C'est la réponse de l'Etat que les élus insulaires attendaient depuis de longues semaines. Emmanuel Macron a pris la parole devant l'Assemblée de Corse ce matin, pour aborder la très sensible question de l'autonomie, après un an de négociations.
"Pour ancrer pleinement la Corse dans la république, et reconnaître sa singularité et son rôle dans l'espace qui est le sien, il faut l'entrée de la Corse dans notre constitution".
L'entrée de la Corse dans la constitution. À cette question qui cristallisait de nombreux questionnements, et presque autant de divergences, Emmanuel Macron, ce matin, a apporté une réponse claire.
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Durant des mois, commentateurs, journalistes, juristes et élus ont multiplié les suppositions. Se dirigerait-on, si l'Etat optait pour plus d'autonomie, vers un statut à la polynésienne, un statut à la néo-calédonienne, à la martiniquaise ?
Là encore, le chef de l'Etat a choisi de trancher. Pas question de dupliquer ce qui a déjà été fait. Pour la Corse, il faudra innover : "il faut bâtir un référentiel qui soit pleinement Corse. Celui de la Corse dans la République. Pour répondre au besoin de reconnaissance, éviter de nouvelles confrontations, allons au-delà des totems pour les uns, des tabous pour les autres. Au fond, ayons l'audace de bâtir une autonomie à la Corse dans la République".
Emmanuel Macron, à la tribune, précise : "je suis favorable à ce que les spécificités de la communauté insulaire corse soient reconnues dans la constitution au sein d'un article propre, les spécificités d'une communauté insulaire historique, linguistique et culturelle. Ces mots, je le souhaite, seront ceux de notre texte fondamental, des mots de respect et de reconnaissance".
Ni coofficialité, ni statut de résident
Reste à savoir ce que ce texte, qualifié de "fondamental", contiendra concrètement. Emmanuel Macron aborde plusieurs questions qui ont cristallisé les débats, durant les derniers mois :
En ce qui concerne la langue corse, elle sera "mieux enseignée, et placée au cœur de la vie de chaque Corse. Un service public de l'enseignement en faveur du bilinguisme sera mis en œuvre". La langue étant l'une des exigences premières des nationalistes, c'est une décision qui va dans leur sens. Pour autant, à aucun moment, la notion de coofficialité n'a été évoquée par Emmanuel Macron.
Corse parce que Français, Français parce que Corse, Européen et de Méditerranée, tout cela à la fois
Emmanuel Macron
Il en va de même pour l'épineux dossier du statut de résident, là encore écarté par le locataire de l'Elysée, qui a pour autant abordé le sujet de la spéculation immobilière et de l'accès à la propriété. Il propose une autre solution : "nous devrons établir des dispositifs, notamment fiscaux, régulant le marché immobilier, et luttant contre la spéculation, tout en respectant notre droit européen, auquel vous êtes profondément attachés en Corse".
Loi organique
Emmanuel Macron s'est dit favorable à "la possibilité pour la Collectivité de Corse de définir des normes sur des matières et des compétences transférées. Cette capacité normative devra évidemment s'exercer sous le contrôle du Conseil d'Etat, et du Conseil constitutionnel".
Une nouvelle fois, le président de la République veut souligner à quel point c'est une marque de confiance de Paris envers la Corse : "Nous ouvrons ainsi la possibilité d'une gouvernance responsable et libre d'un territoire, ce qui est non seulement compatible avec le mot et l'esprit de la constitution, mais ce qui rendra également la République française plus forte".
Ce ne sera pas une autonomie contre l'Etat, ni une autonomie sans l'Etat, mais une autonomie pour la Corse et dans la République
Emmanuel Macron
Mais le chemin est encore long. "il est nécessaire que les différents sujets institutionnels fassent l'objet d'un accord entre les groupes politiques de l'Assemblée de Corse, cœur battant de la vie démocratique de l'île. Je souhaite que le travail avec le gouvernement puisse mener à un texte constitutionnel et organique qui serait soumis à votre accord, d'ici six mois. Et c'est sur la base de celui-ci que nous pourrons engager le processus de révision constitutionnelle, puis organiser la consultation en Corse, et à l'issue préparer le projet de loi organique qui mettra en œuvre cette nouvelle étape".
"Tourner la page"
Le discours d'Emmanuel Macron a été salué par de longs applaudissements, et une partie de l'hémicycle s'est levée pour montrer sa satisfaction. D'autres, à l'image de Paul-Felix Benedetti et Core in Fronte, se sont montrés bien moins convaincus, alors que l'expression Peuple corse n'a jamais été prononcée.
En effet, si le chef de l'Etat a ouvert plusieurs portes, il a pris soin de rappeler, tout au long de son intervention, à quel point la Corse était indissociable de la France : "cette nouvelle étape permettra à l'île de conserver son âme et son identité, tout en restant dans les bornes de la République, et de continuer ainsi à bénéficier de la solidarité nationale".
Renoncer à la pulsion de mort, pour aller vers la pulsion de vie et l'espérance
Emmanuel Macron
Pour autant, Emmanuel Macron veut voir dans la voie qui s'ouvre avec ce discours "un changement profond dans la relation entre l'Etat et la Corse".