Avec un réchauffement global atteignant +4 °C d’ici la fin du siècle, l'Aquitaine se prépare à affronter des bouleversements climatiques majeurs. Les projections climatiques réalisées par Météo-France, commune par commune, détaillent les défis auxquels devront faire face les secteurs de l'agriculture, du tourisme et de la santé.
La question est cruciale : comment les territoires français devront-ils s’adapter face aux bouleversements climatiques à venir ? Selon les projections scientifiques issues de la Trajectoire de réchauffement de référence pour l’adaptation au changement climatique (TRACC), le pays devra faire face à une hausse des températures de + 2 °C d’ici 2030, + 2,7 °C d’ici 2050 et + 4 °C d’ici la fin du siècle.
"C'est énorme, commente le directeur interrégional de Météo-France Sud Ouest, Laurent Peyron. Ça fait passer le climat de Paris à celui de Montpellier et celui de Montpellier à celui d'Andalousie." Les tendances nationales s'observent aussi à l'échelle de la région Aquitaine. À Bordeaux, par exemple, où la température moyenne estivale atteint les 20,6 degrés Celsius aujourd'hui, les étés pourraient être encore plus chauds avec une médiane à 24,8 degrés en 2100.
Plus de vagues de chaleur
Pour élaborer des stratégies d'adaptation, le Ministère de la Transition écologique et de la cohésion des territoires, a développé Climadiag, un outil permettant d'évaluer les impacts du réchauffement climatiques, commune par commune et selon cinq familles d'indicateur : le climat, les risques naturels, la santé, l'agriculture et le tourisme.
Ainsi, le réchauffement global se traduit aussi à l’échelle locale. À Bordeaux, les vagues de chaleur, rares dans le passé, deviendront quasi permanentes, avec 16 jours par an en moyenne contre un seul actuellement. De même, les nuits chaudes, où les températures ne descendent pas sous les 20 °C, exploseront, passeront de 7 nuits par an aujourd’hui à 49 d'ici à la fin du siècle.
Ces phénomènes seront amplifiés par l’effet d’îlot de chaleur urbain, particulièrement prononcé dans les villes, et qui pourrait ajouter jusqu’à 2 °C supplémentaires aux températures nocturnes. Les conséquences pourraient être lourdes, notamment pour les populations les plus vulnérables.
Des hivers plus humides et des étés plus secs
Les précipitations évolueront de manière contrastée selon les saisons. À Bordeaux, les cumuls hivernaux passeront de 234 mm à 318 mm en 2100, une augmentation qui pourrait accroître les risques d’inondations. À Biarritz, dans les Pyrénées-Atlantiques, où les précipitations hivernales atteignent 363 mm aujourd’hui, elles pourraient monter à 435 mm (valeur haute).
En revanche, les étés seront marqués par une sécheresse accrue. À Bordeaux, les précipitations estivales baisseront de 205 mm à 161 mm, entraînant une hausse des jours avec sol sec (86 jours par an contre 60 actuellement). Cette situation fragilisera l’agriculture et les ressources en eau.
Risque d'incendie multiplié par cinq
L'évolution des températures et des précipitations amplifieront directement le risque d'incendies. "D’ici l’horizon 2050, les conditions climatiques plus sèches conduiront à une augmentation du nombre de jours, avec un risque significatif de feu de végétation, indique Climadiag. Ce risque se renforcera là où il était déjà présent et apparaîtra dans de nouvelles régions." Une perspective inquiétante, deux ans après les feux de forêts historiques qui ont ravagé le département de la Gironde.
Avec quatre degrés en plus, on multiplie par cinq les risques d'incendies.
Laurent PeyronDirecteur interregional sud ouest Météo-France
À La Teste-de-Buch par exemple, le nombre de jours "avec risque significatif de feu de végétation" passera d'un seul aujourd'hui, à 6 en 2100.
Bouleversements pour l'agriculture et le tourisme
Les secteurs agricole et touristique ne seront pas épargnés. À Bordeaux, les jours échaudant (où les températures dépassent 25 °C) entre avril et juin, passeront de 18 à 40 par an, affectant directement les cultures. De plus, le nombre de jours consécutifs sans pluie augmentera considérablement, atteignant 38 jours à Agen, dans le Lot-et-Garonne, contre 18 aujourd’hui. "Les températures maximales vont augmenter avec des conséquences sur les végétations, note Laurent Peyron. La disponibilité de l'eau va se réduire aussi avec la réduction des précipitations et puis l'augmentation de la transpiration des plantes, car beaucoup moins d'eau disponible, de l'ordre de 20 à 40 % de réduction du débit des cours d'eau."
Dans le secteur touristique, l’augmentation des journées estivales (avec une température supérieure à 25 °C) pourrait transformer les pratiques : Bordeaux verra sa saison estivale passer de 66 à 120 jours par an. Si cela peut dynamiser certaines activités estivales, les canicules et nuits chaudes risquent de rendre les grandes villes moins attractives pour les touristes.