Après le passage de la violente tempête qui a fait 5 morts et près de 30 blessés en Corse et provoqué d'importants dégâts, le Conseil des ministres a confirmé la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle pour l'île.
Le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, l'avait indiqué en déplacement à Calvi vendredi dernier. Le Conseil des ministres l'a acté ce jour : suite aux violentes intempéries des 18 et 19 août, l'état de catastrophe naturelle est décrété en Corse.
Un dispositif qui permet notamment à "la solidarité nationale de jouer au plus vite en coopération étroite avec les assurances", souligne le compte-rendu du Conseil des ministres. Dans les faits, les sinistrés ont donc 10 jours, à partir de la publication de l'arrêté dans le Journal Officiel, pour déposer un état estimatif des pertes qu’ils ont subies auprès de leurs compagnies d’assurance, et bénéficier du régime d’indemnisation.
Des bouées météorologiques pour une meilleure anticipation de ces phénomènes
Plus encore, est-il souligné, sur proposition du ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, "l’acquisition de 5 bouées météorologiques permettant de mieux anticiper ces phénomènes, va être réalisée."
Une prochaine réunion des membres du gouvernement, qui visera à "lancer la préparation du nouveau plan national d’adaptation au changement climatique afin de renforcer encore la protection des Français face à ces événements extrêmes qui vont être amenés à s’intensifier dans le futur" est planifiée dès la rentrée.
"Le ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires sera chargé de son élaboration en concertation avec l’ensemble des acteurs concernés et en lien avec tous les ministères intéressés. Ce nécessaire travail sur l’adaptation aux impacts des dérèglements environnementaux se fera de pair avec les efforts visant à atténuer le changement climatique en doublant le rythme de baisse de nos émissions de gaz à effet de serre", conclut le compte-rendu.
Au total, 73 communes insulaires ont déposé un dossier de reconnaissance de catastrophe naturelle et se sont vues acceptés la mesure, précise Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur. Celles-ci sont listées dans un arrêté du Journal Officiel du 24 août.
En Corse-du-Sud : Afa, Ajaccio, Alata, Albitreccia, Arbori, Azzana, Balogna, Bastelicaccia, Cannelle, Cargèse, Casaglione, Cauro, Coggia, Cognoli-Monitcchi, Coti-Chiavari, Cuttoli-Corticchiato, Evisa, Grosseto-Prugna, Marignana, Osani, Ota, Partinello, Piana, Pietrosella, Sari-d'Orcino, Sarrola-Carcopino, Serriera, Sant-André-d'Orcino, Tolla, Vico, Villanova.
En Haute-Corse : Algajola, Aregno, Avapessa, Brando, Calenzana, Calvi, Canavaggia, Castello-di-Rostino, Cervione, Corbara, Feliceto, Ficaja, Focicchia, Galéria, l'Ile-Rousse, Lavatoggio, Lucciana, Lumio, Moncale, Monticello, Murato, Muro, Nessa, Oletta, Olema-di-Tuda, Omessa, Pero-Casevecchie, Piano, Piève, Pigna, Porri, La Porta, San-Damiano, Santa-Maria-di-Lota, San-Nicolao, Santa-Reparata-di-Balagna, Vallecalle, Valle-di-Compoloro, Valle-di-Rostino, Vescovato, Ville-di-Pietrabugno, Zalana.
Possibilité de dépôt de dossier jusqu'au 8 septembre
Dans un communiqué publié ce 26 août, la préfecture de Haute-Corse souligne que les dossiers déposés après le 24 août 2022 par les autres communes qui ont également sollicité la reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle et qui n’ont pu être examinés dans la journée, sont en cours d’instruction "et feront l’objet d’un prochain examen par la commission interministérielle du mois de septembre."
"Par ailleurs, les communes qui n’auraient pas encore pu déposer une demande de reconnaissance de
catastrophe naturelle pour cette même intempérie, peuvent encore transmettre leur dossier jusqu’au
8 septembre prochain."
Une procédure actionnée en urgence
Cette procédure de reconnaissance de catastrophe naturelle a été actionnée en urgence, quand les délais tournent habituellement autour de plusieurs mois.
"On ne peut que s'en féliciter, glisse Ange-Pierre Vivoni, maire de Sisco et président de l'association des maires de Haute-Corse. Mais vu ce qui s'est passé en Corse, je pense que le gouvernement ne pouvait pas faire autrement que déclarer l’état de catastrophe naturelle."
Si s'agit là d'une bonne nouvelle, Ange-Pierre Vivoni appelle néanmoins à une certaine prudence : les travaux de remise en état ne sont bien souvent pas financés à 100% pour autant, assure-t-il.
"L'état de catastrophe naturelle ne résout pas tous les problèmes. Il permet des financements de l'ordre de 30 à 40%. Ce qui est très bien. Le président de l'exécutif s'est engagé de son côté à financer à hauteur de 30% avec l'Assemblée de Corse. On s'attend donc à des financements qui vont de 60 à 80% du prix de réparation des dégâts constatés."
Sauf qu'une fois les arrêtés pris, il faut "un certain temps" avant que l'argent ne puisse arriver jusqu'aux trésoreries des mairies. Résultat, les communes se trouvent "dans l'obligation de faire l'avance, et d'ajouter les 20% de financements restants". Et 20%, sur des travaux qui peuvent se chiffrer jusqu'à "des millions d'euros", "c'est quand même une participation très importante des contribuables".
Appel à simplifier le processus de reconnaissance pour les communes
Autre grief pour le président de l'association des maires de Haute-Corse : la lourdeur administrative des dossiers de reconnaissance d'état de catastrophe naturelle, parfois bien difficile à gérer par des maires débordés.
"Il faut monter les dossiers, puis attendre la venue des experts... Je pense qu'il faut simplifier cela pour aller plus vite. Une fois que la commune est reconnue en catastrophe naturelle, on voudrait qu'on nous fasse confiance, que les devis des artisans et des entreprises suffisent, plutôt que de forcément faire venir des experts du continent. Faute de quoi c'est toujours très long, alors que nous sommes souvent obligés de réaliser des travaux dans l'urgence."
Les autorisations de travaux, indique-t-il, sont souvent données sans problème. Mais pas assez vite, notamment pour les dommages sur les voiries, "pour lesquels nous ne sommes pas assurés, et qui font des dépenses très lourdes".
Le maire prend l'exemple de sa commune, reconnue en catastrophe naturelle pour cause d'inondations et coulées de boue en novembre 2016. "Les travaux ont été réalisés de suite, et l'argent, nous l'avons obtenu 12 à 24 mois après. On sait que l'argent finira par tomber, mais c'est quand même un temps long pour les communes."
Plébiscite d'un impôt sur le climat
Saluant le communiqué récent du Conseil exécutif de Corse, qui appelle notamment à "tirer d'indispensables leçons" des intempéries meurtrières de la semaine passée, Ange-Pierre Vivoni fait le souhait de la Corse comme territoire d'expérimentation de nouvelles mesures de protection et gestion des risques climatiques et météorologiques.
"Nous avons la sécheresse, les tempêtes et les incendies. Nous sommes en première loge sur tous les points. Maintenant, il faudrait en faire un territoire d'expérimentation, et qu'on s'en inspire pour la France, pour l'Europe et au-delà. On ne peut plus continuer comme ça, et on sait très bien que ça ne va pas diminuer, ça va s’accentuer. Le changement climatique il est là, les experts nous en parlent depuis trente ans. Mais nous les autres les politiques, nous ne l’avons pas pris en compte, et aujourd’hui ça nous retourne de plein fouet."
Le maire estime obligatoire la future mise en place d'un impôt sur le climat. Faute de quoi "nous subirons à l'avenir des situations encore pire que celle que nous avons déjà connues."