Double homicide de l’aéroport de Poretta : les dessous du trafic de stupéfiants qui a mené aux frères Guazzelli

France 3 Corse a pu avoir accès à une partie de la procédure judiciaire concernant un trafic international de cannabis en lien avec le double homicide d’Antoine Quilichini et Jean-Luc Codaccioni. Dans le viseur des enquêteurs: les frères Christophe et Richard Guazzelli.



5 décembre 2017, 11h30 : Antoine Quilichini et Jean-Luc Codaccioni sont assassinés sur le parking de l’aéroport de Bastia-Poretta, sous les yeux des voyageurs médusés.

Fichés au grand banditisme, les deux hommes sont bien connus de la justice et de la police et, en pleine période de recomposition du milieu criminel insulaire, les pistes semblent nombreuses.

Très vite, pourtant, les regards se tournent en direction des héritiers du gang criminel de la Brise de Mer, dont les rangs ont été décimés par des règlements de comptes vraisemblablement internes au groupe.

Surveillances policières 


Une fois n’est pas coutume : les investigations vont rapidement confirmer la rumeur publique et le 12 décembre 2017, Christophe et Richard Guazzelli sont arrêtés dans une mini villa du Domaine de Biscovaggia à Porto Vecchio.

Ils sont les deux jeunes fils de feu Francis Guazzelli, ex baron de la Brise assassiné en 2009 et la justice les soupçonne aujourd’hui d’avoir voulu venger la mort de leur père en s’en prenant à des proches de Jean-Luc Germani, une autre figure du milieu insulaire.

Si les enquêteurs ont pu mettre la main aussi rapidement sur les suspects, alors que les affaires de ce type sont généralement très complexes à résoudre, c’est parce que les frères Guazzelli étaient filés depuis de longs mois dans le cadre d’une autre enquête, visant un trafic international de stupéfiants organisé entre la Corse et l’Espagne.
 

"Main-mise sur le trafic de cannabis en Haute-Corse"

C’est à cette procédure que France 3 Corse a pu avoir accès et qui dévoile les dessous d’un réseau bien organisé qui visait, selon la police, « à avoir la main mise sur l’importation de cannabis en Haute-Corse ».

Comme souvent dans ce type de dossiers, l’enquête débute grâce à un renseignement anonyme, transmis en l’occurrence à l’antenne bastiaise de la police judiciaire le 11 juillet 2014.
 

L’information fait état de « deux individus masculins prénommés "Christophe" [décrits] comme étant particulièrement actifs dans le cadre d'un trafic de stupéfiants d'envergure entre le continent et la Corse, et plus particulièrement sur la région bastiaise, leur lieu habituel de résidence ».

La source décrit « des passages de stupéfiants réguliers, extrêmement volumineux et particulièrement bien organisés par cette équipe ». Laquelle serait composée d’individus « parfaitement bien implantés sur l’île, issus de la frange supérieure du banditisme insulaire (…) et disposant de solides relais continentaux pouvant les approvisionner sans limites à la demande ».

Entre 40 et 60 kilos


Sur la base de ces renseignements, les enquêteurs ciblent deux personnes : Christophe Guazzelli, le jeune fils de feu Francis Guazzelli et Christophe Andreani, décrit comme un de ses amis et originaire comme lui du village de La Porta en Castagniccia.
 

Tous deux sont « défavorablement connus des services de police et de la justice », indique la procédure.
Les surveillances sont rapidement mises en place et elles ne tardent pas à payer : une importation de produits stupéfiants est mise en évidence dès le 9 août suivant, selon un procès-verbal de compte rendu d’enquête.

Christophe Andreani, observé lors d’un déplacement express sur le Continent, « joue un rôle prépondérant dans l’organisation », indiquent les enquêteurs. Christophe Guazzelli, lui, « est présent lors de la remise du produit à Sainte-Lucie de Porto-Vecchio »


Si les hommes de la police judiciaire ne mettent pas la main sur la drogue, ils estiment la quantité de cannabis transportée lors de ce voyage « entre 40 et 60 kilos »

Déplacements discrets sur le continent


Un autre « épisode (…) présentant toutes les caractéristiques d’une livraison volumineuse de produits pouvant être des stupéfiants » est mis au jour par les enquêteurs en avril 2015, puis, pendant de longs mois, les suspects vont se faire discrets.

C’est l’interpellation de Christophe Andreani, un an plus tard à Ajaccio, qui va relancer l’enquête.
Le trentenaire est arrêté armé et en possession d’un téléphone portable au cryptage renforcé dont l’exploitation partielle « laisse transparaitre des déplacements discrets sur le continent » et un lien avec un autre appareil du même type, utilisé par Christophe Guazzelli.

Grâce à ces nouveaux éléments, les policiers réussissent, selon eux, à identifier « un réseau relationnel dans un milieu lié au trafic de stupéfiants dans la région de Marseille et en Espagne ».

Ils établissent notamment un lien entre les deux suspects qu’ils pistent et un certain Eddy Boussaid, délinquant marseillais qui sera assassiné sous les yeux de son père un an plus tard, en septembre 2016.

 

« La parfaite panoplie du trafiquant de produits stupéfiant »

L’enquête va finalement rebondir de façon surprenante le 27 octobre 2017.
A cette date, le propriétaire italien d’une villa située sur les hauteurs de Saint Florent s’aperçoit que son domicile a été squatté et prévient les autorités.

Dans la maison, les enquêteurs découvrent ce qu’ils désignent comme « la parfaite panoplie du trafiquant de produits stupéfiant »: vêtements sombres, lunettes gants et casquettes noires. Plusieurs clés de véhicules, une grosse somme d'argent en petites coupures.  

Et, surtout, stockés dans des sacs de supermarchés, 60 kilos de résine de cannabis.
 



Une saisie exceptionnelle pour les enquêteurs. Dans la villa, les policiers relèvent en outre les empreintes digitales de Christophe Andreani et de Richard Guazzelli, le frère aîné de Christophe.

 A l’arrivée des fonctionnaires, les suspects ont déjà levé le camp mais ils seront suivis  à la trace grâce notamment à divers systèmes de surveillance et de sonorisation des véhicules qu’ils utilisent.

Mi-novembre, ils sont repérés  dans le Cap Corse, dans une petite maison de pêcheurs sur la marine de Tollare.

Pendant plusieurs jours, les enquêteurs suivent les allées et venues des hommes qu’ils surveillent.
 
 


La fusillade


Le 4 décembre 2017 à 16h04, à Furiani, ils remarquent une Golf de couleur noire qui leur semble suspecte et qui pourrait avoir à son bord les frères Guazzelli accompagnés d’un autre homme. A 18h30, les policiers perdent la trace de la voiture et décident de lever le dispositif de filature.  

Le 5 décembre à 10 h00, un nouveau dispositif de surveillance est installé autour de la maison de pêcheur de Tollare pour retrouver la voiture noire. 

 

Trop tard : moins de deux heures plus tard, à  11h34, le chef de groupe reçoit un appel. « Sommes informés de la commission d’une fusillade sur le linéaire de l’aéroport de Bastia-Poretta, par plusieurs individus circulant à bord d’un VW Golf noire récente », indique le procès-verbal de surveillance.
 

Antoine Quilichini et Jean-Luc Codaccioni viennent de tomber sous les balles d’un commando « aguerri, qui n’a laissé aucun détail au hasard et a agi avec beaucoup de sang-froid », selon un gradé de la PJ.

Le procès verbal indique une nouvelle découverte à 14h 24 : une Golf noire vient d'être retrouvée en feu sur la commune de Piedicrocce.

Le 12 décembre 2017, Richard et Christophe Guazzelli sont arrêtés dans une villa près de Porto-Vecchio. Ils seront mis en examen, aux côtés de Christophe Andreani et de plusieurs autres personnes,dans le dossier du trafic de stupéfiants, puis dans celui du double homicide de Bastia-Poretta.

Joints par téléphone, leurs avocats n’ont pas souhaité commenter les enquêtes en cours. Plusieurs requêtes en annulation (de tout ou partie de la procédure) ont toutefois été déposées et les suspects bénéficient, comme tout justiciable, de la présomption d’innocence.  






PROCES ANDREANI:
Christophe Andreani, l'un des protagonistes de ce feuilleton, était jugé hier par la cour d'Appel de Bastia. 8 ans ont été réclamés en appel pour association de malfaiteurs liée à une cache d'arme découverte en 2014 dans le quartier bastiais de l'Annonciade. En 1ère instance l'accusé avait écopé de 6 ans de prison. Dans la même affaire, Jean-Angelo Guazzelli, oncle de Richard et Christophe Guazzelli, avait été condmané à 10 ans. Un troisième prévenu avait pour sa part été relaxé... 
 



 
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