REPLAY : Matière à P(e/a)nser, votre rendez-vous sur Via Stella pour réfléchir à notre époque

ViaStella vous a proposé, durant le confinement et les semaines troublées qui l'ont suivi, un rendez-vous avec certains des meilleurs scientifiques et chercheurs. Pour tenter d'examiner la période inédite que nous vivons à travers leur regard. Matière à P(e/a)nser, en partenariat avec le parc Galea.

Entretien avec Philippe Moati, économiste

- "Difficile, pour l'heure, de savoir si la consommation est repartie comme avant, ou si elle va laisser des traces. On est plutôt enclins à penser qu'elle va laisser des traces, dans la mesure où de nombreux consommateurs nous ont dit avoir pris une certaine distance avec l'ère de l'hyper-consommation".

- "La proportion de Français déclarant vouloir consommer moins, mais mieux, c'est accrue pendant la crise." 

- "35 % des Français nous disent appartenir à un foyer qui a connu une baisse de revenus, et cette proportion, concentrée sur le bas de l'échelle sociale, devrait être appelée à s'accroitre."

Philippe Moati, la bio :
Économiste, professeur à l'Université Paris 7 et cofondateur de l'Observatoire Société et Consommation (ObSoCo), une société d'études et de conseil en stratégie. Phlippe Moati décrypte pour nous le comportement des ménages durant le confinement et les conditions de la relance depuis le déconfinement.
 

Entretien avec Eric Birlouez, sociologue de l'alimentation

- "Durant l'épidémie il y a eu deux types d'impacts : d'abord sur nos pratiques alimentaires, mais également sur notre rapport à l'alimentation. Ca a été l'occasion d'une première fois, découvrir un magazin de proximité, un producteur local. Ce qui a été suprenant, ça a été l'augmentation des achats de produits bio". 

- "Notre manière de penser l'alimentation a pu changer. On a pris conscience qu'il existait une chaîne alimentaire, du champ à la table, et qu'il y avait des rouages oubliés entre les deux, agriculteurs, caissiers ou routiers..."

- "Je ne crois pas au changement profond et rapide de notre système alimentaire mais je ne crois pas non plus à l'absence de changement. On ne va pas changer le modèle en un claquement de doigts".  

Eric Birlouez, la bio :
Eric Birlouez est ingénieur agronome de formation et sociologue. Depuis 25 ans, il exerce une activité de consultant indépendant auprès d’organismes publics et d’entreprises, principalement dans les secteurs de l’agriculture et de l’alimentation. Parallèlement, il enseigne l’Histoire et la Sociologie de l’alimentation au sein d’Ecoles d’ingénieurs et d’universités, en France (ISA Lille et Université de Lille, AgroParisTech…) et à l’étranger (Liban, Roumanie, Chine…). 

Eric Birlouez a publié de nombreux ouvrages sur l’alimentation et les aliments, dont il explore les dimensions culturelles, sociales, historiques et symboliques.

 

Entretien avec Marc-André Selosse, biologiste

- "On a découvert les microbes, au début, comme des malfaiteurs. Pasteur a trouvé des microbes et ont s'est rendu compte qu'ils causaient maladies. Ce n'est pas faux. Mais on s'est rendus compte que la plupart des microbes ne font rien, ou au contraire, nous aident à vivre. Il y a des microbes partout et certains sont aussi capables de nous aider". 

- "On découvre que des gros problèmes modernes comme l'obésité, le diabète, l'autisme, reposent en partie sur le fait que les gens qui sont malades n'ont pas assez de diversité microbienne pour les maintenir en bonne santé". 

- "Il faut inventer une propreté limitée, ce que j'appelle une saleté propre, des habitudes de vie qui, évidemment, permettent de faire un écran à la maladie, mais il faut trouver un équilibre, et trouver le moment où il faut empêcher le microbe d'être présent". 

Marc-André Selosse, la bio :
Marc-André Selosse est biologiste et professeur du Museum National d'Histoire Naturel. Ce spécialiste en botanique et en mycologie, conteur de la science du vivant, démystifie ce monde microscopique. S'il faut prendre des mesures sanitaires pour éviter la propagation de la COVID-19, Marc André Selosse nous montre d'autres facettes de ces organismes.
 

Entretien avec Isabelle Méjean, économiste

- "L'une des conséquences de la mondialisation, c'est la concentration de l'offre sur certains types de produits comme les masques et les respirateurs. Ils sont produits par un très petit nombre d'entreprises dans le monde qui ont eu des difficultés à faire face à la demande. (...) Ce système a montré ses limites durant cette crise sanitaire."

- "On ne décrète pas du jour au lendemain la relocalisation. Ca implique de dépenser de l'argent public pour cibler et encourager la production à l'échelle domestique. Il faut faire attention aux réactions un peu simplistes à des crises. Rien ne prouve que, si on avait eu une production nationale, on aurait pu augmenter beaucoup plus facilement les cadences et la production". 

- "La bonne question n'est pas pourquoi acheter uniquement en Chine, mais pourquoi acheter à une seule, ou deux entreprises, toutes localisées en Chine. Ca pose un problème de diversification, le jour où ces entreprises font face à un choc, comme cette quarantaine, on ne peut pas se reporter sur un autre fournisseur. Il faut diversifier nos approvisionnements, localement ou ailleurs". 

Isabelle Méjean, la bio :
Isabelle Méjean est professeure d'économie à Polytechnique. Elle vient de recevoir le Prix du "Meilleur Jeune Economiste 2020" décerné par le Cercle des Economistes et le quotidien "Le Monde". Un prix prestigieux, dont Esther Duflot (Prix Nobel d'économie l'an dernier) ou encore Thomas Piketty ont été lauréats par le passé.
 

Entretien avec Didier Rey, historien

- "Les clubs qui seront financés par de très grosses machines, voire par des états, suivez mon regard, s'en remettront très bien. Mon on risque de vivre un darwinisme économique, en quelque sorte, qui risque de mettre sur la paille un grand nombre de clubs." 

- "Pour les petits clubs c'est encore plus grave. En plus du manque à gagner aux guichets, il y a la question des sponsors, qui sont souvent des sponsors de taille régionale, frappés de plein fouet par la crise. Par conséquent le financement des clubs n'est pas du tout assuré."

- " Nous vivons une crise de la rupture du lien social." 

Didier Rey, la bio :
Didier Rey est docteur en histoire, et maître de conférence à l'université de Corse Pasquale-Paoli.
Il est le secrétaire général adjoint de la revue Études corses.
Il a collaboré à de nombreuses publications corses, françaises et italiennes, et publié plusieurs ouvrages, dont La Corse et son Football, et Sports et société en Corse.
 

Entretien avec Jean-Claude Casanova, économiste

-"Les contacts entre les hommes favorisent l'épidémie. Mais la mondialisation c'est aussi un commerce de biens, ce sont des mouvements de population, ce sont des mouvements de capitaux. Renoncer à toute cela, ça poserait des problèmes bien plus graves, d'une certaine façon, que l'épidémie."

-"Les deux ou trois années qui viennent impliqueront le chômahge, qu'il faudra compenser, une baisse des revenus, qu'il faudra essayer de stabliser, et une reprise ordonnée. Si elle est cahotique ce sera douloureux". 

-"Les gens qui s'imaginent que demain sera différent d'aujourd'hui, je crois qu'ils seront déçus. Il faut que le passage d'aujourd'hui à demain soit le moins douloureux possible."

Jean-Claude Casanova, la bio :
Jean-Claude Casanova, né à Ajaccio, est docteur ès sciences économiques, et diplômé de l'Institut d'études politiques de Paris. Il a été directeur d'études et de recherches à la Fondation nationale des sciences politiques, et professeur, entre autres, à Science Po Paris et à l'ENA.
Il a également été conseiller de Raymond Barre alors que ce dernier était Premier ministre. 
Il est le co-fondateur, avec Raymond Aron, de la revue Commentaire, et en est le directeur. 
Il est l'auteur de plusieurs ouvrages. 
 

Entretien avec Vinciane Despret, philosophe des sciences :

-"L'épidémie intensifie une situation qui existait auparavant. Nombre de soignants, nous disaient, avant la crise déjà, que les gens mourraient seuls. Aujourd'hui on prend brutalement conscience du fait que ça peut arriver à beaucoup de monde et que c'est plus proche qu'on ne le pensait. La crise rend perceptible des choses qui se passaient déjà mais qui sont amplifiées". 

-"La philosophie ne pense pas mieux que quiconque les événements, elle pose des questions. Comment doit-on penser ces événements, quelle prise on doit leur offrir, par rapport à une forme de routine. Comment aborder une situation qui est tellement exceptionnelle qu'elle nous apparait nouvelle."

-"Ce que l'on considérait comme la normale n'avait rien de normal du tout. C'est ce que nous apprend cette crise. Alors, après, surtout, que l'on ne revienne pas à la normale".

Vinciane Despret, la bio : 
Vinciane Despret est une philosophe des sciences belge. Elle est professeur à l'Université de Liège, mais également à l'Université Libre de Bruxelles. 
Elle a signé ou cosigné une quinzaine d'ouvrages. Le dernier, publié chez Actes Sud en 2019, a pour titre Habiter en oiseau.

 

Entretien avec Christian Grataloup, géohistorien :

- "Cette maladie est une maladie de proximité, qui se transmet de personne à personne, et qui met pourtant en relation des gens à tous les bouts du monde. à quelques mètres de distance. Cela témoigne très bien de la mondialisation des personnes, et de ce fait, des maladies." 

- "On peut affirmer que 2020 sera une date clé de l'humanité. Et c'est très rare, d'ailleurs, de pouvoir dire "nous sommes en train de vivre un moment historique, inédit. Ce n'est pas la pandémie, qui est inédite, mais la réaction des sociétés à cette pandémie. La société mondiale ne sera pas, après, comme elle était avant." 

- "Après la crise, il va y avoir une dimension d'opposition sociale qui va être forte entre les confinés joyeux, ceux qui peuvent faire du télétravail, et d'autre part ceux qui sont obligés d'aller au charbon, au front. Ils vont peut-être demander des comptes aux autres. Reste à savoir si les Etats joueront un petit peu le jeu..."

Christian Grataloup, la bio :
Agrégé et docteur en géographie, Christian Grataloup a été professeur à l'université Paris VII-Denis-Diderot et à Sciences Po Paris. Il a été le président du conseil scientifique de l'UFR Géographie, Histoire, Sciences de la Société (GHSS).
Son dernier ouvrage est L'Atlas historique mondial, publié au Arènes en 2019.


Entretien avec Dominique Meda, philosophe et sociologue du travail :

- "On fait aujourd'hui l'expérience des avantages et des inconvénients du télétravail. C'est pratique mais c'est beaucoup moins confortable, parce que l'on parle à un ordinateur. Les personnes sont beaucoup plus isolées, et puis il n'y a plus de barrières entre le travail et le hors-travail.

- On voit des métiers qui jusque-là étaient invisibles. Qui étaient même faiblement considérés. Et qui, très souvent, sont occupés principalement par des femmes, en première ligne. Aujourd'hui, on s'aperçoit que ce sont ces métiers qui soutiennent la société et qui nous permettent de vivre. Et la plupart de ces métiers sont très faiblement rémunérés. 

- Il y a une béance entre la hiérarchie de la reconnaissance sociale, du prestige, des rémunérations d'un côté, et de l'autre côté la hiérarchie de l'utilité sociale. On a l'impression que ces deux hiérarchies sont complètement contradictoires. Il va falloir resserrer ces écarts." 

Dominique Meda, la bio :
Normalienne, énarque et agrégée de philosophie, Dominique Meda est professeur de sociologie à l'université Paris-Dauphine, directrice de l'institut de recherches interdisciplinaires en sciences sociales et titulaire d'une chaire au Collège d'études mondiales. Elle signé ou cosigné une trentaine d'ouvrages, dont Une autre voie est possible, chez Flammarion, avec Eric HEyer et Pascal Lokiec.
 

Entretien avec Axel Kahn, généticien :

- "Cette crise est très singulière, par la réaction de notre monde à cette crise épidémique. Et les ébranlements vont être redoutables, pas tellement parce que les conséquences du virus seront redoutables, mais parce que la réaction du monde moderne au virus sera redoutable. 

- C'est une épidémie sérieuse, mais il en existe des exemples du même type tous les siècles. Au XXème siècle il y a eu la grippe espagnole, 20 à 40 millions de morts, la grippe asiatique, deux millions de morts, la grippe de Hong-Kong, un million de morts, et puis le sida, 40 millions de morts. Là c'est la première pandémie mondiale du XXIème siècle."

Axel Kahn, la bio :
Axel Kahn est scientifique, médecin généticien et essayiste. Il est directeur de recherche à l'Inserm, l'institut national de la santé et de la recherche médicale. Il est également président de la Ligue nationale contre le cancer.
Il a signé, ou cosigné, près d'une trentaine de livres. 
Le dernier en date, c'est L'éthique dans tous ses états, aux éditions de l'Aube, en collaboration avec Denis Lafay (2019).

 

Entretien avec Valérie Masson-Delmotte, paléoclimatologue :

- "On observe une réduction de l'émission d'un certain nombre de polluants, et on observe une amélioration de la qualité de l'air.
C'est d'ailleurs une bonne nouvelle, parce que quand on est exposé à une mauvaise qualité de l'air ça augmente notre vulnérabilité aux infections pulmonaires. 
Mais l'effet sur le climat sera anecdotique."

- "Ils faut que toutes celles et ceux qui sont dans cette pause forcée s'interrogent : qu'est-ce qui est vital, qu'est-ce qui est fondamental, qu'est-ce qu'on veut préserver et transmettre, comment on peut adapter nos choix, nos modes de vie, de sorte à être bien, solidaires et en même temps agir pour préserver la biodiversité et stabiliser l'évolution du climat". 

Si on repart comme avant ça ne marchera pas, on va aller vers des crises croissantes

- Valérie Masson-Delmotte a déjà connu des périodes de confinement de plusieurs mois, lors de travaux au Groenland, elle nous donne 4 conseils pour mieux vivre ce confinement :

  • "Créer une routine dans ce nouveau contexte,
  • Se fixer des objectifs que l'on peut atteindre, et se réjouir quand on a pu les atteindre,
  • Aider les autres, s'entraider, même à distance,
  • Jouer sur l'humour, devant des situations très tendues, pour recréer du lien humain".

- "Si on repart comme avant ça ne marchera pas, on va aller vers des crises croissantes. C'est l'occasion de réfléchir à ce que l'on doit mettre en place". 

Valérie Masson-Delmotte, la bio :
Valérie Masson-Delmotte est directrice de recherche au Commissariat à l'Energie Atomique et aux énergies alternatives, et présidente du groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat
Elle est à l'origine, en 2010, de l'Appel des 400, dans lequel 400 spécialistes du climat partaient en guerre contre les climato-sceptiques. 
Valérie Masson-Delmotte est l'auteur de Climat : le vrai et le faux, aux éditions le Pommier. 

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