Disparitions, meurtres, cold-case... Black-Track, une application médiatique et collaborative qui recense les faits divers

Lancée dans une seconde mouture en septembre 2022, l'application Black-Track documente les disparitions et faits divers non-élucidés à travers le monde. Deux affaires concernent à ce jour la Corse : le bébé martyr du col de Salvi, et la femme momifiée et décapitée du cimetière de Miomo.

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Le propriétaire d'une laverie retrouvé abattu dans son arrière-boutique, pourtant barricadée de l'intérieur. Le corps sans vie d'un enfant noyé, et les multiples rebondissements d'une enquête autour d'un énigmatique "corbeau". Un avion comme volatilisé en plein air avec ses 239 passagers. Une petite-fille disparue lors d'un voyage à l'étranger il y a 15 ans. Et plus récemment, le corps d'une femme retrouvé démembré aux Buttes-Chaumont...

Qu'ils soient sordides, sanglants, mystérieux ou bouleversants, les faits divers horrifient tout autant qu'ils fascinent le grand public. Mais dans un océan d'histoires tragiques qui surviennent jour après jour aux quatre coins du globe, il y a celles qui font la une de tous les journaux, de toutes les émissions radiophoniques et télévisées, et celles qui ne dépassent pas les frontières du bouche à oreille de quartier.

Une injustice pour Gina Ranalli. Avec son associé, elle lance, en 2016, l'application Black-Track, qui "recense les disparitions et faits divers non-élucidés à travers le monde". L'objectif, explique-t-elle, "c'était de pouvoir mettre en lumière toutes ces affaires, qu'elles aient été médiatisées ou non, qu'on en ait beaucoup parlé auparavant ou pas, et de les faire perdurer dans le temps."

Plus de 170 affaires suivies et documentées

Lancée dans une seconde mouture en septembre dernier, l'application recense à ce jour "plus de 170 affaires suivies à travers les différents continents", et fonctionne grâce à l'appui de trois développeurs, d'un designer, d'un journaliste à temps plein et de correspondants freelance, basés en France, en Belgique, ou encore en Suisse.

Auxquels s'ajoutent "plusieurs milliers d'utilisateurs", de tous les âges et de toutes régions. L'inscription est gratuite - Black-Track se rémunère par la publicité, explique Gina Ranalli.

Cela peut-être des affaires qui les touchent de près ou de loin, ou simplement des cas dont ils ont entendus parler.

Gina Ranalli

Les faits divers traités sont diversement sélectionnés : "Il y a ceux que nos équipes de journalistes nous font remonter, et ceux que nos utilisateurs nous proposent. Cela peut-être des affaires qui les touchent de près ou de loin, ou simplement des cas dont ils ont entendus parler. Ce peut aussi être des affaires très récentes ou bien plus anciennes, qui remontent à 20, 30, 90 ans."

Les histoires proposées sont ensuite étudiées par les équipes, pour vérifier qu'elles correspondent bien à la ligne éditoriale de l'application - "pas de règlement de compte ou d'affaires semblables", insiste Gina Ranalli -. Une fois validé, le fait divers est pris en charge par l'un des journalistes, qui en rédige un résumé, faisant état des faits et des connaissances. Puis une fois postée, l'histoire est actualisée au gré des avancées de l'enquête.

Seulement deux affaires traitées en Corse à ce jour

À ce jour, une unique affaire concernant la Corse est disponible : celle du bébé martyr du col de Salvi. La macabre découverte remonte au 25 avril 1998. Alerté par une volée d'une vingtaine de corbeaux, un ancien légionnaire repère le corps à moitié calciné et déjà attaqué par les rapaces d'un nourrisson. La petite fille est âgée de quelques mois seulement. L'autopsie permettra de déterminer que l'enfant a été brûlée vivante.

Plus de 400 auditions sont menées par les enquêteurs. Abandon, prostitution, toutes les pistes sont étudiées, sans succès. L'affaire se conclut finalement sur un non-lieu et sans aucune mise en examen. Mais 25 ans après, elle suscite encore une grande émotion en Balagne. "C'est actuellement un de nos utilisateurs qui nous a suggéré cette histoire pour être ajoutée à Black-Track, ce que nous avons fait", indique Gina Ranalli.

Depuis, plusieurs enrichissements, à savoir des captures d'écran d'articles de Corse-Matin relatant cette affaire, ont été ajoutés par une utilisatrice. De quoi permettre un travail collaboratif.

Tous les éléments qui sont postés par les utilisateurs sur Black-Track sont vérifiés par notre équipe de journalistes dans les 24h et 48h, pour étudier leur véracité, ou voir s'il n'y a pas atteinte à notre politique.

Gina Ranalli

Car, et c'est peut-être un des points centraux de cette application : chacun des faits divers peuvent être suivis, mais surtout commentés par ses utilisateurs. "Une partie de nos utilisateurs sont passifs, et se contentent de se documenter, s'informer, voire pourquoi pas de poster des messages de soutien en commentaire, détaille sa conceptrice. Et puis nous avons aussi un bassin d'utilisateurs actifs, qui peuvent s'ils le souhaitent ajouter des éléments, des informations, des choses peut-être plus personnelles."

Quitte, parfois, à ce que certains se hasardent dans les commentaires sur l'identité de celui qu'il estime être le meurtrier, ou le scénario d'un drame. Au détriment de la présemption d'innocence. "C'est le cas aussi dans les commentaires des publications de médias sur les réseaux sociaux, se défend Gina Ranalli. Mais tous les éléments qui sont postés par les utilisateurs sur Black-Track sont vérifiés par notre équipe de journalistes dans les 24h et 48h, pour étudier leur véracité, ou voir s'il n'y a pas atteinte à notre politique. Après quoi, on peut soit laisser l'ajout ou le commentaire, ou le supprimer, en indiquant à la personne nos raisons. Nous souhaitons que tout le processus reste bienveillant."

Un second fait divers relatif à la Corse sera prochainement ajouté sur l'application : celui du corps de la femme retrouvé momifié et décapité au cimetière de Miomo, en août 1988. Marcelle Nicolas, originaire de Brest, était portée disparue depuis neuf ans, après un séjour avec son fils en Corse.

L'autopsie révèle plus de soixante fractures sur le corps de la jeune femme de 29 ans, battue à mort avant que sa tête ne soit découpée à l'aide d'une scie électrique. Mais là encore, l'enquête piétine, marquée par de nombreuses zones d'ombres.

Le ou les auteurs des faits n'ont toujours pas été identifiés, et le fils de Marcelle, reste toujours introuvable. "C'est également une affaire qui nous a été suggérée par un utilisateur. Souvent, ils nous font remonter des affaires qui les ont marqués, sur lesquelles ils veulent savoir plus, ou qu'ils veulent voir rester médiatisées."

Des campagnes d'étiquetages pour "relancer les recherches"

Outre la partie numérique, Black-Track entend désormais développer un second volet, plus tangible : des campagnes d'affichages, afin de remettre en avant des affaires plus ou moins vieilles et tombées dans l'oubli. Deux opérations ont déjà été menées : la première, à Fréjus, en février dernier, sur l'affaire Nathalie Prince, portée disparue depuis deux ans.

Dans ce cadre, ce sont 10.000 étiquettes "Still missing", affichant sa photo, sa description physique, et le contact de sa famille et des autorités compétentes qui ont été imprimés, distribuées à des commerçants locaux, puis collées dans des laveries, sur des cartons de pizzas, sur des sacs de course...

"Nous avions suivi l'affaire de manière journalistique, raconte Gina Ranalli, et nous avons proposé cette campagne à ses proches, qui ont de suite accepté."

La seconde campagne d'affichage s'est déroulée en mars, pour une affaire cette fois plus ancienne. "Ce sont des proches qui nous ont contacté au sujet d'un "cold case", vieux de 32 ans. On leur a proposé un étiquetage similaire, et ils ont également dit oui."

L'objectif, dans les deux cas, étant "de continuer à faire vivre les recherches, et idéalement, réussir à obtenir de nouvelles informations. Ceci, toujours dans un objectif journalistique et informatif : nous n'entendons pas nous substituer à la justice." L'équipe de Black-Track entend mener une campagne d'étiquetage par mois.

Et continuer, parallèlement, à alimenter sa base de données numériques. "Nous recevons des nouvelles propositions tous les jours, de partout dans le monde", assure sa conceptrice, qui précise : des brevets concernant l'application ont déjà été déposés dans toute l'Europe, aux Etats-Unis, en Inde, en Chine, au Japon... "et le reste est en train de suivre". 

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