Le passage du cyclone Chido à Mayotte a laissé l'île en ruines, avec un bilan provisoire de 20 morts et des centaines de disparus redoutés. Mathilde Lozano est coordinatrice des sages-femmes de la PMI. Elle raconte son inquiétude face à la population et aux soignants.
Le cyclone Chido a semé le chaos à Mayotte, samedi 14 décembre. François-Xavier Bieuville, préfet de Mayotte, a déclaré qu'il y aura "certainement plusieurs centaines, peut-être approcherons-nous le millier, voire quelques milliers" de morts. Le bilan provisoire fait état de 20 morts. Mathilde Lozano est coordinatrice des sages-femmes à la protection maternelle et infantile à Mayotte. Depuis dix jours, elle est en vacances dans sa famille en Franche-Comté. Elle espérait passer de belles fêtes de fin d'année avec ses proches.
"Personne ne se doutait de ce qui allait arriver"
Sur un groupe de messagerie instantanée, Mathilde et ses collègues se donnent régulièrement des nouvelles. Des nouvelles qu'elle ne s'attendait pas à lire samedi 14 décembre. "La veille, nous étions loin de penser que ça serait si fort. On plaisantait presque de l'alerte confinement, en disant que ça nous rappellerait le covid", se souvient-elle, bien loin de s'imaginer les dégâts.
Au réveil, le matin, le personnel soignant nous demandait quand ça se finissait, car les plafonds et les vitres n'allaient plus tenir.
Mathilde Lozano, coordinatrice des sages-femmes de la PMI de Mayotte
"Ils se demandaient combien de temps, ils allaient subir le cyclone", lâche-t-elle.
Personne, ni même le préfet, n'avait imaginé une telle situation. En cause, le passé. Cinq ans auparavant, Mayotte se trouvait sous la menace du passage du cyclone Belna et l'île avait été placée en alerte rouge. Mais les effets s'étaient limités à des pluies. "Toute la population avait ce référentiel en tête. Même la veille, personne ne se doutait que 80 % des logements durs n'auraient plus de toit."
Les dégâts sont nombreux. Mathilde, comme les autres, a vu son logement très endommagé. La moitié de son toit est arrachée, l'autre effondrée. "Sur tous les logements que je connais, même pas 20 % sont encore habitables", livre la coordinatrice, avant de préciser que tous les habitats précaires sont détruits. "On se demande où sont les habitants, car peu de personnes étaient dehors", la laissant craindre des centaines de morts sous les décombres.
"Revenir en pleine forme, quand tout le monde sera épuisé"
À l'hôpital de Mamoudzou, la maternité la plus grosse de France est ravagée et sous l'eau. "L'endroit où l'on reçoit le plus de patientes est très endommagé, le toit du service de réanimation s'est envolé... Au moins 60 % de l'hôpital n'est plus fonctionnel, en sachant qu'on est sur une île", souffle Mathilde. Pour le personnel, déjà en sous-effectif avant l'événement, c'est très dur.
Celles qui étaient réquisitionnées à l'hôpital ont eu très peur. Elles sont en état de stress post-traumatique de tout voir détruit.
Mathilde Lozano, coordinatrice des sages-femmes de la PMI de Mayotte
"Elles ne dorment pas, ne mangent pas... Il faut mettre en place des cellules de crises et des renforts", assure Mathilde. Elle ajoute que la fatigue était déjà présente avant le cyclone, le sous-effectif étant continuel sur l'île. "Ça va vite dégénérer. Ce n'est pas sûr que ceux qui ont vécu cela tiennent encore longtemps, lâche-t-elle. C'était déjà compliqué de recruter avant ça, ça va être encore pire après."
À des milliers de kilomètres, Mathilde se sent impuissante. "C'est très difficile, laisse-t-elle s'échapper entre deux sanglots. On a envie d'aider, d'être auprès des soignants. Mais on ne sait pas encore si on va être réquisitionnés". Elle devait rentrer à Mayotte au 1ᵉʳ janvier, mais elle s'est portée volontaire pour retourner sur place. "Le but va être de revenir en pleine forme, quand tout le monde sera épuisé."
La crainte de l'insécurité
Elle redoute également que l'insécurité grandisse sur le département le plus pauvre de France.
Les personnes qui n'avaient quasiment rien, n'ont plus rien du tout.
Mathilde Lozano, coordinatrice des sages-femmes de la PMI de Mayotte
"S'il n'y a pas assez de nourriture pour tout le monde, l'insécurité va être encore plus importante qu'avant. Chacun va chercher à survivre." Elle imagine un après "assez sombre", mais souligne la générosité, la solidarité et la résilience du peuple Mahorais, appelant à l'aide extérieure. Si ses pensées sont déjà à la reconstruction, elle est consciente qu'il va falloir "des années avant que Mayotte ressemble à ce qu'elle était".