L'ancien combattant du Djihad en Afghanistan, qui a roué de coups et étranglé Yvan Colonna, affiche un lourd CV, et un parcours carcéral chaotique.
Le mardi 2 juin 2015, aux abords du palais de justice de Rouen, le déploiement de forces est inhabituel. Et spectaculaire. Des hommes de la brigade anti-criminalité, cagoulés, et des policiers casqués et armés de fusils-mitrailleurs quadrillent le terrain.
A l'intérieur de la salle d'audience du tribunal correctionnel, chemise immaculée, barbe fournie, crâne rasé et regard sombre, Franck Elong Abé. L'homme est alors âgé de 28 ans. Et considéré comme présentant un degré élevé de dangerosité. Alors les autorités n'ont pas voulu prendre de risques.
Le prévenu, qui comparaît pour tentative d'évasion à l'hôpital-prison de Seclin, dans le nord, ne dira pas un mot au tribunal. Personne ne connaîtra sa version de cette tentative d'évasion, qualifiée à l'époque par le parquet de "bizarre mais violente", au cours de laquelle il prend en otage une interne en psychiatrie, qu'il menace à l'aide d'une pointe taillée dans un dévidoir de papier hygiénique.
Au sortir de l'audience, Franck Elong Abé est condamné à quatre ans de prison. Une condamnation de plus.
Combattant en Afghanistan
Celui qui a roué de coups et étranglé Yvan Colonna, peu après 10 heures du matin, mercredi 2 mars, en raison d'un supposé "blasphème", a un CV qui fait frémir. Et cette tentative d'évasion, bien que considérée, à raison, comme "d'une extrême gravité" par le procureur de Rouen, est noyée au milieu des 16 mentions au casier judiciaire de Franck Elong Abé, aujourd'hui âgé de 36 ans.
L'homme, né au Cameroun, a passé une partie de sa jeunesse en Normandie. En 2011, alors qu'il a une vingtaine d'années, il rejoint l'Afghanistan, où il embrasse la cause djihadiste et combat au côté des talibans.
En 2012, il est fait prisonnier par les troupes américaines. Il va passer deux ans dans les geôles de Bagram, dont les conditions de détention lui ont valu le surnom de Guantanamo de l'Orient.
Parcours carcéral chaotique
En 2014 il est livré à la France, où il est condamné à 9 années de prison pour association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un acte terroriste. Il sera incarcéré dans plusieurs prisons, jusqu'Arles où il arrive en 2019, précédé par une réputation de détenu pour le moins difficile.
L'été précédent, alors qu'il est enfermé au sein de la très sécuritaire prison de Condé-sur-Sarthe, Franck Elong Abé a été à l'origine de pas moins de 14 incidents, détruisant du matériel ou mettant le feu à sa cellule.
On peut se demander, au vu de ce profil radicalisé, et de son parcours carcéral chaotique, comment Franck Elong Abé, qui était certes soumis au statut de DPS, n'avait pas également transité par l'un des quartiers d'évaluation de la radicalisation, comme c'est le cas habituellement pour ce genre de détenus.
Quoi qu'il en soit, l'homme semblait s'être calmé depuis son arrivée, il y a trois ans, dans les Bouches-du-Rhône. Renfermé sur lui-même, taiseux, sans visites ni contacts avec l'extérieur, il n'était pas vraiment un détenu modèle, mais il n'avait plus été à l'origine d'aucun débordement notable. Au point de s'être vu confié des tâches d'entretien, habituellement interdites aux DPS.
Un emploi qui lui a permis, ce matin du 2 mars 2022, de se retrouver seul à seul avec Yvan Colonna dans la salle de musculation de la maison centrale d'Arles...