ses réelles motivations d’autant que cet appel anonyme est reçu quatre semaines après que notre client a demandé à être confronté à deux personnes l’accusant (du crime, ndlr) sous couvert d’anonymat".
À la suite du transfert et du placement à l'isolement de son client, l'avocat inscrit au barreau de Paris a fait appel auprès du Tribunal administratif de Marseille. Un recours en référé à l'issue duquel la juridiction administrative n'a pas accédé à la demande de sortie de l'isolement de Jean-François Mattei.
"Nous ne demandons pas sa remise en liberté, mais simplement son retour à la détention normale, précise Me Guglielmi. Pendant quatorze mois, il était incarcéré à Borgo où il n'y a eu aucun problème. Il était d'ailleurs placé dans une unité de confiance au sein de laquelle il bénéficiait d'un poste de confiance. Il est donc parfaitement compatible avec une incarcération classique et normale en Corse. Aujourd'hui, on assiste une fois de plus à un bannissement des détenus corses qui n'est pas acceptable et surtout jamais motivé."
"Nous ne savons rien de cet appel anonyme."
Me Antoine Guglielmi
Concernant l'appel anonyme qui aurait fait état d'un projet d'évasion de Jean-François Mattei et motivé son transfert à Marseille, Me Guglielmi répond :
"Nous avons sollicité l'accès au dossier. En vain. L'autorité administrative nous a expliqué qu'une enquête était en cours s'agissant de ce projet d'évasion mais qu'elle n'avait aucun élément à donner à la défense ni même au Tribunal administratif. Nous ne savons rien de cet appel anonyme. Nous pourrions tout de même avoir une précision sur son destinataire. Nous n'avons surtout aucune retranscription de cet appel anonyme, alors même qu'il a été passé à une autorité judiciaire ou administrative. Et lorsqu'un appel est passé à une quelconque autorité, il est souvent mis sur écoute. Nous n'en avons pas la retranscription, à tel point que la défense est légitime à se poser la question de son existence même."
Le pénaliste insiste sur un point : "Dans une procédure criminelle de ce type, les enjeux sont considérables autant pour le suspect que pour la partie civile qui attend bien légitimement des réponses."
Ce vendredi en fin de journée, les avocats de cette dernière n'avaient pu être joints par nos soins.
Demande de confrontation
Âgé de 39 ans, Barthélémy Casanova avait été tué d'une balle dans la nuque dans la nuit du 28 janvier 2020, à la suite d'une altercation dans un établissement de nuit de Corte. La mort de ce conseiller municipal cortenais avait suscité un vif émoi dans l'île. Quelques jours après le meurtre, une marche blanche avait été organisée dans la cité paoline.
En Octobre 2022, trois personnes - dont Jean-François Mattei - avaient été mises en examen dans ce dossier.
Interpellé en juillet 2022 à Porto-Vecchio, alors qu'il était sous le coup d'un mandat de recherche dans cette affaire, Jean-François Mattei (également mis en examen dans un autre dossier pour complicité de tentative d'homicide) avait été mis en cause par deux témoignages anonymes l'incriminant.
L'homme, qui "conteste être l'auteur du tir", a demandé une confrontation avec ces deux témoins. Celle-ci a été rejetée par le magistrat instructeur bastiais en charge du dossier.
"Conformément à ses droits, M. Mattei était parfaitement fondé à demander cette confrontation, indique Me Guglielmi. Elle lui a été refusée par le magistrat instructeur au motif que cela n'apporterait pas d'éléments supplémentaires à la compréhension du dossier. Ces témoignages méritaient pourtant d’être confrontés à plusieurs éléments objectifs de nature à disculper Monsieur Mattei. Or, lorsqu'un témoignage est accusatoire, il doit être confronté et doit être interrogé. Lorsqu'un recours a un procédé aussi dérogatoire que le témoignage anonyme existe, la procédure doit être davantage équitable. Il en va de notre État de droit."
"Je voudrais préciser qu'il n'est pas question ici de faire une stratégie de défense, ajoute Me Anna Maria Sollacaro. Nous sommes en phase d'instruction. Dans cette affaire, il nous reste l'appel que nous avons formé devant la chambre de l'instruction de Bastia concernant l'ordonnance de refus d'acte qui tendait à cette confrontation avec les deux personnes qui mettent en cause Jean-François Mattei."
La date de l'audience devant la chambre de l'instruction n'a pas encore été fixée.