Le président de l'intercommunalité du Fium'Orbu-Castellu estime que c'est le manque d'anticipation qui a contraint une cinquantaine d'élèves à rester enfermés une bonne partie de la journée dans l'établissement. Du côté de la préfecture, on assure que le principe de précaution a été appliqué.
"Certains parents sont venus chercher leur enfant en début d'après-midi, et tous ceux qui ne pouvaient pas être récupérés sont restés. Vers 15 heures on a été regroupé dans l'amphi, pour attendre. C'était plus pratique que le hall. Et puis l'amphithéâtre a commencé à prendre l'eau", raconte Cyprien, 17 ans. "Alors on est repartis dans le hall, et un peu après, on a rejoint la trentaine d'élèves du collège qui étaient encore là eux aussi. Les pompiers sont arrivés, ils ont recensé tous les élèves présents. Et puis vers 19h, on a mangé".
Plus de peur que de mal
L'élève de terminale ne semble pas vraiment traumatisé par l'épisode. Entouré de ses camarades, devant le lycée du Fium'Orbu, qui a réouvert ses portes ce matin, il affiche un air détendu. Mais il reconnaît qu'il y a eu quelques moments pas facile. "Quelques élèves étaient inquiets. Ils savaient que leurs parents étaient bloqués dans l'eau, certaines maisons avaient été inondées, des voitures emportées... C'est vrai, à un moment, on se demandait comment tout ça allait se terminer..."
La réponse à cette question viendra en début de soirée. Alors que l'eau reflue et que certaines routes redeviennent plus praticables, les élèves montent dans des bus mis en place par la préfecture de Haute-Corse, et mettent le cap sur Solenzara, Moriani ou Aleria pour retrouver leurs proches. Sains, saufs, et rassurés.
Un épilogue positif, qui ne suffit pas à satisfaire Francis Giudici. Le président de l'intercommunalité de Fium'Orbu-Castellu n'a pas hésité à soulever quelques questions, dès hier soir. Il ne comprend pas que la cité scolaire du Fium'Orbu n'ait pas été fermée plus tôt, avant l'arrivée du gros de l'orage, annoncé par Météo-France.
Certains ont pris les choses un peu à la légère...
"Il fallait anticiper, et on aurait fait autrement", regrette celui qui est également maire de Ghisonaccia. "J'avais averti les autorités, dès 13h30. J'ai eu le sous-préfet de Corte, qui était en réunion avec le préfet de Haute-Corse et son directeur de cabinet, et je leur ai dit que les routes allaient être inondées. Et que si on n'agissait pas très vite, on allait avoir des problèmes. On m'a assuré que l'on allait s'en remettre à mon expérience, et rien n'a été fait. J'ai l'impression que certains ont pris les choses un peu à la légère", assure Francis Giudici, qui conclut : "On a risqué de graves accidents, les parents, en panique, venaient chercher leurs gamins..."
Evaluation du risque
Pour François Ravier, préfet de Haute-Corse, ce n'est pas aussi simple. "Le maire nous a contactés pour demander l'évacuation du collège et du lycée, c'est vrai. Mais à 13h53 je reçois une vidéo sur laquelle on voit une route voisine du lycée inondée. Alors que le ruissellement n'a même pas commencé. Alors nous avons décidé d'appliquer le principe de précaution, et de laisser les enfants à l'abri, plutôt que de les mettre sur la route sans pouvoir garantir à 100 % leur sécurité dans les transports."
André Rocchi, le maire de Prunelli di Fium'Orbu, faisait ce matin le lourd bilan de l'épisode orageux sur sa commune. Mais il ne veut pointer personne du doigt."Quand personne n'est prêt, rien ne fonctionne. Voilà tout". Pour le maire, le problème est bien plus profond qu'un timing supposé défaillant. Et il va bien au-delà des frontières de l'île...La fréquence de plus en plus élevée des événements comme celui d'hier devrait amener les pouvoirs publics à réfléchir. au niveau régional, et national. Mais, selon lui, on en est loin.
Une prise de conscience qui tarde à venir
"Gouverner, c'est prévoir. Et en terme d'aménagement du territoire, rien n'est fait. Il n'y a aucune démarche, aucune réflexion de menée. Il faut qu'on se mette autour d'une table pour imaginer la vie que l'on va avoir lors des vingt ans qui viennent. Nous avons une réalité à inventer. Tout reste à faire".
Je ne peux pas être pessimiste, je n'ai pas le temps.
André Rocchi espère que la question s'invitera dans le débat, à l'approche des élections présidentielles. "Il faut mettre tout cela sur la table. C'est urgent. Mais les vrais sujets, la politique ne s'en empare pas". Pour autant, le maire de Prunelli se défend d'être pessimiste. "Il faut faire les choses, pas uniquement déplorer une situation. Je ne peux pas être pessimiste, je n'ai pas le temps".
Alors que les alertes météo se succèdent à un rythme soutenu en Corse depuis quelques années, avec parfois de lourdes conséquences, ils sont quelques maires, sur l'île, à penser la même chose...