Pour le collectif, le grand banditisme est absent du débat des Territoriales. Alors il a voulu remettre le sujet au centre des discussions en organisant une réunion publique sur la place Saint-Nicolas, à Bastia, avec des représentants des quatre listes encore en lice.
"En 1991, on défilait déjà contre la mafia. Mais les choses ont bien changé, depuis. Croyez-moi. La mafia de l'époque, c'était le Club Med ! Aujourd'hui, ce sont des équipes structurées, et puissantes. Cette mafia aspire à prendre le contrôle de cette société, et ce phénomène est nouveau."
Un phénomène nouveau
Jérôme Mondoloni, du collectif Massimu Susini, ne cache pas son agacement, à plusieurs reprises, durant le débat. Selon lui, trop peu de gens prennent vraiment confiance de la menace qui pèse sur l'île. Autant dans la population que dans la classe politique.
Pourtant, à Bastia, dans le kiosque à musique de la place Saint-Nicolas, tout le monde a répondu présent à l'invitation du collectif créé en octobre 2019.
Les quatre candidats encore en présence au second tour ont tous délégué un représentant : Jean-Félix Acquaviva pour "Fà populu inseme", Jean-Martin Mondoloni pour "Un soffiu novu", Vanina Le Bomin pour "Avanzemu pè a Corsica", et Gérard Dykstra pour "Core in Fronte".
De la théorie à la pratique
Mais les premiers échanges restent trop théoriques, nourris de considérations sociales et sociétales. Sur "la fascination pour le crime, la voyoucratie". Sur "le rapport à l'argent". Sur "l'éducation", le "terreau de la précarité", "l'absence de repères culturels".
Des considérations qui sont partagées par tout le monde mais qui, selon Jean-Toussaint Plasenzotti, qui mène les débats pour le collectif, sont presque hors de propos. Pour lui, on n'en est plus là depuis longtemps.
"Il ne faut pas se tromper de débat... Aujourd'hui, il y a une bourgeoisie mafieuse en Corse. Ce ne sont pas des gens misérables qui tiennent les rênes de la mafia sur l'île. Si on fait une analyse sociologique de leur famille, ce sont même des gens souvent relativement aisés."
Il faut détruire ce qui est en train de nous détruire.
Le collectif Massimu Susini ne veut plus de paroles. Il veut des actes. "Il faut des outils pour détruire ce qui est en train de nous détruire", martèle Jean-Toussaint Plasenzotti.
Propositions
C'est, d'ailleurs, l'intitulé du débat du jour : "Mafia ou crime organisé : comment se défendre ?" Et le collectif a travaillé sur la question.
Les propositions ne manquent pas : au niveau national en premier lieu, en renforçant l'arsenal judiciaire, avec un délit d'association mafieuse, ou en confisquant les biens. Et puis au niveau régional, avec un accent mis sur la gestion publique intégrale des déchets, l'affichage public et le suivi scrupuleux des marchés, ou la non-révision du Padduc.
"Il faut assécher les pompes à fric, conclut Jérôme Mondoloni. Il faut réussir à les décourager de se lancer dans ces secteurs."
Sur l'affichage public, tout le monde est d'accord. C'est également le cas pour la gestion publique des déchets, hormis du côté de la liste de Laurent Marcangeli.
Jean-Martin Mondoloni explique pourquoi : "ce n'est pas parce que ce serait public que ce serait plus vertueux. On se raconte des histoires. D'autant que la Collectivité de Corse est structurellement endettée, et elle n'a pas les moyens de rentrer dans une stratégie de tout public."
Il faut assécher les pompes à fric.
Sans surprise, c'est sur le Padduc que les échanges sont les plus fournis, et les positions les plus diverses. Core in Fronte est pour une révision, inconditionnellement. Du côté de Vanina Le Bomin, également, comme l'a répété à plusieurs reprises Jean-Christophe Angelini.
Afin d'illustrer pourquoi c'est nécessaire, sa représentante a pointé du doigt le développement urbanistique de la Plaine orientale, qui est pour elle aussi inquiétant que celui de l'Extrême-Sud ou de la région ajaccienne.
Un consensus, ou presque
Troisième personne pour une révision, Jean-Martin Mondoloni : "si le Padduc était aussi vertueux que ça, on serait d'accord pour ne pas le toucher. Mais si on veut le toucher, c'est qu'on a un problème avec ce Padduc ! On n'arrive pas à trouver du foncier pour donner un toit aux gens qui veulent s'installer... Ce n'est pas pour bétonner qu'on veut une révision, contrairement à ce que veulent laisser croire les gardiens du temple."
Aujourd'hui nous sommes nombreux à parler. On peut être plus optimistes qu'il y a deux ans.
Du côté de ceux qui sont contre, le collectif Massimu Susini. Quant à Jean-Félix Acquaviva, il préfère également défendre le dispositif : "le Padduc a été une condition nécessaire, pas suffisante mais nécessaire, pour éviter un dérapage plus important encore que celui auquel fait face la Corse aujourd'hui. Ce qu'il faut aujourd'hui, c'est une avancée législative. Un droit de préemption renforcé pour réguler le foncier, qui doit s'accompagner d'une fiscalité sur les transactions financières."
Au terme de près de deux heures et demie de discussions, Jean-Toussaint Plasenzotti est satisfait : "des personnes qui vont assumer des responsabilités à la CDC viennent participer à ce débat, et c'est un énorme progrès. Jusqu'ici, on était plus dans la stratégie de l'évitement que dans une vraie prise en compte de ce problème mafieux."
Désormais, le collectif Massimu Susini, ainsi que le collectif Maffia Nò, a Vita Iè, représenté ici par Josette Dall'ava Santucci, attendent de voir si, après la prise en compte publique du problème, la nouvelle Assemblée de Corse se donnera enfin les moyens de lutter, à son niveau, contre la dérive mafieuse qui s'abat sur l'île.
Retrouvez l'intégralité du débat :